Voilà une bien attrayante exposition, présentée depuis quelques jours au Musée Ernest Cognacq. Intitulée Au Chic Rétais, elle nous renvoie cent ans en arrière, au début du XXe siècle.
C’est un peu sur la pointe des pieds qu’il est donné au visiteur de pénétrer un monde passé.
La première prouesse de l’équipe du musée est d’avoir vraiment tiré parti de l’espace clos de la petite salle. Dès l’entrée le ton est donné par la perspective. Bienvenue dans le magasin de confection, là où les dames se faisaient coudre des habits.
En 1906, Ernest Cognacq, le fondateur du grand magasin parisien La Samaritaine, a racheté les collections d’un érudit local Théodore Phelippot pour les offrir à sa commune natale de Saint-Martin-de-Ré. Elles formèrent alors le fonds du musée municipal Ernest-Cognacq, créé en 1907.
En hommage à Ernest Cognacq, Pier Boissinot réalisateur de l’expo, a créé une enseigne en bois peint. A elle seule, c’est déjà une merveille à admirer.
Coquettes, les Rétaises suivaient la mode, en s’inspirant des magazines : Le Petit Echo de la Mode et La Mode illustrée, entre autres. Au début du XXe siècle, des magasins de confection existent à Saint-Martin et La Flotte, les deux grands villages. Et dans chaque commune, au moins un drapier a pignon sur rue. Il vend le tissu au mètre et il emploie des couturières.
“ A l’époque, les femmes savaient coudre. Cela faisait partie du bagage d’enseignement des jeunes filles, qui devaient préparer leur trousseau. Si leurs revenus le permettaient, elles faisaient confectionner leurs costumes, sinon elles les cousaient elles-mêmes. Il y avait énormément de couturières dans l’île de Ré ” explique Christelle Rivalland, régisseur des collections.
Olympe Vernon, était couturière à La Couarde. Le corsage ouvragé et raffiné que l’on découvre est une de ses créations. Il porte même sa griffe. “ En soie blanche, avec décors de bouillonnés de mousseline de soie et volant de dentelle. Particulièrement raffiné, il est la preuve que les confectionneuses locales ne manquent pas d’habileté ” est-il indiqué sur le panonceau d’explications.
Wouhhh, que c’est beau. Quelle élégance !
La mode féminine à la Belle Epoque était alors aux silhouettes en S. “ Le port d’un corset remodèle le corps de la femme, la poitrine est poussée vers l’avant, tandis que les hanches et les fesses sont propulsées vers l’arrière ”. Pour re-créer ces silhouettes typiques des années 1900, l’équipe du musée a fait appel à une costumière, Régine Pierrot. Elle a restitué jupes et jupons, en s’inspirant des photos d’époque.
Il y a là des vêtements féminins d’apparat, de la société bourgeoise, portés pour les grandes occasions, pour aller au théâtre à Saint-Martin, à une fête, voire porter le deuil ou aller à la messe. Mais aussi des vêtements plus simples dont la maîtresse de maison s’habillait au quotidien.
Derrière chaque costume, et derrière chaque silhouette, on devine aisément la personnalité de celle qui l’a porté.
Les pièces présentées sont de fabrication rétaise. Certaines ont été données au musée par des familles de l’île de Ré, elles font partie du fonds. D’autres ont été prêtées par des particuliers, spécialement pour l’expo.
Marie-Flore Levoir, conservatrice-restauratrice textiles, a accompagné l’équipe pour mettre au point l’expo. Fil à fil, elle a délicatement redonné vie aux vêtements, dont certains très abîmés.
Elle a également travaillé sur le mannequinage, c’est-à-dire l’adaptation des mannequins actuels aux formes de l’époque. Pas une mince affaire, les corps du début du XXe siècle ne ressemblent pas à ceux d’aujourd’hui.
Sur les étagères et dans les tiroirs d’une armoire, les chapeaux, coiffes, piques à cheveux, broches, gants, bottines, bretelles, noeuds papillons sont soigneusement rangés. L’intimité d’un couple de l’époque est dévoilée.
Les murs rouges du décor renforcent la perception d’avoir poussé la porte du boudoir d’une maison privée.
Pascale Brenelli, professionnelle installée à Loix, a patiemment restauré quatre huiles sur toile. Dont deux peintes par William Barbotin. Les visages sont un peu austères, mais terriblement vrais, ils forcent le respect.
L’association des Amis du musée a financièrement participé à la restauration des quatre portraits.
Toutefois la grande majorité des Rétaises et des Rétais étaient avant tout des paysans de la terre. Des gens modestes, qui vaquaient à leurs occupations dans les vignes, dans les marais, et à la côte. Là, ce n’est plus une histoire de mode, il est question de tenues de travail confortables et pratiques.
L’expo relate la permanence des vêtements. “ Au fur et à mesure de l’usure, le corsage, la jupe ou le pantalon que l’on portait le dimanche finissent leur vie aux champs. On va les tapiner, c’est-à-dire les ravauder, ou recouper dans les tissus pour confectionner un autre vêtement ”, raconte Christelle Rivalland.
A un gilet d’homme ont été rajoutées des manches, taillées dans un châle de femme en cachemire. Peut-être pour faire face à un hiver froid ?
Un coin de l’expo est consacrée aux jeunes filles rétaises qui se mariaient en noir, à la vie quotidienne et à la mode masculine.
Julia Dumoulin-Roulié, directrice du musée, et son équipe ont commencé à réfléchir à cette exposition il y a presque deux ans. Il a fallu mener une importante restauration autour de ces oeuvres.
“ C’est vraiment un projet collectif. Nous avons fait appel à plusieurs compétences professionnelles qui nous ont accompagné de façon exemplaire ” a t-elle remercié lors du vernissage le 31 mars. “ De plus nous avons été soutenus par le mécénat des 373 adhérents des Amis du musée, et par celui du Crédit Agricole de Charente-Maritime ”.
Bravo mesdames, le résultat est formidable, et d’une classe folle !
Et bravo aussi à Laurent Martin, pour la magnifique scénographie et pour l’élégante affiche.
Au Chic Rétais est une exposition temporaire. Elle dure jusqu’à la fin de l’année, au musée de Saint-Martin de Ré.
Les enfants ne sont pas oubliés. Quatre classes de 5ème du collège, plus de 100 enfants, sont venus voir les restauratrices de vêtements et de tableaux en pleine action, et participer à des conférences. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils venaient au musée.
Et des ateliers thématique, en lien avec l’exposition Au Chic rétais, sont proposés pendant les vacances de Pâques.
Bonjour Maryline,
Rencontre aussi belle qu’imprévu avec tous ces costumes…
Moi qui venait pour voir l’expo sur le Bagne, c’est à dire ce qu’il peut y avoir de plus terrible, de plus sombre, j’ai terminé ma visite en descendant quelques marches avant de basculer dans une toute autre ambiance…
Venu seul voir les punis aux si tristes costumes rayés, j’ai infiniment regretté de ne pas avoir été accompagné de mon épouse (partie faire les boutiques).
A l’évidence, chacun pouvait trouver son bonheur, même si le mien fut double avec cette surprise empreinte d’une infinie élégance… et quel travail de restauration !… Grand bravo au Musée qui sait « mélanger les genres » et nous réserver de si belles surprises… A voir absolument !