1969-1973, 4 années au Commerce

En 1969, Alfred Adam, auteur et acteur de pièces de théâtre, confie à Olivier et Nicole Gouzou les clés du Café du Commerce à Ars-en-Ré dont il est propriétaire. Le couple est resté quatre ans à Ars. Nicole n’est plus. Cependant Olivier a raconté dans un court livre les souvenirs de cette époque, intitulé Chronique du Café du Commerce d’Ars-en-Ré (1969/1973).

Tiens donc, une chronique !  Pour définir ce mot, le dictionnaire de la langue française indique, entre autres : Recueil de faits historiques, rédigés en respectant un ordre chronologique.

Ces petits moments de vie rétaise se passent juste après les événements de mai 68. Alors qu’en ville les esprits sont encore un peu échauffés, à l’île de Ré tout est bien plus calme, les échos des turbulences n’y parviennent que de loin.

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Il y a quelques années Olivier Gouzou a écrit une biographie familiale. Il en a extrait 80 pages, celles des quatre années passées à l’île de Ré.

P1400665Le livre raconte l’arrivée à Ars, les espoirs professionnels, les déboires, les écueils, les commentaires de la population, l’intégration de la famille dans le village. Olivier a alors 36 ans, Nicole 31 ans, elle est une jolie jeune femme blonde. Leurs deux enfants, Isabelle 9 ans, et Alexandre 5 ans, sont avec eux. Matthieu est né plus tard à Ars. Nicole fume la cigarette, ce qui surprend plus d’un autochtone ! « Qui que c’est ‘y encore qu’ cette blonde au Commerce ? et qui fume ! Tenir un bistrot… Bah… Point un métier de femme, ça ! Et y doit bien y en avoir déjà à tourner autour…» écrit Olivier Gouzou aux détours des pages. Diplômée de l’Ecole Hôtelière de Grenoble, elle connaît le métier. « Elle était l’âme du café » raconte son mari. Elle joue aux dés et à la belote sur le coin du comptoir.

« Partis d’une affaire rurale, nous avons vécu les premiers rushs de touristes. Nous n’avions pas prévu cela » confie Olivier. Effectivement, le livre relate les rencontres et les échanges, entre ceux du village et les vacanciers. Tatave « l’ange gardien du bassin et du chenal ». Lolo Ramigeard, enfant du pays et chauffeur de maître à Paris, surnommé « L’Amiral ». Pépé Goumard, dit Totor, le tambour municipal. Le grand Ménuteau. Jacques Trocmé le pêcheur. Les artisans et leurs compagnons pour le rituel apéro de fin de chantier. Le Père Etienne, Monsieur Bernicard, surnommé l’Avocat (prononcer le t final très accentué). Jean Mouilleron, fidèle et actif menuisier. L’abbé Mervaud. L’institutrice de l’école. Le personnel saisonnier avec en tête Michou, alors étudiant. Les fournisseurs locaux d’huitres, de palourdes et de bigorneaux. Les amitiés avec les résidents secondaires : Danie Beraha, la famille Franel, la famille Bellet, le clan Casadesus, Cyril et Aline Vassiliev, les Dumoulin, les Sadoul, les Liagre, Hélène Margaritis, l’installation de monsieur Blondeau. Les boeufs musicaux d’Olivier Suire et de ses copains. Et bien d’autres encore…

« Ars était déjà le fief d’un microcosme parisien, bourgeoisie de goût, fortunes diverses du théâtre, de la musique, de la presse, du design » écrit-il. Dans ces années-là « aller au café relevait d’un rite. C’était l’époque où chacun  possédait son chai et sa barrique où pouvoir puiser à son gré, et inviter éventuellement des passants ». Au Café du Commerce, les discussions allaient bon train à propos du projet d’un pont qui relierait peut-être un jour l’île au continent. « Le Commerce était le point de ralliement des jeunes, tandis que l’Auberge Rétaise à côté privilégiait les cars de touristes. D’un hôtel-restaurant traditionnel, nous sommes passés à un café limonadier, où l’on pouvait déguster des en-cas à toute heure » explique Olivier Gouzou.

Sabine Franel a vécu de près cette période, elle a essuyé les verres dans le bar, donnant occasionnellement un coup de mains lors des moments de surchauffe. La deuxième partie du livre est consacrée aux témoignages. « Elle m’a encouragé et poussé dans la démarche de faire raconter ceux qui ont vécu de près l’aventure ».

Malheureusement on ne prenait guère de photos comme aujourd’hui. Seuls les mots témoignent de ce qu’était alors l’établissement : le billard, les lampes, les chaises, le semblant de bar. En fermant les yeux, on s’y croirait. « Le matériel qu’Alfred Adam nous avait laissé était vétuste. Chaque année, nous ré-investissions nos bénéfices pour l’améliorer ».

Olivier Gouzou n’a jamais exercé la profession qu’il aurait voulu embrasser : chanteur d’opéra. « J’étais une bête de théâtre, je l’ai exprimé dans mon bar en faisant mon cinéma » dit-il avec malice. La préface, écrite par Jérôme Dumoulin, illustre bien ce penchant : « Il chantait à l’improviste, au naturel, avec cette voix chaude et légère de basse qu’il avait été. Je me souviens de sa prédilection pour Faust ».

« C’est un temps révolu, nous étions à la charnière de deux mondes, un qui se finissait et un autre qui débutait. Mais je n’ai pas de nostalgie négative ! » affirme Olivier Gouzou aujourd’hui âgé de 82 ans. Sa famille, ses amis, ceux qui l’ont connu, l’ont entouré vendredi 24 juillet. Au Café du Commerce, Pierre Ollivier l’actuel propriétaire, a gentiment accueilli tout ce petit monde. Heureuses et chaleureuses retrouvailles !

Merci à Samuel Pinon et à Gabriel-Axel Soussan, qui ont eu la gentillesse de me confier quelques unes de leurs photos pour le diaporama-souvenir.

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Ecoutons et regardons Olivier Gouzou raconter cette période particulière, tout comme quelques uns qui l’ont vécu de près. Prémisses d’une île en train de devenir résolument touristique… 

Dédicace livre Olivier Gouzou - Ars Presse - 25 juillet
Olivier Gouzou, Jean Mouilleron et Alexandre Gouzou.

Lors d’une séance de dédicace à Ars-Presse,  samedi dernier, Olivier Gouzou s’est dit surpris de constater que son livre était aussi acheté par des jeunes.

Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, dit la chanson. Ces chroniques sont justement écrites pour plonger la tête la première dans ces moments de la vie casseronne d’il y a 50 ans.

 

Pour la circonstance, les enfants d’Olivier Gouzou ont créé une maison d’édition familiale : les Editions Nicole à Plaisance du Gers. L’ouvrage est disponible chez Ars-Presse, place de l’église d’Ars. Il coûte 10 €. 500 exemplaires numérotés ont été édités. La couverture est illustrée par un tableau de l’artiste Cyril Vassiliev, offert par amitié à Olivier.

Dans le Tambour d’Ars, daté décembre 2009, Jean-Claude Carloni avait écrit un long et intéressant article sur la saga de ce bar-restaurant mythique de l’île de Ré. Un des paragraphes était consacré aux années Gouzou. Jean-Claude nous a quitté en mai dernier, lui aussi gardait de cette époque des souvenirs mémorables. « Un gérant pas comme les autres» a t-il écrit.Texte Jean-Claude Carloni - Tambour d'Ars  décembre 2009

 

3 réflexions au sujet de « 1969-1973, 4 années au Commerce »

  1. olivier te souvient toi de moi amie egalement de jacques soula beaucoup de bons moments rue collette a paris puis avec henri nous etions passes a ars que de rigolades avec nicole et les enfants tu etais mon ame spirituelle je te fais de gros bisous chritine audouze pinel

  2. Et voilà, il l’a fait Olivier m’en avait parlé au mois de juin juste avant de partir sur les chemins de Compostelle de Auch à St Jean Pieds de Port, que de souvenirs, nous avons travaillé avec Nicole sur le même site « La Régence place du Palais Royale » puis j’ai connu Olivier ou Jean-Claude un peu plus tard, par son charisme et sa générosité il fait parti des personnes que l’on oubli pas.
    Je suis heureux de t’avoir retrouvé après +/- 25 ans, à quand la prochaine publication?
    Prend soin de toi
    Christian le petit …

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