Les travaux de restauration de l’intérieur de l’église d’Ars-en-Ré se sont poursuivis jusqu’au début de l’été.

En mai et juin, le sol de l’allée de la partie gauche de l’église a été entièrement restauré. Les motifs d’ornement étaient totalement usés par les passages des paroissiens et ceux des visiteurs.
En page 81, du livre de Pierre Goguelin “ Les 3 églises d’Ars-en-Ré ”, on peut lire : “ Le sol de l’allée transversale montre tout un ensemble de dessins avec une grande variété de dispositions et de formes. Ils sont sûrement postérieurs à 1850, et nous les situons vers 1885-1890. Toutefois, une photographie de 1900 laisse apparaître une usure des motifs de l’allée centrale qui militerait pour une plus grande ancienneté ”.
Ces motifs sont uniques et symboliques. Pour les trilobes, la Trinité, et pour les quadrilobes, la Croix.
Les artisans qui les ont réalisés autrefois n’ont pas laissé d’écrits. Les refaire à l’identique n’est pas simple. L’entreprise Les Compagnons Réunis a longuement cherché comment s’y prendre pour trouver la technique ad-hoc. Une telle restauration est une première.
On ne peut qu’admirer le travail des artisans d’aujourd’hui. Certes d’autres méthodes sont mises en oeuvre, d’autres façons de faire, mais sans doute, comme jadis, un défi. En tout cas, le résultat est là. C’est magnifique…. Merci à eux !

En amont, il a d’abord fallu réaliser des moules pour fabriquer les gros cabochons. Puis couler à l’intérieur du mortier de chaux de Saint-Astier, pigmenté de noir. Et attendre qu’ils soient bien secs avant de pouvoir les utiliser.

Là ils seront posés, c’est comme une allée, avec, de part et d’autre, d’élégantes pierres blanches de Jonzac.
Chaque planche de motifs est encadrée d’un liseré noir. Des cadres métalliques servent de moules pour couler du mortier de chaux.
Le travail est long, précis, et délicat. Le matériau chaux lui-même nécessite une attention particulière : au démoulage, il faut que tout se tienne bien, en particulier dans les angles.
Une fois cette trame noire réalisée, les motifs sont positionnés et scellés.

Puis de la chaux, blanche-rosée, est coulée tout autour, sur une épaisseur de six centimètres. Chaque motif est enserré dans la matière. La truelle et la taloche sont les outils de base. Elles permettent de combler autour, petit bout par petit bout, avant d’égaliser le tout, de façon à ce que la surface soit la plus plane possible.
Ce travail est strictement manuel. Il n’existe pas là encore de machine pour se substituer à l’humain !
La surface de chaque motif est imbibée manuellement d’huile de lin, afin de saturer la matière. Le blanc du mortier de chaux, coulé autour des motifs, ne doit pas venir modifier la couleur des éléments par transfert de laitance. Comme les matériaux de base sont identiques, il faut faire en sorte d’empêcher un éventuel effet buvard.

Une fois l’allée un peu asséchée, elle est badigeonnée d’huile de lin dans son intégralité.
Lorsque ça prend tournure, l’effet est garanti ! L’allée ressemble à un long tapis d’une vingtaine de mètres.

Il faut maintenant attendre que tout sèche bien, et surtout que ça durcisse. Il y en a pour un certain temps… La canicule de ces dernières semaines devrait être bénéfique. Bien évidemment, il est interdit de poser un pied dessus. Fin mai, alors que le chantier était meuble, des petits malins ont voulu voir de près de quoi il retournait. Ils ont gâté quelque peu le travail, qui a dû être repris. Pas vraiment sympa pour les artisans qui se donnent du mal…
Pendant l’été, cette partie de l’église est désormais totalement close pour éviter toute trace intempestive.
Si vous êtes curieux de voir comment se réalise un tapis de chaux, à motifs, “ fait main ”, voici une vidéo :
Dans la Chapelle des Trépassés, les sols ont aussi été repris. Plusieurs carreaux étaient cassés ou terriblement abîmés. Les Compagnons Réunis ont comblé avec de la pierre de Jonzac. Les joints ont été vieillis, pour que ces nouveaux carreaux s’intègrent bien dans l’ensemble. Une couche d’huile de lin par dessus, et hop, le tour est joué. Hop, c’est quand même vite dit ! Là aussi le travail ne se fait toutefois pas d’un coup de baguette magique. Le sol qui était tout encrassé a été également profondément lessivé.
Dans ce post, et dans les précédents que j’ai publiés, j’aime faire référence au livre de Pierre Goguelin, Les trois églises d’Ars-en-Ré. C’est un outil précieux pour se plonger dans l’étonnante histoire de l’église.
L’ouvrage étant épuisé, L’AIA (Association d’Information Arsaise) vient d’en rééditer 750 exemplaires. Vous pouvez l’acheter à la sortie de la messe du dimanche, ou bien au bureau de tourisme d’Ars. Il coûte 10 €. Le bénéfice des ventes sera reversé à la Fondation du Patrimoine, via laquelle la commune a lancé une souscription pour la restauration de l’église.
DES VITRAUX TOUT PROPRES, TOUT BEAUX
Le 11 juin, les emplacements des vitraux, recouverts momentanément de bâches plastiques, ne sont bientôt qu’un souvenir.
En octobre 2017, ils avaient été méticuleusement démontés, pièce par pièce. Mi-juin 2018, ils ont été remontés à l’identique. Entre temps, ils sont passés entre les mains expertes des restaurateurs de l’entreprise Vitraux Dupuy. Là encore, un travail de spécialistes, qu’on ne peut que saluer.

La pose est délicate, une fois les structures positionnées, il faut calfeutrer à l’intérieur et à l’extérieur et bien nettoyer chaque vitrail pour retirer les traces de mortier de scellement. Une bavette en plomb est préparée, pour être mise à la base du vitrail.
Les structures et les vitraux ont été entièrement rénovés.
La lumière entre à flots. Ils sont vraiment beaux ces vitraux, qui datent du début du XXème siècle.
Voici comment se repose un vitrail. Il est étonnant de constater la souplesse de chaque élément :
UNE HUMIDITE RECURRENTE
Les longs jours de pluie du printemps ont dégradé le travail de restauration de l’intérieur de l’église. Une fichue humidité, dont le souvenir se lit malheureusement sur les voûtes.

Sur la partie basse, à 1,5 m du sol, des mousses, des algues et des traces de sel ressortent sur les murs récemment rénovés. Plusieurs endroits, les badigeons neufs sont déjà cloqués et effrités.
En septembre, des drains vont être posés à l’extérieur de l’église, tout autour du bâti. Ils devraient contribuer à juguler cette humidité, bien embêtante. Il faudra ensuite tout reprendre… Zut alors !
Sur le sol de la chapelle des Trépassés, des traces de sel sont bien visibles. Là aussi, il va falloir tenter de brosser voire de gratter. Ces marques sont bien incrustées, sans doute depuis de nombreuses années.
Cette partie du chantier est désormais séparée du reste de l’église par une grande bâche, percée de trous pour laisser circuler l’air.

Les coffrages de bois, qui protégeaient les fonds baptismaux pendant le chantier, ont été retirés.
DES DESSINS BI-COLORES INEDITS
C’est dans ce coin de l’église qu’ont été mis à jour des dessins de feuillages, rouges et noirs. Jamais vus jusqu’à présent dans une église romane. Une étonnante découverte
“ Les artistes romans utilisaient souvent deux couleurs pour donner un aspect volumétrique et faire vibrer le décor. Si les feuillages avaient été monocolores, ils auraient paru plats, comme dessinés au pochoir ” commente Stéphane Berhault architecte du Patrimoine, en charge de la maîtrise d’oeuvre du chantier.
Lucie Roques, restauratrice d’art, est une nouvelle fois intervenue pour continuer à révéler ces décors. Elle les a stabilisés et elle a réintégré quelques légers traits de tiges, afin de permettre la continuité visuelle. Ces travaux sont bien évidemment validés par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).

Ces décors sont directement peints sur la pierre. A chacune de mes visites dans l’église, je ne me lasse pas d’aller les admirer de près. Ils sont émouvants, ils posent des questions. Qui est l’artiste ? Nous ne le saurons pas, ces dessins ne sont pas signés.
Juste en dessous de la fenêtre, là où ces décors ont été exhumés, la chaîne d’absidiole est vraiment bien visible, depuis que les échafaudages ont été retirés.
Ainsi que vous pouvez le constater, ces travaux de restauration de l’église d’Ars-en-Ré sont très importants. Ils sont suivis pas à pas par un binôme de deux architectes du Patrimoine,Stéphane Berhault et Elsa Ricaud, maîtres d’oeuvre du chantier. Deux fois par mois, ils animent une réunion avec les intervenants artisans et l’équipe communale d’Ars.

Pendant la période des vacances, les travaux font une pause. Ils reprendront en septembre prochain. Je vous donne donc rendez-vous pour la suite.