En vous promenant le long les vignes de l’île de Ré, vous verrez sans doute des capsules de couleur marron, accrochées sur les fils de fer. 202 720 capsules ont été posées par les viticulteurs ces dernières semaines, elles contiennent des phéromones. 
Depuis quatre ans, plutôt que de traiter avec des insecticides, un grand nombre de viticulteurs rétais ont, préventivement, adopté la pose de capsules de phéromones. Cette méthode, durable, sans résidus dans les fruits et dans le vin, vise uniquement les ravageurs-cibles et n’a pas d’effet secondaire sur l’environnement, les utilisateurs ou les consommateurs.
Cette méthode est dite « confusion sexuelle ».
Fort heureusement la confusion sexuelle ne concerne que cette fameuse chenille, et pas les humains. Ne vous y méprenez pas ! Néanmoins il ne faut pas toucher ces capsules, elles dégagent des essences.
Comment cela fonctionne-t-il techniquement ? Avant de se transformer en papillon, une vilaine chenille du ver de la grappe, appelée tordeuse de la grappe, s’attaque aux grains de vigne lorsqu’ils sont en formation. La première ponte a lieu en juin lorsque la vigne fleurit et une seconde fois en juillet lorsqueles raisins sont formés à la taille d’un petit pois. En temps normal, le papillon vole à la recherche d’une femelle afin de s’accoupler et pondre sur la grappe. En s’approchant de ces capsules, il est désorienté, il perd ses repères. Il ne meurt cependant pas, car les capsules ne contiennent pas de biocides. Il ne peut simplement pas se reproduire. Hop, il s’en retourne vers d’autres occupations ! « Le papillon lui-même n’est pas nocif pour la vigne. C’est la chenille en perçant les grains de raisins qui entraîne leur pourriture » expliquent Jean-Jacques Enet, président de UNIRE et Jérôme Poulard technicien à la coopérative du Bois-Plage, partenaire des viticulteurs rétais.
Pourquoi y a t-il deux alvéoles sur chaque capsule ? Parce qu’il y a deux variétés d’insectes ravageurs de la vigne : la Cochylis et l’Eudémis.
Comment poser les capsules ? A raison de 560 capsules à l’hectare, elles se posent tous les deux rangs de vignes et il convient de les distancer tous les quatre ceps afin de saturer l’espace. Du 8 au 10 avril, 362 hectares de vignes rétaises ont été ainsi équipés. Du nord au sud de l’île, les agriculteurs se sont mobilisés et entraîdés sur leurs parcelles. L’implantation manuelle de capsules demande beaucoup de main d’oeuvre : une heure par personne et par hectare. Comme le disait Joël Guillaudeau, agriculteur rétais : « Le plus dur dans cette histoire, c’est la marche ! ». Arpenter des hectares de vignes pendant trois jours n’est pas évident. Et même si la météo était clémente avec un beau ciel bleu, le vent d’Est soufflait fort, ces jours-là. Il faut être résistant pour affronter pendant un long temps les agressions de ce vent de fou, qui donne le tournis.
Qui utilise cette technique sur l’île de Ré ? 75 % des viticulteurs. En Poitou-Charentes, l’île de Ré est le seul territoire qui la pratique sur une surface aussi importante de son vignoble. Les effets sont d’ores et déjà probants. De 2010 à 2014, 84 % des surfaces viticoles de l’île de Ré, traitées auparavant avec des insecticides, ont diminué.
Et même si le travail en amont est conséquent, les viticulteurs-utilsateurs sont unanimement convaincus. « Pour arriver à ce résultat, il faut que nous soyons un maximum d’exploitants. Nous sommes sur un territoire d’exception, nous devons avoir des pratiques qui sortent de l’ordinaire » plaide Carole Pardell, viticultrice et présidente du GDAD (Groupement de Développement pour une Agriculture Durable). Toutefois, pour que ça marche, plusieurs conditions doivent être réunies : la surface des parcelles doit être significative, et les parcelles doivent être proches les unes des autres. Il convient également que les vignes ne soient pas à proximité d’obstacles, faisant murs et barrières physiques à la diffusion des phéromones, comme le sont les forêts et les zones exposées à la lumière artificielle de nuit tels les campings. Dans ce cas, il faut alors procéder à la protection de la forêt ou du petit bois, en l’entourant lui aussi de capsules de phéromones. Tout cela est scientifique et bien technique !
L’intérêt de ces capsules est évident : plus de produits nocifs éparpillés dans la nature. « D’une façon générale on y gagne surtout en termes de santé. Que ce soient les utilisateurs-viticulteurs et tous ceux qui se promènent sur les pistes cyclables, personne ne renifle les vapeurs d’insecticides » milite Jean-Jacques Enet. En outre, cette méthode préfigure les normes environnementales imposées par l’Europe : à l’horizon 2018-2020, le traitement par voie d’insecticides devra être réduit de moitié. En plus le temps d’intervention des exploitants par la suite est moindre. Il n’y a plus d’épandage d’insecticides à programmer, donc moins de gasoil dans les réservoirs de tracteurs également.
En novembre, après les vendanges, il conviendra de retirer les capsules vides sur les fils. A l’avenir BASF, le fabricant de ces capsules, envisage qu’elles soient bio-dégradables.
Les abeilles aussi sont contentes. Pas de Gaucho, pas de Luzindo, des insecticides dénoncés et montrés du doigt quant à la décimation de ces insectes essentiels à la vie. Depuis l’utilisation de la confusion sexuelle à l’île de Ré, la mortalité dans les ruches est plus faible que celle constatée sur le continent. « Nous voyons bien la différence » affirme Aude Chupin, apicultrice à Rivedoux, farouche défenseuse de la méthode.
Voici quelques images que j’ai tournées. Le vent s’est engouffré dans mon appareil photos-caméra. Tendez l’oreille pour entendre les uns et les autres défendre la méthode de la confusion sexuelle.
Le traitement est cher : il en coûte 70 000 € pour la fourniture des racks de phéromones + le temps passé pour la pose et la dépose des diffuseurs, estimé à 19 000 € + le temps passé par les observateurs pour vérifier le bien-fondé de l’action. Jusqu’à présent la Communauté de Communes a financé 60 % du budget de l’opération. En effet, les viticulteurs estiment que le coût est un peu trop élevé pour le supporter seuls en totalité. « Nous avons besoin d’être aidés. La confusion sexuelle coûte 185 € à l’hectare, contre 40 euros pour un insecticide classique conventionnel avec 2 ou 3 traitements annuels » disent-ils. Pour 2015, des discussions sont en cours avec les élus du territoire de l’île de Ré.
A Saint-Clément des Baleines, le 9 avril, les acteurs concernés étaient réunis. Sur la photo de famille : agriculteur, viticultrice, saunier, apicultrice, UNIRE, Ré Nature Environnement, tous fervents défenseurs d’une telle technique, autour du maire de la commune. Fédérer, travailler ensemble, être complémentaires, tels étaient les mots qu’ils prononçaient : « Il y a quelques années, c’était impensable. Aujourd’hui, nous le souhaitons et nous le faisons ».
Un jour, qui sait, verrons-nous peut-être des bouteilles de vin de la Coopérative du Bois-Plage, estampillées Cuvée spéciale Confusion sexuelle ?
J’ai 4 pieds de muscat de Hambourg dans mon jardin.
Ou est-il possible d’acheter des capsules de phéromones de la vigne.?
Ce traitement conte la maladie me plait beaucoup.
Merci pour votre réponse.
R.Bourdier
Bonjour, vous me posez une colle… Néanmoins, je viens d’ appeler le technicien de la Coopérative Uniré. Il m’explique que sur les vignes isolées, la confusion sexuelle n’est pas efficace, il faudrait qu’autour de votre jardin d’autres en fasse de même. En effet, pour que ça puisse marcher, il faut que la surface d’exploitation soit au moins de 5 ha. En plus, à ce jour, ces capsules ne sont vendues qu’aux professionnels. C’est BASF qui les fabrique. Et elles ne sont proposées qu’en cartons pouvant couvrir 2 ha. Dans chaque carton il y a 2000 capsules, qui doivent coûter environ 700 euros, il me semble que ça ferait cher pour 4 pieds de vigne ! Peut-être un jour la technologie évoluera -t-elle pour que ces capsules soient proposées au grand public également. Désolée de ne pouvoir vous apporter une réponse positive…