Caroline Tiné dans le huis-clos d’un A 380

Le quatrième roman de Caroline Tiné se passe dans le ciel. Plus précisément à bord d’un Airbus A 380. Le vol de nuit de Paris à Singapour va se révéler être un huis-clos plutôt mouvementé. Les personnages vont-ils Tomber du ciel ainsi que le titre de ce roman pourrait nous le suggérer ?

Rencontre aux Portes-en-Ré avec l’auteur(e), lors d’une fin d’après-midi d’octobre.

Les huis-clos sont au coeur de vos précédents romans et également de celui-ci. Vous semblez les apprécier ?

 » C’est vrai, j’ai toujours écrit sur les huis-clos. Le premier se passait dans une loge de concierge. Le second dans un château. Le troisième dans un hôpital psychiatrique et le quatrième dans un avion. Je dois avoir un problème avec l’enfermement ! Mais rassurez-vous le cinquième auquel je réfléchis actuellement sera complètement différent, il n’a rien à voir avec tout cela « .

Ils sont cinq personnages principaux à graviter dans l’avion. Talitha est une ancienne hôtesse de l’air, elle cherche à se débarrasser d’une histoire d’amour pesante. Marie-Ange veut entamer une nouvelle vie professionnelle à Singapour. Elle aussi fait le deuil d’amours malheureuses. Leïla est une adolescente tourmentée, obsédée pendant tout le vol à pénétrer dans le cockpit de l’avion. Saul, le co-pilote, n’a pas l’habitude d’exprimer ses émotions. Passer la moitié du temps dans le ciel lui procure des illusions de liberté. Quant à Anil Shankar, il est malade, sa fin est proche, c’est son dernier vol.

Les personnages ne se connaissent pas, sauf Talitha et Saul qui se sont croisés il y a quelques années au cours de vols. Lequel d’entre les cinq vous touche le plus ?

 » Saul le co-pilote. Il est très attachant, il va tellement mal qu’on a envie de l’aider, je le comprends bien. En revanche je dois dire que la petite Leïla est assez agaçante. Au début je n’avais pas prévu le personnage de Marie-Ange. Elle et son chien se sont imposés au fil des pages, ils ont soudainement fait irruption. Ce qui est agréable lorsqu’on écrit, c’est qu’il arrive des imprévus en cours de création ! Tous font le deuil de quelque chose, chacun traverse une période de déséquilibre. Le fait que les personnages ne se connaissent pas me plaisait pour construire l’histoire. J’aime bien l’idée qu’on part pour la journée et on ne sait jamais ce qui va se passer. Et tous aiment l’avion sur lequel ils ont embarqué « .

Dédicace Caroline Tiné - Tomber du ciel - 24 octobre 2020

Vos personnages sont en déséquilibre. L’Airbus A 380 se retrouve aussi déséquilibré dans les turbulences d’un orage particulièrement violent. Vous semblez bien connaître les moindres recoins de cet avion, comme si vous aviez été vous-même chef de cabine ?  » Oui j’aime beaucoup cet avion car il est rassurant. Je l’ai souvent pris pour aller à New-York, à Singapour et en Inde. Au fil de l’écriture il est devenu le personnage principal du roman. J’ai fait de longues recherches sur internet et avec des professionnels de l’aviation, et il m’est devenu familier. Sa fabrication va être arrêtée car il est devenu trop gros, trop cher, trop polluant, ce qui me désole. L’avion c’est un endroit où tout est permis, en partant en voyage on échappe à son quotidien. Lui aussi doit trouver son équilibre, son propre poids, c’est une métaphore en quelque sorte. Dans un avion on est obligé d’accepter la solitude et l’enfermement.« .

Pour l’anecdote, la famille de Caroline Tiné est attentive lorsqu’elle est en train d’écrire. Son petit-fils, Milo, 8 ans, vient de lui faire un joli cadeau déniché ces jours-ci dans une boutique d’Ars-en-Ré : la maquette d’un Airbus A 380 qu’il a assemblée. Désormais l’avion trône dans le salon de Caroline !

Maquette A 360 - Tomber du ciel - Octobre 2020

Tomber du ciel suit la règle des trois unités du théâtre classique : unité de temps : en un jour – unité de lieux : en un seul lieu – unité d’action : un seul fait. Le suspens monte jusqu’à la dernière page. On se demande comment tout cela va se terminer ?

 » Je n’imagine pas une fin d’histoire sans quelque chose d’un peu angoissant, sans suspens. Le lecteur peut avoir l’impression qu’il va se passer un gros problème. Mais moi je savais bien la suite. Lorsque j’écris je connais grosso-modo la fin, mais je ne la connais pas tout à fait complètement. En fait l’histoire se construit avec l’expérience des personnages car ils sont vivants. J’aime bien les romans qui font poser des questions. Ce qui m’intéresse le plus c’est de créer des personnages avec leur psychologie, leurs problèmes, leurs intentions, et comment ils en sont arrivés là. C’est aussi cela qui me motive dans la vie de tous les jours « .

Que ressentez-vous lorsque vous avez écrit la dernière ligne ?  » J’ai un coup de blues de perdre les personnages. Après ils disparaissent et ils cèdent la place à une autre histoire, à d’autres gens ».

Avez-vous un rituel pour écrire ?  » J’écris pendant la journée, entre 14 heures et 19 heures. J’ai besoin d’être dans ma bulle, dans mon bureau. Si la nature est trop présente autour de moi, comme aux Portes, je n’y arrive pas. A Paris j’écris, à l’île de Ré je corrige ».

Comment ce nouveau roman est-il perçu par vos lecteurs/lectrices ?  » J’ai des fans. Sur les réseaux sociaux, Facebook et Instagram, ils me disent que le livre leur a donné des frissons. Les réactions sont positives.  » Ça fait peur comme on aime  » a d’ailleurs écrit l’un d’entre eux ».

Pendant la période de huis-clos imposé que nous vivons actuellement, couvre-feu et deuxième confinement, voilà un roman qui vous embarque dans un autre huis-clos, ciselé au cordeau. Une étrange synchronicité.

Tomber du ciel est édité aux Presses de la Cité, il coûte 19 €. Caroline Tiné l’a dédicacé aux Portes, à Ars, à Saint-Martin, au Bois-Plage et à Paris.

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