C’était le bagne…

Aujourd’hui nous savons que la citadelle de Saint-Martin de Ré a été l’antichambre des bagnes, lorsqu’elle est devenue l’unique dépôt de condamnés destinés aux colonies pénitentiaires de Guyane et de Nouvelle-Calédonie. Certains ont pu lire des écrits ou des récits, cependant les détails de ce pan de l’histoire rétaise sont parfois oubliés ou confus.

Depuis une dizaine de jours une nouvelle exposition permanente est proposée par le musée Ernest Cognacq de Saint-Martin de Ré, nous éclaire sur cette époque. Un nouvel espace lui est entièrement consacré, elle restera en place durablement.

Je vous engage à aller à la découvrir : elle est non seulement captivante, mais formidablement mise en scène. P1300798

D’emblée un court film d’Actualités de Gaumont, daté du 13 septembre 1935, montre le départ des forçats. A l’époque le public pouvait être informé des événements en France et dans le monde en allant au cinéma. Le document d’archives est poignant lorsqu’on découvre ces hommes embarqués sur le bateau, qui répondait au nom de Le Martinière.

Il y a aussi des témoignages écrits au pénitencier de Saint-Martin avant le départ, des explications sur la vie quotidienne des détenus à l’île de Ré, habillés de bure et munis de gamelles pour leur pitance.

Plus loin dans l’expo sont expliquées les différentes catégories des futurs bagnards. Tout cela me serre le coeur. Ces hommes n’étaient certes pas des enfants de choeur. Nombreux étaient des récidivistes de délits mineurs, on les dénommait les relégués. D’autres étaient des condamnés de Cour d’Assises, on les appelait les transportés. Se trouvaient là également des déportés politiques, suite aux événements de la Commune. J’ai été très surprise en découvrant que 2000 femmes étaient parties au bagne entre 1886 et 1907, et quel fut leur terrible sort en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie.

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Dans une autre salle est décrite la vie même au bagne. Des documents particulièrement émouvants.

De grands portraits ont été tirés à partir de petites photos : les futurs bagnards ne vous quittent pas des yeux, ils vous suivent, leur présence est appuyée. Avec leur baluchon sur l’épaule et leur sourire en coin, je leur adresse un petit signe pour leur dire au revoir…, ils partent pour un voyage sans retour.

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La magnifique scénographie est signée de Laurent Martin, permanent du Musée de Saint-Martin. Il a déjà conçu, entre autres, l’ exposition Terres en Vue et celle consacrée au peintre rétais d’adoption Raphaël Drouart. Il a été épaulé par Pier Boissinot pour le montage.

Musée Ernest Cognacq - Parcours consacré au bagneLe bagne est symbolisé au travers des marqueteries des colonnes, elles rappellent les couleurs des costumes des bagnards. Au plafond, des grilles sont la représentation fidèle de celles existantes dans l’île de Saint-Joseph au large de la Guyane, là où se trouvaient les cachots à ciel ouvert, destinés aux incorrigibles punis à nouveau sur place, parfois pour des délits qui aujourd’hui nous paraissent absurdes.

Julia Dumoulin-Rulié, directrice du musée Ernest Cognacq, et Christelle Rivalland, régisseur des collections, ont assuré le commissariat scientifique de l’expo. Les explications qu’elles ont écrites pour les panneaux sont claires et faciles à lire.

Le parcours permanent a pu être monté grâce à des fonds exceptionnels d’objets ou d’archives que possédait déjà le musée. Certains avaient déjà été exposés de façon temporaire, telles les photos du bagne prises en Guyane dans les années 50 par Dominique Darbois, après la fermeture définitive du bagne. Ce sont aussi des objets dits de la débrouille, vendus ou offerts par les condamnés, de véritables trésors faits mains, bien modestes pourtant mais si délicats : pagne, calebasses et rostres de poissons décorés. Le carnet de bagnard de Joseph Marteau est également à découvrir dans une version numérisée. Et aussi de précieux document offerts au musée par Danielle Donet-Vincent, historienne du bagne : ceux d’Albert Ubaud fonctionnaire de l’Administration Pénitentiaire, affecté en Guyane. Sur place, il a pris quantités de notes et de photos qui ont permis de retracer l’histoire quotidienne du bagne.

Cette exposition est riche, passionnante, vivante, et surtout terriblement humaine.

Je ne vous en raconte pas plus. L’équipe du musée présente cette exposition comme un parcours en prolongement de celui de « Ré Facette d’une île ». Pour voir ces deux expos permanentes, il en coûte 4 € et 2,50 € pour les enfants. Les jeunes, d’une dizaine d’années, qui l’ont déjà découverte, se sont dits très intéressés.

En vidéo, voici quelques images en souvenir du vernissage de ce nouveau parcours du musée Ernest Cognacq.

Le bagne est bien partie intégrante de l’histoire de l’île de Ré. Rappelons que Saint-Martin de Ré est jumelée avec Saint-Laurent du Maroni, en Guyane.

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Si vous voulez en savoir plus et compléter vos connaissances, plongez-vous dans le Cahier de la Mémoire, n° 32, paru en été 1988 et dans le hors série de l’Histoire auquel a collaboré l’équipe du musée. Les deux publications sont en vente au musée même.

En outre, à l’occasion de la Nuit des Musées, deux événements, gratuits, vont prendre place le samedi 16 mai :

– A 19 heures Jean-Lucien Sanchez donnera une conférence. Historien du bagne, il a écrit une thèse sur la Relégation en Guyane. Il nous fera traverser le temps et partir à 8 000 kms de l’île de Ré.

– A 21h 30, Christelle Rivalland proposera une visite littéraire en extérieur, intitulée L’allée des soupirs, sur la route des bagnes. Il s’agira d’une lecture de textes de bagnards et de journalistes, depuis la détention à Saint Martin jusqu’au moment du départ sur le bateau.

 

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