Isabelle, ZabieZabelle, couturière

Il y a des métiers que l’on disait perdus, et qui cependant renaissent pour le grand bonheur de tous. Voir une jeune femme couturière s’installer dans un de nos villages, est un vrai contentement. Depuis un an et demi, Isabelle Feillon a créé son atelier de couture à Ars-en-Ré. P1350065

Ses débuts ont été modestes, elle travaillait chez elle. Le bouche-à-oreille a rapidement fait son effet : « J’étais un peu dubitative, mais je me suis rendue compte qu’il y avait une demande. J’espérais que ça fonctionnerait, mais je ne pensais pas que ce serait à ce point » confie-t-elle.

En novembre 2014, l’opportunité de s’établir dans une maison Place de la Chapelle à Ars, lui est offerte. Cette maison, remplie d’histoires du pays, est celle de Marius et Lucienne Menuteau. « Nicole, leur fille, a spontanément accepté que j’y déplace mon atelier de couture » remercie t-elle. Les portraits de Marius et de Lucienne sont bien présents, ils veillent sur la jeune femme.

Voir les volets et les fenêtres de cette habitation de nouveau grand ouverts, réjouit les uns et les autres. Le soleil du matin y entre à flots, la maison est restée telle que ses propriétaires l’ont laissée depuis leur départ pour la maison de retraite de Saint-Martin.P1350049

Et ça marche ! Non seulement cette habitation rétaise revit, mais l’activité d’Isabelle se développe. Retouches, ourlets, pose de fermetures éclair, accrocs, rien n’est vraiment problème pour elle : « J’ai toujours aimé le travail manuel. Enfant je traînais derrière mon grand-père avec un marteau et des clous à la main ». 

Les aléas de la vie, des épreuves personnelles, ont poussé Isabelle à changer de métier. A Bordeaux, elle a exercé pendant 14 ans en tant que préparatrice en pharmacie. Puis elle a quitté sa blouse blanche pour monter un commerce d’herboristerie, de produits naturels, de tisanerie, sur le Bassin d’Arcachon. « C’était la première entreprise que je créais ». L’amour a porté ses pas vers l’île de Ré. Compagne de Loïc Picart, saunier, elle a un temps travaillé à la Coopérative de Sel et taillé la vigne l’hiver. « En parallèle, je continuais à coudre, c’était mon passe-temps, mon hobby. Je faisais aussi de la poterie, de la mosaïque et de la peinture. Un jour je me suis dit pourquoi ne pas en faire une activité à l’année ? J’aime toucher les tissus, j’ai le goût de la matière, et je n’aime pas jeter. Je pense qu’on peut réparer, retoucher, faire perdurer et renaître les vêtements ». 

En plus de son activité de base, Isabelle s’est mise à créer et à customiser des vêtements. Elle chine à l’île de Ré, notamment au Vestiaire à Sainte-Marie, afin d’y débusquer des habits vintage, qu’elle arrange à sa façon : un bouton par-ci, des dentelles et des rubans par-là, une pièce de tissu ajoutée, et le vêtement retrouve une deuxième jeunesse. Sur un portant, est écrit « Collection éthique ». Elle la signe du nom ZabieZabelle cré@tion.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Sous ses doigts, un morceau de toile cirée, joliment coloré, devient pochette. Une toile de jute brodée se transforme en sac de billes, sac à dessous, sac à bobos… Des chutes de tissus se métamorphosent en chapeaux réversibles. Des petits cadeaux à faire pour entretenir l’amitié, ou pour se faire plaisir.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Le jeudi soir, elle prend la direction de Saint-Clément des Baleines. Là, l’attendent des adhérentes de l’association Ré-Création pour un atelier de couture hebdomadaire. Entre femmes, on se donne des conseils, on coupe, on coud, on créé, on se raconte des histoires, on se remonte le moral au besoin. Un moment privilégié, de 20 h à 22 h. Cet hiver j’ai poussé la porte du local que la mairie du village a mis à leur disposition : l’ambiance était joyeuse, créative, et appliquée. Sous la houlette d’Isabelle, bénévole de l’association, même celles qui n’avaient jamais touché une machine à coudre il y a encore six mois, se débrouillent comme des chefs. Sacs à tartes, sacs de plage, sac à main en bandoulière doublé, matelas à langer de voyage, peluches en tissus…, leurs réalisations m’ont bluffée.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Isabelle est quotidiennement dans son atelier, et ce, toute l’année. Et quand il est officiellement fermé, elle n’est jamais bien loin. C’est le moment où elle coud, ou bien qu’elle est partie dénicher des petits trésors qu’elle réutilisera pour ses créations, ou encore qu’elle s’occupe de son poulailler et de son jardin d’aromatiques.

Au fait, savez-vous comment, en langage rétais, on dit pour combler un trou sur un vêtement avec un morceau de tissu ? : « mettre un tapin ». Autrefois, les vareuses, les bleus de travail, les chemises, les blouses étaient reprisés et retapés. La couturière tapinait les vêtements au fur et à mesure que les accrocs et les trous se formaient. Pour les faire durer jusqu’à la corde, avant d’être recyclés en chiffons. Suzanne Héraudeau m’a d’ailleurs raconté ce qu’une grand-mère Rétaise lui disait, en parlant de son tablier : « 6 mois neuf, 6 mois percé, l’année est passée ! ». Dans la région de Bordeaux, celle où Isabelle est née, l’expression utilisée pour dire réparer un accroc est «pougnaquer ».

Aujourd’hui la couturière d’Ars a un surnom, un sobriquet affectueux, que lui ont donné ses amis : La piqueuse de la place de la Chapelle.

Laisser un commentaire