Denys

Denys Sadoul est parti le 13 août, un beau jour d’été comme il les aimait. Il était homme de bateau, toujours prêt pour aller faire un tour dans le Fier d’Ars. Son Falbala, auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux, était le prolongement de lui-même. Il l’a acquis en 1971. Nombreux étaient ceux qui connaissaient la silhouette de Denys et son pas flegmatique sur le port d’Ars-en-Ré.  Son ouverture au monde était appréciée, il avait toujours un mot gentil et un regard attentif. Homme de contacts, il savait créer du lien entre les uns et les autres. Il avait toujours de bonnes histoires à raconter sur le port d’Ars, sur les gens de la mer. Depuis le temps qu’il résidait dans le village, il en savait des choses… Il faisait partie du paysage casseron.

Denys Sadoul sur Falbala

Line Mailhé, une de ses fidèles amies, lui a écrit une lettre :  » Tu as aimé jouer avec l’océan, tu t’es enivré des vents marins, porté par l’élégant Falbala. Tu as vécu baigné de l’amour de ta famille, de tes enfants, de tes amis, de tes chats, de tous ceux qui t’approchaient.

Denys Sadoul dans sa DSTu sortais ta DS comme on sort sa maîtresse, avec gourmandise et passion. Parfois secret, parfois ouvert au monde. Toujours avec ce bon sourire de gentillesse et de charme. Ta bicyclette ancestrale, les pendules que tu ensorcelais au point qu’elle redémarraient même dans les cas les plus difficiles, ta jolie maison et son délicieux petit jardin, ta Béa, tu viens de quitter ton monde. Sur la pointe des pieds, tout doucement, comme un chat. Toujours cet art discret sans faire de vague. Denys, tu restes dans nos coeurs, paisible et sage. Tu nous manqueras, bien sûr, mais tu seras juste derrière nous, à un pas, insaisissable et présent, aimé des tiens ».

Denys aimait la compagnie des femmes. Dames et demoiselles se souviennent de balades en Falbala, dans les recoins du Fier qu’il connaissait comme sa poche. Il rendait envieux ses copains qui naviguaient seuls, et ça le faisait sourire. Béa, son épouse, n’était pas toujours disponible, elle travaillait. Elle oeuvrait en sous-main afin de lui trouver des équipières.

Odile Dumézy se remémore : « Je l’ai rencontré à un pot à la mairie. Nous avons tout de suite parlé bateau et  il m’a proposé d’aller faire un tour avec son Falbala. Il a fallu une bonne année pour que le projet se concrétise. Après je suis devenue son matelot, il passait régulièrement me chercher. Il y avait toujours un petit coin pour se baigner et surtout nous en profitions pour brosser la coque du bateau. Au printemps c’était le traditionnel cérémonial de la repeinte du Falbala dans le hangar de la rue du Corneau. Son bateau était toujours nickel, chaque chose bien à sa place, bien rangée. Le cordage vert, enroulé sur le pont avant, était la signature du capitaine avant de descendre à terre. Toujours joyeux, Denys avait des gestes d’impulsion de vie, allez on y va disait-il ».Falbala

Un rêve de Denys était de voir son Falbala faire des petits. Philippe Thomas a écrit ces mots, ils relatent une jolie histoire. « Mon ami, deux mots rares dans une vie. Notre rencontre eut lieu en 1998 au Salon nautique de Paris. Tout fût dit et accompli en quelques mots et regards, dans l’allée où nous nous croisâmes, au milieu d’une foule bruyante et indifférente. Le hasard, n’est-ce-pas, ne favorise que les esprits préparés.

Moi : « C’est quoi cette maquette de bateau dans vos bras ? ». Toi : « Celle de mon bateau, le Falbala, dessiné et construit en 1948 par le grand architecte rétais Merle, pour le médecin d’Ars qui souhaitait amariner ses jeunes enfants sur le Fier.  Moi : « Pourquoi Falbala ? ». Toi : « La femme du médecin découvrant le bateau et tous ses cordages compliqués s’est écriée : c’est quoi ce falbala! ». Moi : « C’est exactement le bateau que je voudrais pour les mêmes raisons ! Et il me plaît ». Toi : « Ça tombe bien, je cherche quelqu’un pour financer la construction du n° 2 en bois,  en utilisant les techniques modernes ». Moi : « Où peut-on le voir ? ». Toi : « Je le mets à l’eau chaque année à Ars à Pâques ». Moi : « J’y serai… ». Nous y fûmes tous les deux.

Pascal Goumard, neveu de Gaston Gazavant et talentueux charpentier, construisit Falbala 2 de ses mains expertes, dans un appentis sur le quai d’Ars, où il fut mis à l’eau en juin 2001. Des années durant nous avons navigué sur l’eau, bord-à-bord en tous sens sur le Fier et pas peu fiers de nos jolis bateaux et de notre belle amitié. Deux plumes sur l’eau disais-tu. Nous avons partagé beaucoup de bons moments à Ars, que tu aimais tant, et dont tu connaissais chaque maison et ses secrets que tu gardais pour toi. J’aimais l’affection discrète, distante, mais chaleureuse que tu nous témoignais à ceux qui t’aimais, et que tu observais, goguenard, tête inclinée à droite, et yeux malicieux. Tu nous manques Denys. Adieu mon Ami ».

Vélo de Denys SadoulCaillou, autre amie, témoigne : « Des images habituelles deviennent vite familières, agréables, rassurantes, comme pour marquer le temps. Ainsi le banc de Gaston Cazavant où les habitués prenaient place pour une conversation, tout comme Denys sur son vélo, avec ses deux sacoches marron, et plus tard son plumet sur le guidon. Immanquable !

Je garde de toi une image de simplicité, ton large sourire, la tête un peu penchée du côté de ta frange et aussi ton attentive gentillesse. Le dernier du village à chauler ta maison à l’ancienne. Et Tata Line, lorsque vous habitiez deux maisons « aux antipodes ». Line avait trouvé ce mot pour qualifier la situation de vos deux maisons et aussi vos différences d’opinions. Enfin la rencontre avec Béa, je ne t’ai jamais vu aussi heureux. Tu étais très occupé car habile dans les entreprises tous travaux et particulièrement le mécanisme compliqué des horloges. Combien d’horloges du village sont passées entre tes mains ? Pour moi c’est un coucou que tu as fait revivre et même l’horloge du grand-père que j’ai entendu  pour la première fois, avec émotion, faire tic-tac. Je garde de toi un très bon souvenir même si nous n’étions pas si proches. Mais à force de petites rencontres, de dîners, de pique-niques en Falbala, tout cela mis bout à bout donne le sentiment de se connaître depuis bien longtemps ».Denys Sadoul - avril 2012

Sept ans, Denys a été président du CNAR (Cercle Nautique d’Ars-en-Ré) de 2000 à 2007 Une époque enjouée où l’on se retrouvait autour un verre, autour d’un repas, dans une ambiance bon enfant, toujours festive, à l’image de ce qu’il était. Il aimait rassembler jeunes et moins jeunes, amoureux de bateaux et gens de terre. « Nous lui devons la mise en route des dîners mensuels que nous perpétuons, et la réalisation du bulletin et de la fête des 50 ans du CNAR en 2005 » assure Rosine Merlet, actuelle présidente.

Sous des allures nonchalantes, Denys était un vrai pugnace. Pour la Fête de la sardine et du port, en 2010 juste après le passage de Xynthia, il m’avait proposé de s’occuper bénévolement de recueillir les lots de la tombola. Il a fait un tabac, rapportant fièrement de chez les commerçants d’Ars moults cadeaux qu’ils avaient offerts. Il y en avait des montagnes !  Sans aucun doute son sourire persuasif avait agit…

La pendule de Madame CazavantDenys aimait lire et écrire. Dans le Tambour de décembre 2007, Il a relaté l’histoire de la réparation de la pendule de Madame Cazavant. A la mort de la dame, la famille Goumard lui a spontanément offert cette pendule, qu’il a accrochée dans son salon. Un témoignage d’amitié qui lui a fait chaud au coeur. 

Au revoir Denys. Tu as eu 75 ans le 8 août. Béatrice et les tiens t’ont accompagné jusqu’au bout. Je me souviens  de ce dernier 14 juillet, où tu me disais en attendant que ta femme arrive, et elle tardait à venir : « Elle est passée où la gamine ! ».

Denys et Béatrice Sadoul

Merci à Odile pour les deux photos de Denys sur son Falbala et dans sa DS. 

Laisser un commentaire