Je me suis souvent posée la question du nombre d’oiseaux d’eau qui séjournent dans l’île de Ré.
En hivernage, ils sont environ 40 000 sur le territoire rétais, dont 80 % se réfugient, à marée haute, dans la Réserve naturelle de Lilleau des Niges aux Portes. Toute comparaison et toute proportion gardées, ils sont deux fois plus nombreux que les humains qui vivent à l’année à l’île de Ré !
Mi-février, je suis allée sur le terrain avec Hervé Roques animateur Nature de la Ligue de Protection des Oiseaux, ce jour-là était un jour de comptage des oiseaux. Une petite devinette : d’après vous, combien y a -t-il d’oiseaux sur la photo de ce marais de la Réserve ?
A vue-d’oeil, j’ai pensé à 2 000. Pas du tout, il y en avait 7 581 ! C’est l’addition de : 64 canards pilet (1 venait d’Afrique, reconnaissable à son jabot orange, couleur de la latérite, la terre rouge de ce continent) + 6 spatules (magnifiques avec leur huppe nuptiale sur la tête) + 117 courlis cendrés + 2 tournepierres + 1 faucon pèlerin (il scrutait ses futures proies) + 25 chevaliers gambette + 20 grands-gravelots + 564 barges rousses + 1 010 barges à queue noire + 590 pluviers argentés + 2 pluviers dorés (très rares sauf en période froide) + 5 180 bécasseaux variables.
Quand il y a beaucoup d’oiseaux dans un marais, Hervé Roques indique « commencer par le plus facile ». D’abord, il identifie les espèces, puis il débute le comptage par celles en moindre nombre. Les oiseaux sont comptés un par un, soit au moyen d’un appareil manuel soit tout simplement en les énumérant mentalement. Il termine par les espèces les plus nombreuses, en les évaluant par groupes. « C’est une question d’habitude, et pour les plus nombreux nous ne sommes pas à dix oiseaux près…».
On ne calcule pas le nombre de pattes d’oiseaux que l’on divise ensuite par deux. Non non, cela ne se passe pas ainsi !
Depuis trente ans la LPO procède, chaque mois, au comptage des canards, des bernaches et des petits échassiers de rivage. Il se déroule sur deux demies-journées, cela dure trois heures maximum : le premier jour ce sont les oiseaux sur les côtes, le lendemain ce sont les oiseaux dans les marais, car les espèces qui fréquentent côtes et marais ne sont pas forcément les mêmes. A la LPO de l’île de Ré, ils sont cinq à assurer simultanément ces comptages.
Le moment propice : deux heures avant la marée haute, quand les oiseaux ne volent pas dans tous les sens et qu’ils se regroupent afin de se réchauffer entre eux. Car à marée basse ils sont éparpillés un peu partout pour se nourrir. Les comptages ont lieu lors du plus grand coefficient de marée du mois. Tout cela est bien particulier, il faut ouvrir l’oeil et l’avoir bien aguerri, avoir aussi une aptitude et une habitude certaines, il convient d’aller vite car le temps d’inventaire est court.
Le comptage mensuel le plus important est celui de janvier. Il fait référence en Europe. Wetlands International coordonne les comptages dans les zones humides.
Les canards tadornes sont recensés uniquement en janvier, lorsqu’ils sont regroupés autour et sur le Fier. « Dans les mois qui suivent, ils sont dispersés et ils sont incomptables » relate Hervé Roques. Les échassiers de rivage et les bernaches sont dénombrés toute l’année. Selon les saisons, d’autres oiseaux le sont en complément, telles les aigrettes et les canards.
Le comptage de février que j’ai suivi, s’est déroulé autour de la Réserve naturelle, en passant de bassins en bassins pré-définis. Lorsqu’un faucon pèlerin bouge, les oiseaux sont effrayés, ils volent dans tous les sens. Il faut attendre qu’ils se posent à nouveau pour recommencer le comptage.
De tels comptages sont opérés tous les mois, et encore d’autres différents chaque semaine. Quelle est leur utilité ? « Ils sont un indicateur qui permet de mesurer l’importance des populations d’oiseaux d’eau présentes dans ce site, et d’en suivre l’évolution d’année en année. Depuis 30 ans nous avons des chiffres précis et fiables, qu’il est intéressant de comparer sur le long terme. Ils sont également un indicateur de la qualité des milieux naturels de l’île de Ré » précise Hervé Roques.
En 2003, l’île de Ré a signé la convention Ramsar, un traité intergouvernemental qui a pour but de préserver les richesses des zones humides les plus remarquables. L’île de Ré est un paradis pour les oiseaux.
Aux mois les plus forts, en hivernage, les bernaches cravants sont de 10 000 à 12 000, un chiffre fluctuant selon les années, mais finalement stable. On dénombre aussi 2 500 à 3 000 tournepierres, 3 000 barges à queue noire, 10 000 bécasseaux variables, 600 huîtriers pie, 800 grands-gravelots. Etonnamment, cette année aucune avocette n’a été vue, c’est la première fois que cela arrive. Habituellement elles sont en moyenne 600. Où donc sont-elles passées ? il semblerait qu’elles soient dans la baie de l’Aiguillon…
Jean-Christophe Lemesle, Conservateur de la Réserve Naturelle explique : « La LPO est sur le terrain depuis 30 ans. Depuis tout ce temps, le recensement nous permet d’avoir un grand recul sur le nombre d’oiseaux. Rares sont les sites en France qui font de tels comptages et qui disposent de telles données. Dès la création de la Réserve, les relevés ont montré que les effectifs d’oiseaux ont été multipliés par 10. Aujourd’hui ils sont assez stables, et certaines années nous observons de nouvelles espèces. En plus des comptages mensuels, au printemps nous recensons les oiseaux d’eau nicheurs et en mai et juin, une fois par semaine, nous faisons des inventaires sur les marais salants de l’île, les sauniers nous connaissent bien ».
En mai, j’espère bien assister au comptage des goélands dans la Réserve Naturelle, c’est à ce moment là qu’ils nichent.
Quel bon moment, on a envie de partir en vacances avec les oiseaux!
Bonsoir Jean-Baptiste, je constate avec joie que tu trouves maintenant aisément le chemin pour faire des commentaires sur le blog. Merci pour ton message, j’avoue avoir pris beaucoup de plaisir et d’intérêt lorsque j’ai fait ce reportage, que j’ai bien sûr eu envie de partager avec les lecteurs du blog. Amitiés Maryline