Dans la nuit du samedi 3 octobre, la tempête Alex a mis à mal une digue patrimoniale d’Ars-en-Ré. Située entre le Pas du Jars et le Pas de Beauregard, elle est exposée plein Ouest, elle date de la fin du XIXe siècle. Nous la savions fragile, mais jusqu’à présent elle avait résisté.
Oh ! Gros bobos, elle est vraiment entamée… Comment cela a t-il pu arriver ? La sécheresse de l’été ? La digue a t-elle été frappée par un gros bout de bois venu par la mer ? Un creusement de l’eau qui s’infiltre en pied de la digue ? Nous ne le saurons jamais.
Outre qu’il est nécessaire de boucher le trou rapidement, cet incident permet de découvrir comment il y a 150 ans les Rétais édifiaient leurs digues. L’intérieur ainsi mis à nu, l’anatomie de la digue se révèle.
La bande noire qui court tout du long, c’est une couche de bri, d’argile, un matériau issu des marais qui assure l’étanchéité. Il est encore utilisé actuellement pour la reconfiguration de portions de digues et des merlons dans le cadre de la défense des côtes.
Cette digue a été construite sur un talus. Elle est constituée de deux rangées de pierres taillées, superposées. Ce qui explique sans doute sa robustesse depuis tant d’années.
A l’intérieur, du sable, des cailloux et et de la terre.
On dirait des rangées de dents, savamment et magnifiquement alignées. On ne peut que rester bouche bée devant un tel assemblage.
Aujourd’hui ce n’est plus ainsi que les digues sont reconstruites. On utilise le béton, entre autres. Certains esprits chagrins s’en désoleront. Mais quand il faut agir dans l’urgence, le béton s’impose, comme cela vient d’être le cas à Ars.
Depuis Xynthia, la chaîne d’alerte a été renforcée, fort opportunément. La brèche ouverte dans la nuit du samedi au dimanche 4 octobre a été très rapidement prise en considération.
La digue de Beauregard n’a pas de parapet. Pas d’habitations aux abords et à l’arrière des champs cultivés.
Cette nuit là nous étions en alerte orange météo. Samedi 3 octobre la ronde de veille menée par l’équipe de la Communauté de Communes ne détecte pas de problème particulier.
Dimanche matin 4 octobre, un joggeur prévient la gendarmerie de Saint-Martin de Ré qu’une portion de digue a cédé. Laquelle contacte immédiatement Etienne Caillaud, 1er adjoint de la mairie d’Ars chargé par ailleurs des Affaires littorales, dont s’était le tour d’astreinte ce week-end-là. Branle bas de combat. Arrivé sur place, il appelle immédiatement la Communauté de Communes. Hung Do Cao, directeur du pôle Aménagement du territoire, et Hervé Rault en charge des ouvrages hydrauliques, le rejoignent vingt minutes plus tard. Les dégâts sont importants !
Vite il faut trouver du matériel, avant que la marée ne soit pleine. Vite colmater provisoirement et empêcher que la brèche ne s’ouvre plus. Bastien Cousin, employé technique municipal se charge d’acheminer un camion sur le site. Averti, Bruno Guerry, agent des services techniques, interrompt ses congés et arrive avec une mini pelle, bien pratique pour remplir les grands sacs blancs à fermeture, des bigs bags comme on les appelle, donnés par la Coopérative de Sel. Première étape de la mission de la mini-équipe accomplie vers 15 heures ! Les sacs, remplis de pierres trouvées sur l’estran, sont posés au fond du trou.
Mais cela ne suffit pas. Lorsque la mer va remonter, les vagues vont encore plus creuser la digue. En raison de la basse pression la surcote prévisionnelle de marée est de 60.
En fin de journée, une nouvelle corvée de pierres est décidée. Des bénévoles, élus et Casserons, sont mis à contribution. A marée basse vers 21 heures, munis de lampes frontales, une quinzaine d’hommes et de femmes s’activent pendant plus de deux heures. Dans la nuit de dimanche soir la tempête souffle un vent de près de 100 km/h et il fait frisquet. Brrr…
Florence Durand, directrice des services de la CDC, vient sur place pour constater les dégâts. Elle découvre le chantier nocturne et la belle solidarité des Casserons face aux aléas de la mer.
L’entreprise Ré-TP, basée à Sainte-Marie de Ré, est immédiatement mandatée pour assurer la réparation. Trois toupies de béton sont commandées pour combler le trou, cela représente 100 m3 de matériau.
Mardi matin, 6 octobre, des mini-pelles récupèrent sur l’estran de vieux débris de caparaçonnage de digues, issus d’autres anciens colmatages. Ces morceaux compléteront le béton qui sera coulé.
Mardi après-midi, le chantier est déjà bien avancé.
Et pourtant, à cet endroit, les toupies de béton ne peuvent accéder jusqu’à la brèche. Le chemin de digue est très étroit. L’équipe de Ré TP doit acheminer le béton à l’aide de petits godets et faire des allers et retours incessants. Quel boulot !
Jeudi 8 en fin de journée, le chantier est terminé. C’est vrai que le béton peut paraître disgracieux, elle est tellement belle cette digue patrimoniale.
Etienne Caillaud, 1er adjoint d’Ars-en-Ré, remercie vivement tous ceux qui se sont penchés activement et très rapidement au chevet de cette digue, et tous ceux qui ont remonté les manches : « Une belle preuve de solidarité et d’implication ».
Le rapetassage devrait être efficace en vue de la prochaine grande marée qui débute vendredi 16 octobre.
A t-on une idée du coût de cette intervention ? Pas encore. Ce sont le Département et la Communauté de Communes qui se répartissent à part égale ces travaux d’urgence.
Ce colmatage me rappelle celui déjà opéré sur une digue patrimoniale d’Ars, celle de la loge du Guet, en décembre 2015. Il a tenu. En attendant que ces digues puissent un jour être reconstruites…
Même la balise rouge américaine échouée au printemps 2014, toujours présente au loin, a semble t-il bougé sous l’effet de la tempête !
C’est bien vrai que nos ancêtres savaient fichtrement bien travailler.
« Rester bouche bée », c’est rester la bouche grande ouverte et montrer toutes ses dents : voilà qui illustre l’idée que le trou est universel tant on lui trouve de résonances, conscientes ou inconscientes, notamment chez l’humain.
Cette interprétation du thème du trou, probablement due à des affouillements dont Dame Nature a le secret, n’est-elle pas digne du 9ème Festival d’arts actuels qui se tiendra en principe dès demain à Saint-Martin-de-Ré et dans les jardins du Phare des Baleines et dont le thème est précisément : « Le Trou » ?!…
Bravo et merci pour votre blog, si bien documenté.
Merci Maryline pour ce brillant reportage. C’est toujours un grand plaisir pour moi de recevoir tes chroniques. Bien amicalement
Ah Monique, merci beaucoup ! Amitiés maryline
Coucou Maryline et encore merci pour cet excellent article ! Nous qui n’étions pas dans l’ile à ce moment là sommes quand même tenus au courant de ce qui se passe sur cette digue que nous empruntons si régulièrement ! Et je suis toujours aussi épatée par ta promptitude à être si vite sur tous les fronts avec de très belles photos !
Bises et à très bientôt .Mariannick
Je constate avec bonheur que tu sais maintenant comment faire des commentaires ! amitiés