C’était le 4 novembre 2014. Un vautour percnoptère était retrouvé dans un jardin de Saint-Clément des Baleines. Dans un post j’avais raconté sa découverte et la surprise à la vue de cet oiseau. Un tel spécimen n’avait jamais été observé à l’île de Ré.Un an plus tard, nous avons de ses nouvelles, il est en Espagne. Samedi dernier, Hervé Roques de la LPO, qui l’avait recueilli, a reçu un mail à son sujet. Les ornithologues Erick Kobierzycki et Christian Pacteau, qui suivent son épopée de près, relatent l’aventure que cet oiseau a vécue durant toute cette année, et même avant.
Lorsqu’il a été recueilli à l’île de Ré l’oiseau était bagué. Cela a permis déjà d’en savoir plus. Son parcours est à étapes. Il a déjà de belles histoires à raconter
Il a été une première fois retrouvé exténué, le 1er octobre 2014, à Allariz-San Tomé de Piñero, dans la province de Pontevadra. Le centre de soins espagnol de Cotorredondo, près de Vigo en Galice l’a soigné pendant 20 jours. Il a été alors bagué : « C’était l’occasion de le faire. Jusqu’à présent il ne faisait pas partie d’un programme identifié » explique Hervé Roques.
Le 24 octobre, il est relâché à une trentaine de kilomètres du lieu de récupération, en Galice, au nord du Portugal.
10 jours plus tard, il est à l’île de Ré. La page Facebook de la LPO – Maison du Fier suit son aventure. « C’était un jeune de l’année, il était fatigué, et sans doute pas prêt pour la migration. Normalement cet oiseau aurait dû s’envoler vers l’Afrique, mais il a dû confondre le nord et le sud ! » avait commenté Hervé à l’époque.
Les équipes de la LPO rétaise l’ont alors confié au centre de soins UFCS, à Saint-Denis du Payre, en Vendée. Pendant cinq mois il s’est fait chouchouter en se refaisant une santé.
Requinqué, il a été transféré le 27 mars 2015 dans le centre de sauvegarde d’Hegalaldia, à Ustaritz (64). Il a été placé dans une grande volière. Là il a réappris à voler avec ses congénères, des vautours fauves. « Comme lui ce sont de oiseaux de grande envergure. Il a réappris son rôle de vautour » commente Hervé avec humour.
Trois mois plus tard, le 24 juin 2015, son dos est équipé d’une balise GPS. « Ainsi on peut assurer un suivi quotidien. II est très rare de pouvoir le faire » souligne Hervé.
Le percnoptère est maintenant apte à prendre un nouvel envol. Il est lâché, en Pays basque français, à proximité d’un dortoir de vautours de son espèce. En France 80 couples ont été recensés et en Espagne 2000 couples. « C’est la principale population en Europe ».
La balise permet de suivre ses pérégrinations. Monsieur (ou Madame ?) vautour aime la balade. Durant l’été 2015 il visite le pays basque français. Il s’est longuement fixé près d’un élevage de canards, sans problème particulier. Hmmm, un petit canard aurait pu quand même faire l’affaire ! Mais non…
Le 20 août 2015, il passe la frontière franco-espagnole. Il stationne en Aragon durant quelques jours, puis il reprend la route du sud jusqu’à la province de Cuenca, en Castille. Le 25 août, il repart vert le nord. Il séjourne quelques jours en Biscaye, en pays basque espagnol. Et le 29 août, quasi retour à la frontière française pour passer deux trois jours près de Sare dans les Pyrénées Atlantiques, puis quelques jours de nouveau en pays basque espagnol. Le 11 septembre, il semble vouloir reprendre sa migration vers le sud, par saut de puces et quelques détours, il stationne en Aragon, près de Saragosse.
Le 4 octobre, de nouveau il entreprend un grand voyage en boucle : Saragosse, Tortosa dans le delta de l’Ebre, puis il remonte vers le nord, Barcelone, Cap Creus à quelques kilomètres de la frontière franco-espagnole, côté oriental. Il revient vers un secteur qu’il semble priser : la limite de la Navarre et de l’Aragon, à l’ouest de Saragosse.
Ah, ici les porcheries industrielles y sont nombreuses ! Y aurait-il de quoi se substanter dans ce coin?
« Depuis une dizaine de jours il est scotché près d’un grand élevage. Nous arrivons fin octobre, il est peu probable que cet oiseau atypique migre vers les contrées sub-sahariennes ? Rejoindra-t-il la petite population hivernante d’Extramadure. Voilà pour une petite histoire de vie… qui se poursuit » est-il écrit dans le mail envoyé par l’ornithologue du pays basque.
Les ornithologues le surnomment le vautour vagabond. Il lui ont même donné un nom : Señor.
J’ai posé une question à Hervé Roques : mais pourquoi n’a-t-il pas de copine et de copains ? « Il est encore jeune et sans doute pas encore prêt à se reproduire. Normalement ces vautours vivent en bandes. En plus, à cette époque, il devrait être en Afrique ».
Avec sa balise sur le dos, nous aurons un jour d’autres nouvelles. Où est-il né, pourquoi et comment il est arrivé à l’île de Ré un matin d’automne de l’année dernière est une autre histoire, dont nous n’aurons vraisemblablement jamais la réponse. Mais comme le disent les ornithologues, cet oiseau-là est atypique !
De loin, je l’imagine voler comme un prince vautour, épris de liberté. Avec tous ses passages en centres de soins, il doit être costaud..