Chère Gisèle Casadesus, nous vous disons au revoir

Mamé. C’est ainsi que ses huit petits-enfants, ses neuf arrière-petits-enfants et ses deux arrière-arrière-petits-enfants appelaient Gisèle Casadesus. Elle signait d’ailleurs de ces deux syllabes les courriers qu’elle leur adressait.

A l’occasion des 100 ans de Madame Casadesus, Paris Match avait réussi à réunir sept de ses huit petits-enfants.
Gisèle Casadesus et ses petits-enfants - mai 2014 - Photo Paris Match

L’immense artiste nous a quitté dimanche 24 septembre, elle avait 103 ans. Lucien Probst son mari et Gisèle ont choisi l’île de Ré pour dernière demeure. Luco, comme le surnommaient les petits enfants, est parti à l’âge de 100 ans. A l’ombre d’un arbre, il attendait son épouse depuis 2006.

Lors de la cérémonie au Temple de Saint-Martin de Ré, jeudi dernier, Sebastian Copeland, fils aîné de Jean-Claude Casadesus, et l’aîné des petits-enfants de Gisèle, a lu un texte qu’il a écrit.

“ Je me sens dans l’obligation de vous remercier d’être ici. Mamé ne trouverait pas ça poli de ne pas le mentionner. D’ailleurs c’est un joli public, quelque chose qui ne l’a jamais laissée insensible !

Gisèle, Maman, Mamé te voilà partie. Tu as finalement doucement levé l’ancre, et fait ton cap vers un Paradis, pour qui, ils m’ont chargé de te dire, et Luco en particulier, tu t’es bien faite attendre ! Malgré ta ponctualité terrestre, c’est ton retard céleste qui nous à bien convenu à nous, ta légion d’admirateurs, d’amis et ta famille.

Et c’est bien parce que le Paradis est si loin que tu ne peux pas être ici avec nous aujourd’hui. Mais on t’en veut un peu tout de même ! C’est gourmand, c’est vrai, de se vouloir plus de temps avec quelqu’un qui a vécu déjà si longuement. Mais c’est un caprice que nous avons tous vivement partagé.

Mère, grand-mère, arrière grand-mère, arrière-arrière grand mère (tant d’accents graves dans une même phrase, c’est rare !), ton départ ouvre un gouffre pour nous, ta famille. Alors que nous faisons collectivement face à l’ampleur de ton absence, c’est vertigineux. Où retrouver désormais ce sourire complice, cet esprit si lumineux, cette étincelle dans un oeil coquin ? Autant d’images qui infusent le caractère d’une vie, la nôtre, et qui survivent en mémoire en dépit de ta soudaine absence.

Comment définir la grâce ? Eh bien c’est le mariage du charme discret et de l’élégance. Et c’est bien toi. Tu as vécu comme peu en ont eu la chance : dans l’amour et la grâce.

Tu aimais dire que tu étais née sous une bonne étoile. Mais tous ceux qui te connaissent savent très bien que l’étoile, c’était toi.

Tu avais tes coquetteries, tes petites vanités, ton style exact. Et de toutes les caractéristiques qui nous manquent déjà de toi… tes efforts en cuisine, il faut l’admettre…, en font l’exception ! Et pourtant c’est à force de goûters-dîners, de célébrations de Noël, et de tant de repas entrepris avec chacun que tu nous nourrissais de souvenirs rassurants et d’échanges qui donnaient à chacun la conviction d’être TON favori, de détenir LE rapport privilégié. Coquine ! En fait, là était ta magie : ton favori, eh bien… c’était nous ! Chaque rapport uniquement privilégié, honnêtement authentique.

Comment vas-tu ? “ Comme un vieux truc ” tu disais ! Mais tu écoutais, tu partageais, tu transmettais ton histoire et celle des nôtres. Luco disait : “ Aimez-vous ! ”. Et toi, tu nous as montré le chemin d’un amour sans jugement, d’une affection sans fin. Et maintenant c’est à nous de prendre les commandes de ton vaisseau magique, et de maintenir ce cap inspiré. C’est intimidant, mais c’est la leçon d’une vie. Alors, merci !

Doyenne de la famille, doyenne des comédiennes Françaises, doyenne même de ton immeuble, et doyenne de la communauté réthaise qui t’avait adoptée peu après ton premier passage, ici, il y de ça 95 ans ! Je n’ose pas imaginer l’île de Ré en ton absence… De mes 53 étés passés ici, il n’y en a pas un qui fût sans toi. Tenir ta petite main me manque déjà, ainsi que la curieuse cadence rythmique de ta tête, inclinante sur le côté.

Tu craignais la mort. Je sais que désormais, la trompette des anges qui t’a accueillie dimanche dernier a mis fin une fois pour toute à tes inquiétudes. Te voilà de nouveau réunie avec Luco que tu pourras désormais entendre tour à tour gueuler, ou te lire des poèmes.

Tu nous quittes, mais ton nom n’est pas gravé sur ta pierre de tombe ; il est gravé dans nos coeurs à jamais.

La douleur passe. Au reste, nous avons les souvenirs. Et finalement, le sourire.

“ Que Dieu t’ benisse! ”, je t’entends nous dire à tous. Je n’ai nul besoin de te dire ça à toi, car je sais qu’il l’a déjà fait ”.

Famille Casadesus - Décembre 2015
Décembre 2015, la petite Lilou-Grace a 100 ans de moins que son arrière-arrière-grand-mère.

Un grand merci à la famille d’avoir accepté que je publie cet émouvant et sensible hommage dans le blog.

A l’île de Ré, en particulier à Ars, beaucoup gardent dans leur coeur des moments partagés avec Gisèle Casadesus. Depuis 1922, date à laquelle sa mère avait acquis un des trois moulins du village, elle s’est attachée aux lieux et aux gens. Ainsi Ars est devenu le point de rassemblement des membres de la famille, pour ne pas dire de la tribu.

Madame Casadesus ne manquait pas de vous adresser un joli sourire lorsque vous la croisiez au détour d’une rue du village, ou lorsqu’elle se promenait sur la digue des Frères de la Côte depuis laquelle elle aimait voir la mer. Elle ne manquait pas de s’arrêter pour prendre des nouvelles des uns et des autres. Toujours coquette et élégante.

Ses 100 ans qu’elle avait fêtés en famille et avec ses amis rétais dans la salle des fêtes, en août 2014, resterons aussi gravés dans les coeurs.

Elle nous a laissé sa voix, elle fait partie du patrimoine oral de l’île de Ré. Il y a déjà quelques années, elle a enregistré la bande-son du spectacle donné sur la place de l’église d’Ars. Il est programmé chaque été. Les mots, le ton et l’élocution parfaites de Gisèle y sont à chaque fois chaleureusement applaudis. On ne s’en lasse pas.

Mille mercis, Madame !

 

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