C’était l’île de Ré en 1936…

Je viens de lire l’Ecossais de Saint-Clément des Baleines. Un roman historique, consacré à une courte période, février-août 1936, à l’île de Ré.

Couverture livre L'Ecossais de Saint-Clément des Baleines - juillet 2016

Hubert Verneret - 7 juillet 2016

 

Son auteur, Hubert Verneret, féru d’histoire, habite Saint-Clément à l’année. Ce roman est son 14e ouvrage. Mais le premier qui se déroule à l’île de Ré. 

 

 

Pourquoi 1936 ? C’est l’année du Front Populaire, l’année des congés payés, une époque charnière en France pour l’avènement du tourisme. « Aussitôt après la victoire du Front Populaire du 3 mai 1936, les députés avaient voté la semaine de 40 heures et les 15 jours de congés payés ; et comme ils y associèrent un billet populaire gratuit, les Français se précipitèrent dans les trains, pour enfin découvrir les côtes françaises. Alors pourquoi ne seraient-ils pas venus jusqu’à Ré ? » écrit l’auteur.

Pourquoi l’île de Ré ? Déjà en 2003, Hubert Verneret a interviewé des Rétais, résidents permanents et secondaires, des trois villages du nord de l’île, Ars, Saint-Clément et les Portes : « Au départ je souhaitais recueillir les témoignages sur la vie d’autrefois, de personnes qui ont connu la transformation de l’île de Ré avant la guerre. En 2015, lorsque l’idée d’un livre a pris forme, j’ai poursuivi les interviews afin de compléter ».

Remerciements - L'Ecossais de Saint-Clément des Baleines - juillet 2016

 

A la fin du livre, ses remerciements sont adressés à ceux qui lui ont confié leurs souvenirs. Bien d’entre eux sont malheureusement décédés.

Une fois ses enregistrements terminés, Hubert Verneret les a donné au Musée Ernest Cognacq, dans le cadre du COREPOR (Collectif pour le Recueil du Patrimoine Oral Rétais), le groupe de travail animé par Michel Fruchard.

 

 

L’auteur s’est appuyé sur ces témoignages pour construire la trame historique de son roman. Des souvenirs bien réels, « quand ce bout d’île était le pays de la pauvreté ».

Des souvenirs de semaines mémorables de Mardi-Gras. Des voiliers chargés de tonnes de sels issus des marais. Des sociétés de musique. Des premiers phonographes. Des bals costumés. Des premières nudistes sur la Conche. «Des quelques automobiles qui osaient s’aventurer sur les chemins de terre ».  Du petit bar, au pied du phare des Baleines tenu par Carmela, ancienne danseuse du Moulin Rouge. Des traversées sur le Coligny pour rejoindre l’île de Ré. Du petit train puis de l’autocar. De la course de vélocars aux Portes, une idée lancée par le peintre Louis Suire. Et bien d’autres encore…

Chapitre 4 - L'Ecossais de Saint-Clément des Baleines - juillet 2016

 

Il raconte ce qu’était le musée dans lequel exposait William Barbotin, peintre casseron et Grand Prix  de Rome. Le bâtiment, au pied du phare, avait été inauguré par le Président du Conseil des Ministres, Emile Combes  en1903, un véritable événement pour l’époque. C’était le premier musée d’histoire régionale et d’histoire populaire…

Le livre est rempli d’anecdotes, savoureuses et pittoresques. La description du village des Portes en 1936, vaut le détour !

 

Néanmoins, le roman se déroule essentiellement à Saint-Clément. La famille Massé y tient une bonne place. L’épicerie-auberge-hôtel, Chez Florent, était un lieu prisé, bien avant que l’établissement ne devienne le Chat Botté. Le héros du livre apprécie tout particulièrement les homards d’Olga et les anguilles du marais. Le jeune Léon distribue l’essence avec la vieille pompe à essence à mains, à moitié rouillée que son père avait achetée chez un garagiste de Rochefort.

Pourquoi Saint-Clément des Baleines ? Le romancier s’est intéressé à un grand reporter-écrivain, Henri Béraud, qui a longtemps séjourné dans ce village. Il en a fait un des personnages-clés de son livre.

P1040297Sa maison existe encore, elle porte le nom Les Trois Bicoques. Une plaque a été posée sur la façade par les acquéreurs de la maison, après le décès de Henri Béraud.

L’homme a été, et il est encore, plutôt controversé. Ses positions politiques ont fait débat dans le passé, car « il s’affichait Pétainiste, bien qu’interdit de séjour en Russie, en Allemagne et en Italie, à la suite de ses interviews dans ces trois pays » précise l’auteur. Pour sûr, il n’aimait pas les Anglais. Il venait dans l’île pour s’isoler, il écrivait de préférence la nuit. Ses relations de voisinage étaient tendues : « Il a fait tuer le coq d’un voisin, parce qu’il chantait le matin, quand il commençait à s’endormir ; et changer un troupeau de chèvre, sous prétexte que leurs bêlements le perturbaient lorsqu’il écoutait sa musique d’opéra » lit-on à la page 25.

chapitre 6 - L'ecossais de Saint-Clément des Baleines - juillet 2016

 

Il menait grand train de vie, aimait les dîners raffinés. Quelque peu mondain, il recevait chez lui ses amis intimes, ceux du Tout-Paris.

Grand voyageur de par son métier de journaliste, il était ami de Kessel et Albert Londres. Il a écrit des articles qui ont fait référence en leur temps.

Hubert Verneret concède que le personnage est intrigant : «  Beaucoup parlent de lui, mais ils ont des idées reçues. Et bien d’autres ne savent pas que Saint-Clément a abrité une telle sommité. Henri Béraud a obtenu le prix Goncourt en 1922. J’ai lu tous ses livres. En 1935, il a notamment publié Faut-il réduire l’Angleterre en esclavage ? En 1944, après la Libération, un rapide procès l’a condamné à mort pour intelligence avec l’ennemi. Il a été gracié par le Général de Gaulle et, même dit-on par la Reine d’Angleterre. J’ai voulu en connaître plus sur lui, et pourquoi il avait choisi Saint-Clément. Il est mort en 1958. Sa tombe est au cimetière entre celles de ses deux épouses » .

Le livre ne cherche toutefois pas à réhabiliter la mémoire de ce monsieur. Il n’est pas présenté comme une personnalité attachante. Au fil des pages, ses manies et ses travers m’ont d’ailleurs plutôt déplu. Cependant, j’ai découvert un pan d’histoire de Saint-Clément que j’ignorais.  

Pourquoi le titre l’Ecossais de Saint-Cément des Baleines ? Afin de faire le lien entre les témoignages et la personnalité de Henri Béraud, Hubert Verneret a inventé de toutes pièces un personnage, Edouard Mac Owen, fil conducteur du roman. Espion, Ecossais, élégant jeune homme, il embarque le lecteur dans ses péripéties rétaises.

« Tous les faits que je raconte, en dehors de mon Ecossais, sont vrais à 100 % » affirme Hubert Verneret. « Je ne prends pas position pour autant sur ces faits, je me contente de mon travail de documentariste et d’historien ».

Numériser 1Derrière les lignes, il y a aussi l’interrogation que l’auteur prête à Henri Béraud : « C’était la cohabitation de ces deux mondes différents qui l’intéressait. Pourquoi sur cette partie de l’île, si pauvre, si déshéritée, à côté d’analphabètes, de pauvres sauniers et de femmes en quichenotte qui s’affairaient sur les bosses des marais, pouvait-t-on trouver un prix Goncourt, des directeurs de journaux, des journalistes, des musiciens, tant de gens important du monde de la littérature et des arts ? Par quoi pouvaient-ils être attirés ? L’installation de Béraud sur l’île qui recevait, visite après visite, n’y était certes pas pour rien ; mais ce qui avait poussé certains à venir chaque année y séjourner, c’était sûrement le charme, la tranquillité et la simplicité de l’île ».

Le livre se lit d’un trait. Il est très plaisant à bouquiner. Sur la plage, dans son transat, sur son canapé, les doigts de pied en éventail. Avec la sensation d’avoir plongé dans une époque bien révolue, et pourtant pas si lointaine. Les quinze chapitres sont ponctués de photos en noir et blanc, sur lesquelles on s’attarde.

L’Ecossais de Saint-Clément des Baleines coûte 18,50 €, il est en vente dans les principales librairies et bureaux de presse de l’île de Ré. Hubert Verneret le dédicacera à Saint-Clément, le 20 juillet, au cours du marché nocturne. D’autres dates suivront.

Le romancier raconte les personnages de son livre :


Le planning de l’auteur est bien plein. Le 15 juillet, dans le cadre des Fêtes Maritimes de Brest, il donne une conférence sur Jeanne Barret, née en 1740, la première femme à avoir fait le tour du monde embarquée, travestie en homme, sur le bateau de l’expédition dirigée par Bougainville. Hubert Verneret lui a consacré un roman … historique.

Prochaines dédicaces à l’île de Ré : Ars Presse : samedi matin 20 août – Les Portes : dimanche matin 21 août – Saint-Clément : samedi matin 27 août.

 

 

Laisser un commentaire