Solidarité dans l’écluse Mouffet

La houle a malmené Mouffet, l‘écluse à poissons au pied du phare des Baleines. Depuis près de trois semaines les responsables de l’écluse et les bénévoles se démènent pour en réparer les murs brèchés. Car un début de cassure devient immanquablement un gros trou le lendemain si on ne s’en occupe pas tout de suite.

Et là, c’est du sérieux, les dégâts sont très importants.

Ecluse Moufffet - 18 janvier 2014

En novembre, en décembre et au tout début de janvier, de nombreuses cassures avaient été constatées au fil des marées et de la houle persistante. On appelle cela refaire des épaulures, le mot désigne les pierres du dessus de mur, tombées dans l’eau. Elles avaient été remises en bonne place au fur et à mesure. Cette surveillance au quotidien est le lot des personnes en charge de l’écluse. Mouffet est une très grande écluse, particulièrement exposée lorsque les flots se déchaînent.

Vendredi 3 janvier, branle-bas de combat, le mur de droite a une grosse brèche de 10 mètres. Ça devient problématique, il faut des bras, et des costauds ! Avant que la brèche ne s’aggrave, premier pansement d’urgence, des pierres sont calées au pied du mur.

Le lendemain, samedi 4 janvier, le vent est terrible, 80 km/h, la pluie cinglante, le coefficient de marée est de 103, pas de  temps à perdre avant que la mer remonte.  Sous l’effet du flot, même les grosses pierres sont éparpillées jusqu’à 30 mètres sur l’estran… Cette partie précise de l’écluse à poissons est particulièrement sensible, c’est la troisième fois qu’elle est rebâtie en quelques semaines. 

J’ai assisté à une véritable course contre la montre et contre les éléments. En une heure le mur est remonté. Chapeau ! Mon appareil photo tangue sous les bourrasques et moi avec, j’ai du mal à tenir l’équilibre sur le mur de l’écluse. Il paraît que le soir, tout le monde a bien dormi…

Après le passage de la houle dans la nuit du 6 janvier, tout est à refaire. A ce même endroit, le mur n’a pas tenu. Serait-ce la grande quantité de sable, gratté par la mer dans les dunes de la Pyramide, qui fait ainsi exploser Mouffet ? Il va falloir recommencer pour la 4ème fois. Personne ne se décourage pour autant, il faut y aller vaille que vaille…

En plus une dizaine de brèches se sont ouvertes un peu partout et certaines sont vraiment importantes. Au total, une soixantaine  de mètres, un rien ! Il faut passer à la vitesse supérieure. De nouveau, appel est fait à la solidarité, on se donne le mot, on envoie des mails, on passe un coup de fil, et on vient donner un coup de main.

Mardi 7 janvier, ça continue.

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Mercredi 8 janvier, ils sont trente-deux à pied d’oeuvre. Le lendemain ils sont une quinzaine. Les jours suivants même topo, il faut aller vite et agir efficacement. Tous s’activent en différents points de murs afin de stopper l’éboulement avant que la mer n’emporte les pierres plus au loin.

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Vendredi 10 janvier, fin d’après-midi. Les sourires reviennent, on tient le bon bout, ça avance bien grâce à la présence des copains, hommes et femmes, venus en renfort.


Ce soir-là, le ciel offre une belle récompense, un magnifique coucher de soleil. Toutefois, il reste encore deux grosses brèches, une à gauche et une autre au fond de l’écluse, dans la partie la plus haute et la plus large.

Toute la semaine qui a suivi, l’écluse à été surveillée de près. Des bénévoles sont allés galéter entre les grosses pierres des murs déjà réparés, c’est-à-dire rajouter des cailloux et des petites pierres afin d’affirmer la consolidation. Ils ont colmaté et terminé plusieurs brèches. Ils ont aussi rapproché des pierres près de la grosse brêche du fond, en vue de sa prochaine remise en état. Il a gros à combler : 15 mètres de long, 3 mètres de large et 2,50 m de haut, faites le calcul ça fait 112 m3 !

Samedi 18 janvier. Ils sont 25 sur place. De 18 ans à 75 ans, chacun joue son rôle, complémentaire : les ramasseurs de gabut, ces petits cailloux qui vont servir de liant ; les gratteurs de pierres ;  les passeurs de pierres ; les bâtisseurs ; les pourvoyeurs de grosses pierres. Aujourd’hui le boyard est sorti, c’est un brancard à pierres, il facilite le travail pour aller les chercher et les transporter depuis l’estran.

Cette brèche est tellement importante qu’il a été décidé de l’étayer en son centre avec des gabions, qui sont remplis sur place avec des pierres trouvées dans l’eau. Il paraît qu’autrefois les Anciens renforçaient les intérieurs des digues avec des morceaux de fils de fer qui enserraient les pierres.

En fait, tous ces gestes sont ancestraux. Quand on pense d’autrefois les Rétais ne disposaient ni de bottes ni de gants en plastique et ils portaient des sabots aux pieds. Pour aller dans les parcs à huîtres les femmes étaient vêtues de leur culotte des champs qui devaient leur coller aux cuisses, et cela dans l’eau glacée.

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Et cette mer qui ne se calme pas vraiment…

Dimanche matin ils étaient encore quinze sur le terrain. La mer avait encore sévi, et détruit une partie du travail des jours précédents. Quotidiennement Daniel Bernard, détenteur et chef d’écluse va surveiller, faire le tour et remonter quelques pierres. Il remercie d’ailleurs beaucoup  ceux qui sont déjà venus donner de leur temps, et qui ceux vont pouvoir se libérer pour donner un nouveau coup de main, car le travail n’est pas terminé.

Tous les jours il constate de nouvelles brèches, phénomène plutôt anormal et rare. Tous les jours, comme lui, les bénévoles sont sur place pour colmater. Si le coeur vous en dit, ils vous accueilleront avec joie, deux heures avant la marée. Il suffit de vous munir de gants (les coquilles d’huîtres sur les pierres sont coupantes…), de bottes (l’eau est bien froide), d’un seau (pour ramasser le précieux gabut), et d’un bonnet (le vent siffle dans les oreilles).

Pour remettre à plat une brèche, et ensuite reconstruire sur les fondations, il faut avoir devant soi au moins trois jours d’affilée avec un gros coefficient de mer. Un prochain défi attend les bénévoles de Mouffet pour tout remettre d’équerre. Courage, il ne reste plus qu’un seul gros morceau à monter.

Partout sur les murs on voit bien les endroits qui ont été retapés.

D’autres écluses à poissons de l’île de Ré ont aussi souffert.

Les Portes-en-Ré - Ecluse L'Hirondelle - 18 janvier 2014
Les Portes-en-Ré – Ecluse L’Hirondelle – 18 janvier 2014.

Aux Portes-en-Ré la Grande Ecluse, la Chiouze, et la Providence ont été abîmées. L’Hirondelle au Gros Jonc, abandonnée depuis longtemps, n’est plus que ruines. A Ars-en-Ré, un morceau de bras de Foirouse a cassé. A Sainte-Marie de Ré trois écluses ont été endommagées :  La Paillarde trois brèches, la Jalousie une brèche, et la Touche-à Tout 30 mètres de brèches. Ceux de Sainte-Marie attendent les grandes marées de la fin du mois de janvier pour retaper ces écluses qui sont actuellement dans l’eau. Ces bénévoles ont aussi besoin de bras supplémentaires… Avis aux bonnes volontés.

Souvent une question est posée : Que faites-vous à l’île de Ré l’hiver ? Ne trouvez-vous pas le temps long ? Vous devez vous ennuyer… Preuve est là, que non.

 

4 réflexions au sujet de « Solidarité dans l’écluse Mouffet »

  1. Bravo pour le boulot accompli.
    Ayant ma belle sœur et le bof sur l’ile (nanou et daniel), nous allons chaque fois que les vacances nous le permettent sur l’ile, et nous avons la chance de pouvoir descendre dans cette écluse et la que du bonheur.
    Nous sommes un peu loin pour vous aider, mais peut être la simple action de diffuser le blog sur mon réseau social permettra de faire passer le message comme quoi il y a des gens bénévoles ou pas pour continuer de faire vivre ce que nos anciens ont construit et préserver cette ile.
    Alors bravo encore a tous et courage, ce que vous faites la nature vous le rendra.

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