A la moindre occasion, les Rétais se sont toujours exprimés en chansons. Preuve en est le livre-CD qui vient de paraître à l’initiative du CRICRI (Comité pour le Recueil et l’Inventaire des Chansons Rétaises Introuvables).
La mise au point de l’ouvrage a été longue. Lorsque on le feuillette on comprend pourquoi…
Le groupe de volontaires, membres du CRICRI, s’est réuni de nombreuses fois, depuis février 2009. Il a d’abord fallu rassembler des archives : « Chacun part en quête dans sa mémoire, dans les vieux carnets de chants dormant au fond des tiroirs, dans les anciens almanachs de marées, dans la presse rétaise… Et on amasse les chansons anciennes, mais aussi récentes, les monologues, les contes et les poèmes, qu’ils soient en patois ou en français… » écrit Michel Fruchard, animateur du CRICRI, dans l’avant-propos de l’ouvrage.
La récolte a été abondante. Répertorier les textes, les analyser, les décortiquer, les transcrire, les commenter, retrouver les musiques = un boulot de patience, d’une poignée de passionnés de mémoire orale de l’île de Ré.
Puis 22 chansons ont été enregistrées, elles sont en patois, mais toutefois faciles à comprendre, d’autant que les textes figurent dans le livre avec leur traduction en français. L’enregistrement est simple, les voix sont claires, elles ne bénéficient d’aucun soutien d’instruments de musique.
Il y a là avant tout la volonté de partager, et de faire en sorte que ce patois demeure un élément patrimonial, car peu à peu il se perd de la mémoire collective.
« Ces chansons nous apprennent beaucoup sur ce que fut la société rétaise au tournant du XXe siècle, la plupart nous viennent de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Car un des premiers enseignements de notre collectage est que la mémoire des chansons populaires rétaises n’a guère excédé un siècle et demi. Il faudra que nous tâchions de comprendre pourquoi. Mais que nous apprennent donc ces chansons ? : L’île de Ré a construit son unité à mesure que sa langue se dissout, les chansons sont ancrées dans la réalité topographique et humaine de l’île de Ré, et les Rétais sont prompts à la dérision » est-il développé à la fin du livre.
Bien plus de 22 chansons sont référencées dans le recueil. Toutes sont replacées dans leur contexte. Il est expliqué qui en est l’auteur, à quoi la chanson fait référence. Elles sont regroupées sous sept chapitres : L’île et ses habitants – Les heurs et malheurs de la vie quotidienne – Les histoires d’amour – L’héritage de Goulebenèze – Savourer, rire boire et chanter – Les traces de l’ancien temps – Comptines, refrains et chansons de Mardi-Gras.
Les renvois de bas de page sont souvent savoureux, de quoi se régaler sur les us et coutumes rétaises d’autrefois. Les partitions de musique sont aussi restituées. Et chaque chanson est illustrée d’un dessin, volontiers caricatural, de Michel Fruchard, qui les signe sous le pseudo La Fruche.
Qu’est-o qu’te m’chantes a été officiellement présenté dans les jardins du musée à Saint-Martin, le 27 juillet, le CRICRI étant une branche de l’AAMEC (Association des Amis du Musée Ernest Cognacq), présidée par Nanou de Bournonville.
En vidéo, voici un avant-goût, en live, de ce qui vous attend lorsque vous découvrirez le livre. Pudeur, dérision, oreilles sensibles s’abstenir, il y a de quoi être surpris… Mais étonnamment, ces chansons vous trottent dans la tête lorsque vous les entendez : « Rien qu’à la coupe de son chapiâ, on vouèt bien que c’est un Rétas », ou bien « Célina, Célina, c’est coumm’ça que j’ t’aime, j’t’aimerais quand même on dira c’qu’on voudra ».
Les refrains se fredonnent allègrement en coeur… C’est sans doute là que se situe le succès des chansons populaires, qui durent et durent encore.
Sept ans se sont donc écoulés entre les balbutiements du projet et la réalisation finale. Deux membres du CRICRI sont décédés, d’autres ne sont pas en grande forme ces temps-ci… Nous leur devons un grand merci pour leur active contribution à la préservation du patrimoine oral local. Et saluons leur formidable travail, fort plaisant à l’oreille, au demeurant.
Le livre coûte 24 €, il est édité par les Nouvelles Editions Bordessoules. On le trouve dans les librairies-presse de l’île de Ré, dans la grande distribution, et à la boutique du Musée Ernest Cognacq.
Michel Fruchard sera présent à l’île aux Livres, le salon du livre au Bois-Plage, vendredi 5, samedi 6 et dimanche 7 août.
Deux séances de dédicaces sont aussi programmées : au tabac-presse de Saint-Clément, le matin du jeudi 11 août, et à la bibliothèque des Portes, samedi 13 août.
Par ailleurs, je ne peux que vous encourager à assister à la soirée des Conteurs Rétais. Elle aura lieu vendredi 14 octobre, au gymnase de Saint-Martin. Le thème de cette année : Notes d’humour en Ré. Inlassablement, ceux qui ont contribué au livre-CD seront sur scène pour dispenser, à tout un chacun, la mémoire orale rétaise.
La soirée est en quelque sorte la vitrine du COREPOR, Collectif pour le Recueil du Patrimoine Oral Rétais. Les témoignages de ceux qui ont connu l’île avant qu’elle ne connaisse l’arrivée massive des touristes sont soigneusement enregistrés par les bénévoles. Toute cette mémoire vivante est conservée au musée Ernest Cognacq. Elle est mise à disposition des chercheurs, des familles et des communes.