L’église d’Ars ré-ouvre sa porte !

Novembre 2016 à juillet 2020, cela faisait 44 mois que l’église d’Ars-en-Ré n’accueillait plus ni fidèles ni visiteurs. Les travaux conséquents étant terminés, depuis jeudi 2 juillet la porte de l’église Saint-Etienne est ré-ouverte.

L’église appartient à la commune d’Ars. La paroisse de l’île de Ré en est affectataire. La cérémonie de jeudi dernier a donc rassemblé laïcité et culte. Une cérémonie solennelle certes, en présence de l’évêque Monsieur Georges Colomb et de madame le maire d’Ars, Danièle Pétiniaud-Gros, mais sobre, simple et chaleureuse.

Pour ceux qui n’étaient pas là et pour la centaine de personnes présentes pour lesquelles ce sera un souvenir, voici en vidéo quelques moments marquants de cette cérémonie unique.

Après discours et remerciements à tous ceux qui ont oeuvré pour restaurer l’église, dans le choeur Madame le maire Danièle Pétinaud-Gros a coupé un ruban en présence de Jean-Louis Olivier, ancien maire d’Ars dont l’équipe avait lancé et accompagné les travaux. L’église peut ainsi symboliquement retrouver son rythme habituel.

Même masquées les personnes présentes sont reconnaissables. Plusieurs maires de l’île de Ré et élus assistent à l’événement.

Il est 18h30, les cloches sonnent !

L’évêque, le Père Michel Cottereau, curé de l’ensemble pastoral de l’île de Ré accompagnés des deux prêtres sortent à l’extérieur pour demander au maire d’ouvrir la porte à l’affectataire. Toc, toc, toc. Après plusieurs coups de crosse la grande porte s’ouvre. Madame le maire remet alors à l’évêque la clé de l’église, lui même la transmet au Père Michel Cottereau. Le moment est vibrant.

Les offices peuvent officiellement reprendre.

Je vous propose maintenant un retour en arrière sur les ultimes interventions menées depuis mon dernier post et les informations glanées qui permettent d’enrichir encore plus les connaissances sur cette église.

Le grand lustre.

A la publication de mon dernier article, la famille de monsieur Brun a réagi. Le grand lustre a été offert à l’église par Charles Brun.

A ce propos, Eric Gallais, résident permanent à Ars, révèle :  » Mon arrière-grand-père, Charles Brun, a fait ses études de médecine à Bordeaux. Il a épousé mon arrière-grand- mère, Madeleine, et s’est installé dans cette ville. Quelques années plus tard le couple a décidé de revenir vivre dans la maison familiale d’Ars située à l’angle de la rue du 11 novembre et de la Rue Thiers, Charles exerçant en tant que médecin des yeux. Il y a donc eu déménagement. Le lustre qu’ils avaient acquis s’est avéré trop grand pour les pièces de la maison. Etant très croyants ils ont décidé de l’offrir à l’église, en disant que Dieu avait droit également à de belles choses ».

Voici la photo du donateur du lustre, dans un cadre style Second Empire. Elle semble dater à peu à près de la même époque que le lustre lui-même.

Remise en perspective historique des sols.

Elsa Ricaud, architecte du Patrimoine, a coordonné les travaux de l’église d’Ars depuis plus de trois ans, en binôme avec son confrère Stéphane Berhault.

Elle a écrit un article passionnant dans la revue Monumental, une revue scientifique et technique des Monuments Historiques. Son article concerne la restitution du sol en incrustation de chaux à l’église d’Ars.

En voici quelques extraits qui nous en apprennent sur ce type de sol : « En 1890, l’église d’Ars fut dotée de sols de chaux ornementaux. Fortement altérés par l’humidité, le sel, l’usure mécanique, et très ragrées, ces motifs étaient devenus difformes. La restauration de l’église a été l’occasion de retrouver un savoir-faire oublié et de restituer ces dallages d’une facture peu commune, grâce à l’implication de l’entreprise Les Compagnons Réunis.

Ces sols incrustés de matière ductile sont hérités de l’Empire byzantin, et vont, par le biais de migrations d’artisans italiens et des croisades, se développer sous le règne de Saint-Louis, dans l’Est et le Nord de la France, où les marbres sont rares, puis perdurer jusqu’à la Renaissance. Au XIXe siècle, plusieurs architectes et maîtres d’ouvrage s’attèlent à faire revivre ce savoir faire : à la Sainte-Chapelle et à la cathédrale de Bayonne, à Saint-Denis, à Fontevraud. On incise alors une pierre calcaire pour y couler à chaud, dans les parties champlevées, des mortiers de couleurs souvent vives, dits alors « ciment » ou « mastic », selon le taux de résine qu’ils contiennent. Ces tentatives demeurent malgré tout isolées.

Les dallages d’Ars ont été conçus sans précédent similaire dans cette église. Il s’agit d’une création néogothique, vraisemblablement influencée par les expérimentations de l’époque et inspirée du décor du clocher gothique (polylobes), des armes d’une famille locale (tournesol) et des tapis de mosaïques (cadres noirs périphériques).

L’observation fine des mortiers de chaux beige permet d’affirmer que la technique utilisée ici a consisté à couler les fonds à l’aide d’un mortier de chaux beige imitant la pierre et à les inciser pour y couler un mortier de chaux noir. Les allées de circulation et l’espace liturgique devant l’autel sont ornés de motifs simples, répétitifs et symétriques.

Les tests préliminaires ont permis d’opter pour une mise en oeuvre différente de celle utilisée au XIXe siècle : les motifs noirs seront moulés, puis les fonds coulés. L’important travail d’expérimentation qu’a nécessité ce chantier sur des motifs simples, en comparaison aux micro-ornements que se sont évertués à incruster les maçons-marquettistes du Moyen-Age, replacent la modestie au centre de notre pratique. Dans un contexte de questionnement du grand public sur la signification de ce qu’est une « restitution à l’identique », le chantier d’Ars montre, à son échelle, qu’une telle restitution à l’identique n’existe pas, et qu’il est même parfois souhaitable d’intégrer de nouveaux savoir-faire visant à améliorer la pérennité des ouvrages, sans en altérer l’esthétique ».

Les stalles classées.

Le 11 juin les stalles sont de retour des Ateliers de La Chapelle, entreprise agréée Monuments historiques, basée dans le Choletais, où elles avaient été mises en attente pendant la période de confinement du COVID 19.

Ultime discussion avec la nouvelle équipe communale. Ultime réunion de chantier. Le nouveau positionnement des stalles dans l’enceinte de église a été défini par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).

Les stalles sont désormais alignées de chaque côté du tapis en marquèterie de chaux de l’allée centrale. L’espace devant le choeur devient ainsi plus beaucoup vaste.

« Nul ne sait d’où ces bancs clos viennent : nous n’avons que deux certitudes : ils étaient là avant 1830 et ils n’ont pas été construits à Ars, dans et pour l’église paroissiale. Ils présentent toutes les caractéristiques des stalles d’un chapitre de chapelle d’abbaye ou de couvent. Ces bancs d’oeuvre ne sont rentrés à leur place qu’au prix d’une déformation de chacun des côtés et d’une entaille partielle des colonnes entre lesquelles ils se situent : il s’agit d’une récupération » a écrit Pierre Goguelin dans l’ouvrage « Les trois églises d’Ars-en-Ré.

Une des extrémités des deux stalles n’est donc plus insérée dans les piliers comme c’ était le cas auparavant. Les ébénistes-restaurateurs ont dû créer des « parcloses », des panneaux, à chaque extrémité pour que ces bancs soient clos, ainsi qu’ils devaient d’ailleurs l’être jadis.

Dominique Bienaimé, chargé de projets aux Ateliers de La Chapelle indique par ailleurs qu’elles ne sont pas de longueur identique.

Une journée et demi de travail est nécessaire pour remonter les deux stalles, arrivées en kit d’une vingtaine de pièces, boucher quelques trous de marquage des vis, nettoyer et lustrer les bois noirs.

Elles sont impeccables ! Chacune comporte seize places.

Dans le banc d’oeuvre, désormais positionné au fond de l’église, les portes des petits placards, dans lesquels étaient autrefois enfermés les missels, sont remises en place. De ce côté là, c’est nickel aussi ! On pense à tous ceux qui se sont assis ici, années après années, qui ont vécu leur religion différemment selon l’époque.

Bancs et tapis chauffants

Trente bancs ont été commandés à l’entreprise Mouilleron-Palvadeau d’Ars. Ils sont en fabrication, mais ne seront posés dans l’église qu’à la rentrée. De même l’installation du futur chauffage du sol, qui doit se faire par tapis intégrés sous les bancs, ne sera réalisée qu’à partir de septembre. Pour le moment, il ne fait pas froid dans l’église.

Un dernier coup de propre avant ré-ouverture.

Les dames de la paroisse briquent une nouvelle fois l’église. Coup de serpillère, chiffons à poussières, vérification de l’installation des bancs. Tellement heureuses de retrouver leur lieu de culte. Néanmoins, avec humour, certaines me disent que ce sont toujours les femmes à qui incombent ce genre de tâches et qu’elles aimeraient bien que les hommes viennent donner un coup de main ! Un appel serait-il officiellement lancé ? Je ne peux que transmettre….

Signatures des artisans

Il est d’usage que les artisans qui oeuvrent dans de tels chantiers laissent leur patte que les artisans suivants retrouveront des décennies plus tard. Au faîte des voûtes de l’allée de droite, la signature des charpentiers Michenaud et Gaillard et celle du plâtrier Martin ont été mises à jour lors des travaux de restauration de l’église. Le cartouche date de 1864.

Pour la restauration actuelle, les Compagnons Réunis ont glissé une pièce de 20 centimes d’euros sous une dalle de pierre de l’église. Qui sait dans quel siècle futur elle sera retrouvée ? Et par qui ?

Le gros oeuvre est terminé. Me voilà donc arrivée au terme de trois ans et demi de suivi de ces travaux gigantesques et fort intéressants à observer. Ils ont fait l’objet de dix articles publiés dans mon blog.

L’église est désormais ré-ouverte. Deux mariages y ont été célébrés samedi dernier et un enterrement vendredi.

Il y a une suite à ces importants travaux. La commune doit encore trouver des fonds. Entretenir le patrimoine ça coûte cher.

Une nouvelle tranche de travaux devrait être lancée. En particulier la restauration des retables du choeur, la réfection de la grande porte d’entrée de l’église, la sacristie, la partie romane et les voûtes directement à l’entrée ainsi que la restauration de deux croix de consécration qui n’ont pas encore été traitées.

Fondation du Patrimoine.

En avril 2018, une convention a été signée entre la mairie d’Ars et la Fondation du Patrimoine. Une souscription a été lancée auprès des particuliers et des entreprises pour accompagner les travaux. Au terme de la première tranche de travaux la Fondation du Patrimoine doit reverser à la commune d’Ars-en-Ré les sommes recueillies, nettes des frais de gestion, sur présentation des factures aquittées.

Toutefois la convention a été signée pour une durée maximale de cinq ans. C’est-à-dire qu’elle prendra fin en avril 2023. Il n’est pas donc pas trop tard si vous avez envie de participer financièrement à la suite de la restauration de l’église, tout en bénéficiant d’un reçu fiscal.

Future exposition en août 2020.

Devant le succès incroyable de la première expo, une seconde va prendre place à Ars, du 4 au 15 août, autour de deux thèmes : « Les Ex-voto et l’église au centre du village ». D’ores et déjà peintres, sculpteurs, dessinateurs, écrivains et personnalités ont préparé de quoi nous faire rêver et réfléchir autour de ces thèmes. Les bénéfices de l’exposition, toujours organisée par Valérie Solvit, avec l’appui de la commune et de l’association les Amis de l’église, iront grossir la cagnotte pour financer la suite des travaux. Réservez déjà cette date, l’exposition promet d’être riche en oeuvres variées et attrayantes.

Le thème des ex-voto a été choisi bien avant que le COVID 19 ne fasse irruption dans nos vies. Étonnamment il s’inscrit bien dans l’actualité post confinement. Les ex-voto sont matière à remerciement et à offrande.

Dans l’église d’Ars une chapelle est dédiée aux marins, plusieurs ex-voto y sont accrochés.

Cette chapelle a évolué avec le temps. Voici ce qu’elle était jadis, ainsi que témoigne la carte postale de la collection d’André Diédrich. Beaucoup d’éléments n’existent plus… C’est dommage, heureusement il reste cette photo.

Et voici la chapelle telle qu’elle apparaît aujourd’hui, une fois restaurée.

Par ailleurs, une conférence va être organisée conjointement par Les Amis de l’église d’Ars et par l’AIA (Association Information Arsaise) le mercredi 12 août, à 20h30, dans l’église. Le thème : « Quand l’histoire de l’église d’Ars nous est contée », animée par  Jacques Boucart et Pascal Even, historiens. L’entrée est libre, mais le nombre de participants sera limité à 70, période COVID 19 oblige.

A bientôt…