Sel de l’île de Ré 2018, à marquer d’une pierre blanche

Vous avez sans doute constaté combien cet été le ciel de l’île de Ré a souvent été d’un bleu intense, avec ni gouttes de pluie ni nuages à l’horizon, et un vent d’Est dominant. Grosse chaleur + vent fort et constant = importante production de sel.

Pour les sauniers rétais, l’été 2018 est à marquer d’une pierre blanche. Les carreaux des marais salants ont donné, tout ce qu’ils pouvaient. A gogo.

Ile de Ré - Sel 2018Dans son marais le saunier, ou la saunière (n’oublions pas les dames certes peu nombreuses, mais bien actives), est un être solitaire. Concentré sur les niveaux d’eau de mer à équilibrer, il attend le moment idoine, matin et soir, pour cueillir soit le gros sel, soit la fleur de sel. Un rendez-vous quotidien avec ce que la conjonction des éléments naturels accepte d’offrir.

Au fur et à mesure de la récolte, il entasse le gros sel sur les bosses du marais qu’il exploite. La fleur de sel, autre trésor de la nature, est mise de côté dans des bacs spécifiques.

Le travail n’est pas terminé pour autant. Tirer le sel est une chose, mais il faut le mettre à l’abri. Les 70 adhérents de la Coopérative se retrouvent et s’épaulent : ce sont les jours du Grand Charroi.  Pendant une dizaine de jours, la solitude du saunier est rompue.

Acheminer le sel vers le site de stockage, ce n’est pas rien. Cela demande encore beaucoup d’efforts musculaires, après de longues semaines passées dans le marais :  en fin d’hiver et au printemps, pour le préparer et quelques cinq mois à pousser le simoussi et à manier le souvron pour le récolter.

Du 4 au 15 septembre, ne vous est-il pas arrivé, sur la route départementale  de suivre patiemment les camions chargés de sel, roulant vitesse à réduite jusqu’à la Coopérative d’Ars ? Conducteur pressé, calmez-vous, levez le pied, prenez votre mal en patience.  Dites-vous que le sel est une composante importante de l’économie de l’île de Ré.Ile de Ré - Sel sur bosses de marais - 31 octobre 2018

Rassembler la précieuse denrée dans chaque marais de La Couarde, de Loix, d’Ars, de Saint-Clément et des Portes est un moment dense. Il faut faire vite, le temps est compté. Les remorques de la coopérative de sel d’Ars sont partagées avec celles de la coopérative des viticulteurs du Bois-Plage, qui eux aussi ont leur exigence de timing. Cette année, le premier charroi de sel a précédé la récolte des raisins.

Après le Grand Charroi, la production a continué. Le ciel et le vent étaient de la partie. Jusqu’au 20 octobre, on a encore vu certains sauniers à l’oeuvre.

Ile de Ré - Saunier dans marais - octobre 2018

Les carreaux donnaient, encore et encore.

Sur les bosses des marais, de nouveau, le gros sel a été amassé sous les bâches. Un mois et demi après le grand charroi, un “ petit ” charroi complémentaire a été organisé, du 29 octobre au 3 novembre.

Le mot “ petit ” n’est pas tout à fait approprié. Environ 20 % de la production de l’année a été effectuée en six semaines, entre mi-septembre et fin octobre. De nouveau il a fallu faire très vite, la météo n’étant pas toujours clémente.

Ces jours de charroi revêtent une singularité pour les sauniers.Ile de Ré - 2ème charroi sel - 31 octobre 2018

Outre le sérieux mis à l’ouvrage, entre deux pelletées, on échange.Ile de Ré - 2ème charroi sel - 31 octobre 2018

On rit aussi de bon coeur aux histoires drôles racontées par les uns et par les autres.

Ile de Ré - 2ème charroi sel - 31 octobre 2018On compare son score personnel, réalisé d’une année sur l’autre.Ile de Ré - 2ème charroi sel - 31 octobre 2018

A l’occasion, on salue les champions :  “ Untel a fait X tonnes ! ”.

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A la Coopérative, la qualité du contenu de chaque remorque est scrupuleusement inspecté. Le sel est pesé, puis remisé dans les silos. Et ensuite il est mis sous bâche.

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Pour tenir les délais, même à la nuit tombante, les rotations de chargements s’enchaînent…

En vidéo, voici ce que ça donne sur le terrain :

Lorsque le sel est à l’abri, les sauniers, jamais dénués d’humour, sont H.E.U.R.E.U.X ! Une fine équipe…Ile de Ré - 2ème charroi sel - 30 octobre 2018

Résultat de l’année 2018 : “ 4 189 tonnes de gros sel produit, livré en 435 tours de tracteurs, et un nombre incalculable de coups de pelles, répartis dans quatre silos de stockage à la Coopérative ” peut-on lire sur la page Facebook de la Coopérative des Sauniers.

2018 est une année exceptionnelle pour le sel de l’île de Ré. Ce qui n’a pas été le cas pour tous les territoires producteurs, qui eux, ont parfois connu des orages et des pluies violentes.

En plus, cocorico, allez un peu, de chauvinisme, notre sel rétais est très beau ! Ile de Ré - Sel 2018Quand bien même bénéfique, 2018 ne bat pas le record de gros sel.

Dans le passé, il y a eu des années fastes. Notamment 1911. Et même 1918 : étonnant c’était juste avant la fin de la Grande guerre, mais à cette époque 1 600 ha de marais étaient exploités. 1949 aussi été une belle année. Et plus récemment, 1976 et 2003, deux années de canicule.

Par ailleurs, environ 70 tonnes de fleur de sel ont été produites cet été. Les sauniers de la Coopérative sont engagés, en amont, à ne pas dépasser des quotas qu’ils se fixent collectivement.

Loïc Abisset - Président de la Coopérative de sel - Ile de Ré - mai 2018
Loïc Abisset.

Loic Abisset, président de la Coopérative, se dit rassuré : “ Faire une grosse année nous permet de retrouver une sécurité  en termes de volumes pour l’approvisionnement de nos clients ”.

 

 

La main est maintenant à ceux chargés de la commercialisation.

Dorothée Kendall - Directrice de la Coopérative des sauniers de l'île de Ré - 4 mai 2018
Dorothée Kendall.

C’est le job de Dorothée Kendall, directrice la Coopérative des Sauniers de l’île de Ré et de son équipe : “ Nous consolidons les clients existants, et nous sommes en prospection permanente, en particulier sur la région Nouvelle-Aquitaine, proche de notre territoire, tout en tenant compte de nos capacités. Pour le moment, nous avons trois ans de stock d’avance.

Il faut aussi mentionner que deux nouveaux sauniers ont, cette année,  intégré la Coopérative ”.

Du beau gros sel, bientôt dans vos assiettes…

En outre, à l’île de Ré, il y a 35 sauniers indépendants. Pour mettre à l’abri leur sel, ils adoptent d’autres formes d’organisation. Soit ils le rangent collectivement dans des zones de stockage, par millésimes. Soit le sel reste sur les bosses de marais, bâchées pendant l’hiver.

En fin d’année 2018, ils feront un bilan consolidé de leurs productions. Mais pour eux aussi, 2018 est une très belle année.

Louis Merlin- Président de l'APSIR - Ile de Ré - août 2017
Louis Merlin.

 

“ Une année exceptionnelle, à classer dans les trois meilleures années des cinquante dernières ” assure Louis Merlin, saunier indépendant et par ailleurs président de l’APSIR (Association des Producteurs de Sel de l’Ile de Ré).

 

Les marais sont désormais sous l’eau.

Ils sont au repos…

Ces prochaines semaines, les producteurs de  sel de l’île de Ré (coopérants et indépendants) et leurs confrères de la façade atlantique, comptent bien faire entendre leurs voix.

Depuis plusieurs années, l’Association des Producteurs Marins de l’Atlantique (AFPS) dont l’APSIR fait partie, a demandé l’enregistrement d’une spécialité traditionnelle garantie “ fleur de sel ” auprès de l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité) afin de protéger les productions artisanales et traditionnelles de sel récolté manuellement et à la surface de l’eau. Le dossier de demande d’IGP (Indication Géographique Protégée) est toujours à l’étude. C’est long, long, long…

Alors qu’en mai 2018 l’INAO a validé la demande d’enregistrement d’une IGP “ Sel de Camargue/Fleur de sel de Camargue ”. En septembre 2018, elle a été validée par un arrêté ministériel en vue d’être transmis à la Commission européenne. Les lobbies ont, semblent-il, bien manoeuvré…

L’AFPS s’apprête donc à introduire un recours au Conseil d’Etat contre l’arrêté ministériel et la décision des ministres à transmettre le dossier à la Commission européenne pour enregistrement.

Cette démarche est soutenue par la Communauté de Communes de l’île de Ré. Hier 15 novembre, à unanimité, le conseil communautaire a voté à l’unanimité une motion dans ce sens.

En voici quelques points  :

“ Considérant que les conseillers communautaires s’inquiètent des conséquences d’une telle décision pour les sauniers de l’Atlantique et notamment ceux de l’île de Ré. En effet, la méthode de production du groupe industriel les Salins (producteurs du sel camarguais) et la nature des produits ne sont pas comparables avec celles des producteurs artisanaux de nos marais salants.

Considérant que la méthode de production utilisée par nos sauniers repose sur des bases qui en font l’un des plus anciens agro-systèmes maritimes de tout le littoral atlantique français

Considérant que la fleur de sel est récoltée manuellement par écrémage à la surface des oeillets des salines productives en sel gris à l’aide d’un outil spécifique adapté, la lousse.

Considérant que le cahier des charges de la “ fleur de Camargue ” est en contradiction avec ces pratiques ancestrales.

Considérant que ce cahier des charges est en contradiction avec le cadre réglementaire définissant la fleur de sel dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne : Espagne, Portugal, Croatie, Italie et Slovénie ”.

A suivre donc… Le recours au Conseil d’Etat doit être déposé par l’AFPS avant fin novembre.

 

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