Appréciez-vous les palourdes ? Aimez-vous aller les pêcher lors d’une bonne balade à pied, au grand air ?
A l’île de Ré, en particulier les jours de grandes marées, nombreux sont ceux qui partent sur l’estran à la recherche de ce délicieux coquillage, bourré de vitamines. A déguster cru ou cuit, selon son goût.
Certains se plaignent qu’il y en a moins qu’avant. D’autres, qu’il devient de plus en plus difficile de trouver des grosses dodues, de taille autorisée.
Des actions de sensibilisation à l’estran sont régulièrement menées par les Ecogardes de la CDC.
Chaque année, à l’île de Ré, 20 000 réglettes sont distribuées aux pêcheurs à pied, afin de leur indiquer les tailles de pêche à respecter. Les prises de coquillages sont limitées à 5 kilos par personne, par jour, et par marée.
Mais lorsqu’il y a un monde fou à la pêche à pied, il est certain que la denrée a plutôt tendance à s’épuiser.
En outre, en août 2015, un arrêté de madame le Préfet a autorisé la pêche professionnelle des palourdes dans le Fier d’Ars, à raison de 70 kilos par jour et par pêcheur, sauf le dimanche et les jours fériés. La décision a heurté bien des sensibilités rétaises, qui savent que leur estran, même généreux, est fragile et pas intarissable.
Qu’en est-il exactement de la ressource en palourdes ?
Pour le savoir, un programme d’inventaires des palourdes se met actuellement en place, sous l’égide de la Communauté de Communes, dans le cadre du suivi de l’estran. Il s’inscrit dans le projet Européen Life+, Pêche à pied de loisir. Ce fonds de l’Union européenne co-finance des projets « contribuant à la protection de l’environnement et à la mise en œuvre de la politique et de la législation communautaires dans le domaine de l’environnement », ainsi que l’indique le site internet de l’Agence des Aires Marines protégées, partenaire du programme.
La CDC s’est portée volontaire pour adhérer au programme Life+ pour les cinq prochaines années.
En 2015, une convention a été signée avec le CREAA (Centre Régional d’Expérimentation et d’Application Aquacole) situé au Château d’Oléron, afin d’étudier l’évolution de la ressource en coques et en palourdes. De façon à mieux connaître l’impact de la pêche sur la biodiversité littorale.
Pendant trois marées, du 30 mai au 1er juin, les Ecogardes de la CDC ont procédé à des prélèvements, à raison d’une vingtaine par jour. Le travail se fait à marée haute, depuis le chaland ostréicole du CREEA, le Terdoux. 60 points de collecte ont été géo-localisés en amont, pour assurer les 60 prélèvements, dans trois types de sols, de substrats comme on dit en langage scientifique : vase, sable, sédiments.
Il faisait un froid et un vent terribles ces jours-là…
Dans un premier temps, seul le Fier d’Ars est concerné. Cependant, les prélèvements ne s’effectuent pas dans les parcs ostréicoles.
Comment ça se passe ?
Un drôle d’outil, un grappin, est jeté à l’au. Son poids l’entraîne dans le fond, à 15 cm dans le substrat. Une fois posé au sol, ses côtés sont relevés au moyen d’un treuil, pour assurer la prise.
A bord, le substrat est tamisé pour ne garder que les palourdes. Quand il y en a !
Au retour de la première sortie, Yvan Sionneau, responsable des Ecogardes à la CDC raconte : « Nous sommes restés en mer quatre à cinq heures. Chaque point GPS a fait l’objet de trois prélèvements, pour disposer de données les plus exhaustives par station. Pour certains, nous n’avons rien prélevé, car il n’y avait pas de palourdes. Nous avons déjà constaté que la palourde japonaise, qui a été introduite il y a quelques années est en plus grand nombre que la palourde sauvage ».
Chaque prélèvement est soigneusement mis dans un sachet, en identifiant la date, le lieu, le substrat dans lequel les palourdes ont été cueillies.
Ensuite les Ecogardes comptent le nombre de palourdes par sachet, mesurent la taille de chaque coquillage, et les pèsent un par un, avant transmission au CREAA.
Le lendemain, les palourdes sont remises en mer.
Cédric Hennache, chargé de programme dans le domaine halieutique, au CREAA, prendra le relais pour les analyses : « La taille et le poids de chaque palourde seront vérifiées. Nous allons renseigner une base de données, avec entre autres l’indication du substrat dans lequel elles ont été trouvées. Et suivre ainsi sur plusieurs années la biomasse des palourdes du Fier d’Ars et son évolution.
Ces éléments devraient permettre d’apporter une aide à une future gestion de la ressource ».
« Le Fier d’Ars est une des plus belles nurseries. Dans le cadre de l’écotaxe, nous souhaitons connaître l’influence de la pression de la pêche sur les gisements. Beaucoup considèrent qu’ils sont inépuisables. Certains coins sont sur-pêchés, d’autres pas.
Lorsque nous aurons une vision claire de la pression exercée par la pêche à pied, il faudra peut-être redéfinir les priorités pour assurer le renouvellement des espèces », a assuré Lionel Quillet, président de la CDC, venu à l’arrivée du bateau pour expliquer la teneur du programme.
Depuis 2014, en Charente-Maritime, plusieurs secteurs sont ainsi analysés par le CREAA, notamment dans le Bassin de Marennes-Oléron. Cinq années sont nécessaires pour avoir du recul et suivre l’évolution, et le cas échéant extrapoler sur les impacts. Sachant que la palourde est une espèce qui grossit plutôt vite.
A l’automne, pour la deuxième année consécutive, les Ecogardes procèderont à des prélèvements de coques. La méthode est un peu différente, car elle s’opère à marée basse.