Madeleine Pauliac, héroïne du film Les Innocentes

Peut-être avez-vous vu Les Innocentes au cinéma ? Le film est sorti en salles en février dernier.Affiche film Les Innocentes - Février 2016

Ce long métrage a réalisé 700 000 entrées, un vrai succès en France. Mais aussi à l’étranger, où il a même été sélectionné au Festival de Sundance. Il vient de sortir en salles aux USA, où il marche déjà formidablement bien, et les critiques sont très élogieuses. Il a été vendu dans 50 pays, dans tous les continents.

La première image du film indique : « Tiré de faits réels ». Le film est inspiré d’une histoire vraie, celle de Madeleine Pauliac, jeune médecin d’une trentaine d’années.Madeleine Pauliac - Photo de famille

Longtemps ce film vous hante, il est poignant, et il vous fait se poser plein de questions. 

Philippe Maynial - 9 août 2016

 

La base du scénario a été écrite par Philippe Maynial, Casseron le plus souvent possible, dès que ses activités professionnelles lui laissent quelques loisirs.

 

Quelle est la genèse de ce film ? : « Avant de décéder, ma mère m’a remis une enveloppe contenant des papiers, des lettres, des rapports. Ils correspondaient à la fin tragique de sa petite soeur, Madeleine, qui, disait-elle, s’était toujours conduite en héroïne durant la dernière guerre mondiale. Ma mère m’a raconté, à plusieurs reprises et en certaines occasions, des événements très particuliers que sa soeur lui avait elle-même rapportés, sous le sceau du secret. Elle tenait à ce que ces événements restent secrets dans la famille, et personne ne devait les connaître. J’ai effectivement transgressé, parce que je considérais qu’il fallait rendre un hommage à cette femme, ma tante Madeleine, que je n’ai jamais connue. Elle est décédée en février 1946, près de Varsovie, lorsque son véhicule a sauté sur une mine alors qu’elle était en mission pour la Croix Rouge française » explique Phillippe Maynial.

La réalité dépasse souvent la fiction. Le sujet du film pourrait paraître invraisemblable, tant il est puissant, voire inconcevable.

Quelle est l’histoire de Madeleine Pauliac ? :  « Quand la guerre éclate en 1939, elle a 27 ans.  Elle est jeune médecin, elle exerce à l’hôpital des Enfants Malades à Paris. Elle va accomplir, dans le cadre de la Résistance, un certain nombre de faits héroïques.

Au moment de la Libération de Paris, elle rencontre le général de Gaulle. Il l’envoie à Moscou auprès du général Catroux, ambassadeur de France des Républiques socialistes soviétiques. Tout l’avenir de l’Est et de l’Europe est entre les mains de Staline, et en particulier celui de la Pologne. Varsovie, qui est rentrée en insurrection le 1er août 1944, va être rasée par les Allemands, causant plus de 200 000 morts parmi les civils.

Madeleine est envoyée à Varsovie où elle devient médecin-chef de l’hôpital français qu’il faut reconstruire. En mai 1945, elle est à la tête de la Croix-Rouge française. Accompagnée de onze ambulancières, elle a pour mission le rapatriement de 300 000 Français basés en Pologne. Après cinq ans d’occupation nazie, la Pologne est sous la botte de l’Armée Rouge. Ce pays va connaître 45 ans d’occupation communiste, qui seront terribles. C’est dans ce contexte qu’elle va exercer 200 missions en Pologne, en particulier vider les 32 camps recensés, des camps d’extermination et des camps de prisonniers pour soldats ou officiers, dont Auschwitz-Birkenau et Treblinka, pour ne citer que ceux-ci » poursuit son neveu.

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Le film relate un des événements, parmi tant d’autres, vécu par la jeune médecin, prénommée Mathilde au cinéma : une dizaine de religieuses ont été victimes d’un viol collectif par les soldats russes, qui ont envahi le pays. Une horreur absolue !

 

Sur quel événement précis repose ce film ? : « En Pologne, l’état civil était tenu par l’Eglise. Madeleine va de monastère en église, afin de retrouver la trace de Français. Un jour, elle est en contact avec une soeur, victime d’un malaise car elle est sur le point d’accoucher, elle a besoin d’aide. Le film s’appuie sur le fait que seul un médecin, ni Polonais ni Russe, peut sauver ces religieuses du déshonneur et de la fermeture du couvent. D’ailleurs, à la fin du film, les nonnes remercient Madeleine, en l’ayant perçue comme un signe de la main de Dieu ».

La vie de Madeleine Pauliac est consultable sur l’encyclopédie libre Wikipedia, en français et en anglais.

Qui a réalisé le film ? « Anne Fontaine. Pour s’imprégner dans l’ambiance, elle a fait des retraites dans des couvents. Elle a beaucoup lu sur le sujet. Les codes, la liturgie, sont respectés à la lettre. La vie communautaire est merveilleusement restituée, ainsi que les couleurs de l’époque ».

Les images m’ont fait penser à celles du film Des Hommes et des Dieux. Philippe indique que c’est tout à fait normal, puisque c’est la même chef opérateur, Caroline Champetier, qui a été choisie par la réalisatrice. Un travail remarquable.

Qui interprète Madeline Pauliac ? La jeune comédienne Lou de Laâge est d’une sincérité et d’une retenue singulières. Elle est parfaitement crédible, les traits de son visage sont étonnamment plutôt semblables à ceux de Madeleine Pauliac. Dans ce rôle, elle est criante de vie. Son talent est prometteur : elle a reçu par deux fois, en 2014 et 2015, le César du meilleur espoir féminin, et en mai dernier le prix Romy-Schneider, décerné à une actrice en devenir, lui a été attribué pour son rôle dans ce film.

Depuis 21 ans, Phillippe et Barbara Maynial organisent chaque été une projection, dans le cadre d’une séance ciné-club à Ars. Le 9 août, plusieurs spectateurs-amis avaient déjà vu le film, mais ils tenaient à le revoir. D’autres, comme moi, l’ont découvert, je l’avais manqué lorsqu’il est passé à La Maline.

A l’issue de la projection, les questions posées au couple étaient nombreuses : psychologie de ces nonnes, rôle des femmes durant la guerre et leur engagement, comment les considérait-on ? Mais aussi des interrogations sur la foi. Le film interpelle, car avec tout ce que ces religieuses ont enduré, il y a là de quoi effectivement perdre la foi ! Image film Les Innocentes - 9 août 2016

Madeleine Pauliac a été décorée de la Légion d’Honneur, de la Croix de guerre avec les palmes, et nommée à la suprême distinction : morte pour la France. L’héroïsme de telles femmes fait réfléchir… Philippe a également répondu à la façon dont le film a été reçu par les ecclésiastiques : « Différemment selon les pays. A Rome, après une projection privée, un cardinal a pris la parole et a indiqué que le film était une excellente thérapie pour l’Eglise. Tandis qu’à Varsovie, où je suis allé présenter le film avec Anne Fontaine, des religieuses ont tenté de créer une polémique, relayée par l’AFP, en indiquant que l’attitude de la mère supérieure n’était pas acceptable et crédible ».

Il est vrai que ce film ne peut laisser indifférent, qu’on soit croyant ou non. Et finalement, il est plein d’espoir. 

La restitution de la vie de cette femme ne va pas s’arrêter là. Philippe Maynial est en train de finir d’écrire un livre, dont le titre devrait être Madeleine Pauliac et l’Escadron bleu, du nom de l’escadron d’infirmières qu’elle a dirigé en Pologne. Le livre sera publié à l’automne par XO Editions. Il va éclairer d’autres pans et d’autres faits de la vie incroyable et de l’héroïsme de cette  femme, en Pologne en 1945, où elle s’est employée à sauver beaucoup de vies humaines, et en particulier celles d’enfants.

A l’instar du long métrage, le récit promet d’être bouleversant : « Imaginons-nous les onze infirmières sur les routes de Pologne, qui vont s’employer à vider les hôpitaux et les camps des blessés afin de les arracher à une mort certaine et lente. Et ce, au péril de leur vie. Elles avaient entre 20 et 30 ans, elles étaient engagées volontaires, bénévoles, animées par un idéal exceptionnel » souligne Philippe Maynial.

Les faits sont véridiques. Ils seront tirés des carnets et des rapports de Madeleine Pauliac, des écrits des ambulancières de son équipe, et des mémoires de différents protagonistes, tel le général Catroux. 250 pages, dont 16 de photos sur les routes de Pologne, que nous attendons avec impatience…

Le scénario est une spécialité de Philippe et de Barbara. Il y a quelques années, ils ont organisé Les Ateliers du Cinéma, à Ars-en-Ré. L’aventure a duré 6 ans. Une vingtaine de petits bijoux de courts-métrages en sont alors sortis. Ça serait vraiment sympa de les revoir, d’autant qu’ils ont tous été tournés entre Ars et la Conche…

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