Au bout du fil de Caroline Tiné

Quand Caroline Tiné n’est pas aux Portes-en-Ré, elle séjourne en Inde. Ce continent la ressource et l’inspire. C’est très loin de chez nous que le prénom Yo, s’est imposé et qu’elle lui a donné celui de l’héroïne de son dernier roman : Le Fil de Yo.

Le livre est paru en février. Depuis six mois, il connaît un vrai succès, le bouche-à-oreille fonctionne bien. A l’île de Ré, elle a dédicacé son ouvrage plusieurs fois, et elle a été présente à L’île aux Livres au Bois-Plage ce week-end.

Il y a quelques années, j’ai rencontré Caroline lorsqu’elle était journaliste et dirigeait la rédaction du magazine de décoration, Marie-Claire Maison. Le Fil de Yo est son troisième roman. Elle n’avait pas publié depuis 22 ans, trop occupée par ses obligations professionnelles. Et pourtant ses deux premiers romans, L’Immeuble et Le Roman de Balthazar ont été récompensés par des prix. 

J’ai beaucoup aimé son dernier livre. Yo est infirmière dans une clinique psychiatrique, un établissement réputé pour ses méthodes libérales. Elle a 30 ans, et déjà un passé certain. « Elle avait choisi ce métier pour écouter tranquillement le silence et tenir la souffrance à distance ». 

Un fil la tient debout, costaude malgré ses allures de jeune femme frêle : « C’est un fil qui se tire avec une infinie précaution, parce qu’il renferme tout le mystère de la connaissance de soi… Un fil invisible se déroule et m’indique la direction à suivre ». Un fil de sagesse, de façon de vivre pour appréhender le quotidien de façon la plus équitable possible. Dans son passé, ce fil a tangué, il tangue encore parfois dans sa vie quotidienne, mais il la tient droite.  « Elle a un don qui lui permet de recadrer les paumés » est-il écrit.

Quand on pense à clinique psychiatrique, on pense souvent Fous. Mais les Fous ne sont pas toujours ceux que l’on croit. De plus, ils ont des choses à dire, des mots qui touchent, des mots remplis de bon sens. « Les Fous ne sont pas des gens tranquilles, c’est la chimie qui les assomme. Et quand l’effet des narcotiques se dissipe, la souffrance est décuplée » certifie Yo, dès la page 30 du livre. Le ton est donné.

Dans cette clinique psychiatrique se côtoient des personnes en réelle difficulté, mais aussi des gens qui ont eu des aléas de la vie : mise au placard, chômage, accident. « Je ne travaille pas au contact de fous dangereux mais auprès de gens qui traversent des épisodes de souffrance intense. Qui ont eu le coeur brisé, qui vivent une réalité différente de la nôtre, qui ont peur tout simplement. Des êtres qui ne savent pas communiquer, parce qu’ils sont enfermés à l’intérieur d’eux mêmes. Dans une prison personnelle » confesse Yo. Ses fous résistent. Leurs portraits et ceux des soignants sont brossés au millimètre près, ils puisent au profond de leur intimité secrète. « Qui est fou, qui ne l’est pas est un vaste sujet, avec toutes sortes de gradations » s’interroge l’infirmière.

Caroline Tiné - 28 avril 2015
Séance de dédicace aux Portes-en-Ré.

Il semble de Caroline ait bien étudié le sujet. « Cela ne sert à rien de touiller la merde qui n’est pas une substance volatile » fait-elle dire à Yo. Son livre se lit facilement, il y a même du suspens. Il est surtout plein d’espoir et de confiance, sans toutefois dénoncer l’univers des cliniques psychiatriques. Ce n’est pas un pamphlet, même si parfois elle griffe : « Pourquoi les établissements psychiatriques entretiennent-ils dès l’accueil une ambiance de fin du monde, déprimante et misérable ? », tout en précisant : « La Clinique a un objectif défini, préparer le patient à son retour à la vie active et à son environnement naturel ».

Caroline, a t-elle connu Yo ? « Pas du tout ! Le personnage de l’infirmière psychiatrique m’est venu en Inde, là où il est plus facile de lâcher prise. Yo aurait d’ailleurs pu passer par un ashram. Moi-même je pratique le yoga et la méditation. Son fil est comme un petit trésor en soi, qui se déroule et qui protège. Il est vrai aussi que les gens fragiles, les gens différents, les gens exclus m’intéressent » confie l’auteur.

Son personnage central est très crédible. Sorti de son imaginaire, il est sans doute nourri du vécu de l’auteur. Que ce soit dans ses descriptions du New-York des années 70 que Caroline a respiré de près, ou même dans les scènes où la nature a une grande place : « L’essentiel c’est la route. Regarder droit devant. S’imprégner du calme de la concentration. Rester fidèle à son chemin. Se retrouver, retrouver la pure conscience d’être, ici et maintenant, le silence imperceptible par les sens. Ne pas quitter la piste. Ne pas tomber dans le fossé ».  

Ce livre m’a conforté dans mes convictions. Il décrit une philosophie de vie, en quelque sorte : «  Les choses modestes, les gestes anodins, les attentions minuscules sont la quête de Yo ».

Une fois refermé, Yo reste présente à l’esprit, terriblement debout et vivante. A de nombreuses reprises, j’ai médité sur des phrases, comme autant de caisses de résonance.

Le livre est en bonne place dans les librairies et Maisons de la Presse de France et de Navarre, et donc de l’île de Ré. L’auteur s’attelle actuellement à la rédaction de son 4ème roman.

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