Ceux qui connaissent bien notre île au quotidien savent que, dans les ports de l’île, la vase s’accumule au fond et sur les berges. Jadis, les ports ont été édifiés sur les terres marécageuses. Et qui dit marais, dit vase.
En avril, le Mer d’Antioche, un des deux rotodévaseurs dont le Département est propriétaire, est intervenu dans le petit port de Loix. Le chenal d’accès s’est fait une jeunesse.
Le port de Loix appartient au conseil départemental. A ce titre, il en assure l’entretien. La dernière fois que le rotodévaseur est passé, c’était il y a deux ans.
Michel Héraudeau, conseiller municipal, est chargé de ce site du village. Il surveille ce port, tel le lait sur le feu : « Maîtriser le niveau des vases est primordial, et pas uniquement pour le confort des bateaux. Il s’agit de maintenir le niveau hydraulique, et par là même, la gestion d’une bonne circulation de l’eau. Si la vase n’est pas maîtrisée, elle s’accumule, la salicorne prend le dessus. Plus la végétation croît, et plus elle retient la vase. Et même si des chasses d’eau sont pratiquées régulièrement, cela ne suffit pas. Le passage périodique du rotodévaseur maintient à le bon niveau A chacune de ses interventions, le chenal gagne un peu plus de profondeur. Et la fois suivante, même deux ans plus tard, lorsque le rotodévaseur opère, le travail est facilité ».
Toutefois tout au long de l’année, afin de faire perdurer ces travaux de désenvasage réguliers, des chasses de l’eau sont pratiquées grâce à la pelle du moulin à marées. Lorsqu’elle s’ouvre, la réserve d’eau stockée derrière procure un flux abondant. L’eau s’évacue alors avec un fort courant.
Le lieu est vraiment charmant, unique, et bien tranquille.
En pleine saison 51 bateaux sont amarrés dans le port de Loix, et pendant l’hiver une dizaine. Avant que le rotodévaseur n’arrive sur place, quelques membres de l’association des Amis du port de Loix doivent préparer le travail. Michel Héraudeau fait partie de l’association. « C’est un moment physique d’importantes manipulations. Il s’agit de dégager l’espace entre les chaînes-mères des bateaux, deux en haut et deux en bas et de positionner les chaînes-filles en prolongement des chaînes-mères, deux chaînes-filles par amarre, soit 102 chaînes. Et ce, pour que le rotodévaseur puisse travailler entre les chaînes ».
Les corps morts, auxquels sont attachées les chaînes-mères, ne sont néanmoins pas bougés, ils restent en place car ils sont très lourds.
Le rotodévasage a lieu au moment des marées de forte amplitude, à chaque maline, de jour comme de nuit, et toujours lorsque la mer commence à descendre et que le courant s’installe. Le 7 avril, le coefficient était de 109, le 8 avril il était de 117.
Rotodévasage ne signifie pas pour autant curage, ni enlèvement total de la vase du port. L’opération consiste à descendre le niveau de la vase au maximum.
Sur un écran, le capitaine du bateau suit le tracé, qui se matérialise en rouge au fur et à mesure des allers et retours dans le chenal. Ce qui est en vert, c’est la vase. La manoeuvre dure trois heures à trois heures et demie à chaque marée, en fonction de la vitesse de retrait de la mer. Il n’y a pas vraiment de temps à perdre. « Ici, il y a de la matière ! » constate l’équipage du Mer d’Antioche.
Une grosse fraise en acier brasse l’eau, elle met la vase en suspension. Sous l’effet du flux descendant, la boue repart vers le large.
En gros, 15 000 m3 ont été brassés, pendant cinq jours.
Pour ce genre de travail sous-marin, des écueils sont souvent rencontrés. La mer n’est pas propre, malheureusement nous le savons bien. Parfois, la fraise en action accroche d’énormes bouts de plastique indéfinissable. Il faut arrêter les moteurs, débarrasser la fraise, et ensuite repartir.
Les chaînes-filles du port de Loix ont également donné du souci aux marins du Mer d’Antioche. Au bout de ces chaînes, quelques bouées étaient tombées au fond, invisibles à marée basse car recouvertes de vase. A plusieurs reprises, la fraise a buté dessus et elle a cassé. « Quatre marées ont été perdues, et non rattrapables. Car pour bien mettre la vase en suspension, il faut que les coefficients de marées soient forts, et ceux des jours suivants étaient trop petits. Le travail a été très bien fait, mais sur la partie gauche du chenal, les quatre passages manquants sont visibles » déplore Michel Héraudeau.
« La prochaine fois, nous serons obligés de faire des sondages, afin de retrouver les bouées abandonnées par les propriétaires de bateaux, qui ne signalent pas toujours qu’un incident leur est arrivé ».
Après le passage, il a fallu encore remettre les bouées d’aplomb, et les aligner le mieux possible. Le chenal qui partait un peu en zig-zag est à nouveau profilé. Les bateaux peuvent rentrer et sortir, même à mi-marée. Les jours qui suivent le rotodévasage, le niveau de vase continue de descendre lentement : « Ensuite la pente se fait naturellement, le chenal prend encore un peu de profondeur. Le rotodévaseur est déjà intervenu plusieurs fois dans le port de Loix, son efficacité est prouvée » affirme Michel Héraudeau.
Un tel traitement coûte 35 000 €. Il est financé via les redevances acquittées par les usagers du port : 350 € par an. « L’utilisation régulière de la pelle du moulin à marées permet de ne le faire venir que tous les deux ans. Et fort heureusement l’association des Amis du Port, met la main à la pâte pour les préparations avant et après ».
De la vase, il y en a encore pas mal. Le port est en cul-de-sac. Quand la mer remonte, la vase est stoppée, et elle se dépose. Les anciens parcs ostréicoles abandonnés dans la Fosse de Loix constituent aussi un frein à sa dispersion au large.
Un grand merci à l’équipage du Mer d’Antioche, Francis Fourchaud le capitaine et François Verger le matelot. Ils m’ont autorisée à monter à bord pour ce reportage, au plus près de la vase.
En vidéo, voici comment se rendre compte comment le bateau avance pianissimo :
Chaque été, la Journée du port de Loix, sensibilise le grand public. Les plus courageux, pelle à la main, descendent dans le port afin de décoller la vase avant que les portes du moulin à marées ne s’ouvrent pour l’entraîner dans le courant. Puis les plus sportifs, se lancent à plat ventre dans une course dans la vase. Cela vaut vraiment le coup d’oeil ! La vase, ça colle aux baskets, mais c’est bon pour la peau.
La 16ème édition aura lieu le mercredi 3 août, au matin.
Rappelons que ce petit port a été aménagé en 1850, pour faciliter le chargement de sel. Et que dès le 14e siècle une écluse était déjà construite. Un peu plus tard, le moulin à marées à été édifié juste à côté.
