Depuis plus d’une année, vous avez sans doute entendu dire que l’île de Ré est en train d’élaborer un PLUi, Plan Local d’Urbanisme Intercommunal.
Encore peu de territoires français planchent sur un tel sujet. Toutefois l’Etat encourage la démarche. Le PLUi est un élément de prospective de la collectivité, à l’horizon 10-15 ans.
Pour les profanes que nous sommes, comprendre ce qu’est un PLUi n’est pas toujours facile à assimiler. Même si pas mal de Rétais s’y intéressent, et ont déjà participé à des ateliers de travail.
Pourquoi un PLUi pour l’île de Ré ?
Il faut remonter à l’annulation du SCOT (Schéma de Cohérence Territorial). Le 9 juillet 2015, le Tribunal Administratif de Poitiers l’a retoqué sur la forme, mais pas sur le fond, à la suite de recours formulés par diverses associations rétaises et quelques personnes à titre individuel. Le SCOT définissait le cadre général pour l’île, et chacune des dix communes établissait son propre POS (Plan d’Occupation des Sols).
Le PLUi définit également un cadre, mais il se fait à l’échelon d’un territoire constitué. Avec un but commun : la cohérence. Cela signifie que des choix communs seront faits, et que vraisemblablement des arbitrages seront nécessaires, sur lesquels les élus communautaires seront amenés à voter.
En septembre 2015, le Conseil communautaire a validé, à l’unanimité, le transfert de compétences des communes rétaises en matière de planification. Et en décembre 2015 le Conseil communautaire a décidé la prescription d’un PLUi.
Même si le SCOT a été annulé, bon nombre d’éléments peuvent être repris dans le PLUi. Tout l’immense travail réalisé durant trois années n’a fort heureusement pas été jeté à la poubelle ! Des parties entières du SCOT constituent un début de socle. Cependant, bien d’autres éléments doivent être intégrés pour élaborer le PLUi.
L’Etat fixe le décor. Les services de la Préfecture de Charente-Maritime ont bâti un document : Porter à Connaissance de l’Etat. Il y en a trois tomes et une annexe. Les objectifs poursuivis dans le cadre de l’élaboration du PLUi sont notamment indiqués : doter l’île de Ré d’un document de planification conforme aux lois Grenelle et Alur, et répondre aux enjeux d’un aménagement de développement durable.
Ces quatre documents figurent sur le site internet de la Communauté de Communes, à la rubrique Publications.
Lorsque vous aurez lu l’ensemble de ces écrits vous saurez tout tout tout sur ce qu’est un PLUi. Très intéressant de s’y plonger. Même si vous ne lisez pas les 270 pages, cela donne déjà une idée de ce qu’attend l’Etat de la démarche, le contenu obligatoire, et le rappel de la législation.
La 4ème partie, Annexes, contient des informations sur chacune des dix communes de l’île de Ré, qui permettent de réviser nos connaissances à propos de notre petit territoire de 85 km2.
Tout est juridiquement parfaitement cadré. A ce stade, on ne peut qu’imaginer la somme de travail, de débats et d’énergie déjà effectués, et à venir, pour que ce PLUi voit le jour…
L’élaboration d’un PLUi est complexe. Les étapes du calendrier sont fixées par le législateur. Les procédures, bien précises, doivent être scrupuleusement suivies. Notamment les phases, leur contenu et les objectifs des différentes étapes.
Toutefois, ce n’est pas avant 2019 qu’il pourra être approuvé.
Un diagnostic a été formulé par la Communauté de Communes. Le document comporte 324 pages, son contenu est très détaillé et fort instructif. C’est une sorte d’état des lieux de l’île de Ré. En dehors du fait que c’est un document d’élaboration du PLUi, il est une mine d’informations pour quiconque s’intéresse un tant soit peu à l’île de Ré.
Le diagnostic est en ligne sur le site de la CDC, à la rubrique Publications. Chacun peut y apporter des observations et des contributions, car il peut être mis à jour de manière continue, tout au long et jusqu’à la fin de la procédure.
En juillet 2016, le volet sur la biodiversité a notamment été présenté lors de réunions d’information.
Après le diagnostic, l’étape suivante est le PADD : Projet d’Aménagement et de Développement Durable. Il définit les orientations stratégiques, les besoins en équipements, la mixité de l’habitat, la protection des espaces naturels, les déplacements, les activités économiques, et encore bien d’autres sujets. C’est un document d’objectifs pour dessiner le futur de l’île de Ré, il est élaboré par la CDC.
Il comporte trois phases.
En octobre 2016 des ateliers de travail ont été proposés aux élus municipaux et aux représentants des associations rétaises.
Six grands sujets : Vie à l’année, logement, équipements – Tourisme, économie – Agriculture, environnement – Transport, déplacements – Patrimoine, paysage – Littoral.
Chaque atelier a réuni une cinquantaine de participants. Au total 290 personnes sont venues. Pour chaque thème, des orientations ont été proposées afin de contribuer au projet de PADD.
Début décembre, la restitution des ateliers a été présentée. Depuis, de nouvelles contributions ont été intégrées dans le document. Il figure également sur le site de la CDC.
Il comporte 71 pages. Cela vaut le coup de le lire attentivement. Des idées ont été émises, certaines novatrices.
Ensuite les services de la CDC ont rédigé un projet de PADD, tenant compte des éléments précédents. La restitution a été faite tout ce mois de février, au cours de diverses réunions : comités technique et de pilotage, conférence des maires élargie aux 177 conseillers municipaux et directeurs généraux des Services des communes, représentants des associations agréées, et Personnes publiques et associées en l’occurence les services de l’Etat et le Préfet.
Mercredi 15 février, à Saint-Martin, le public est convié à s’exprimer. La salle est archi comble, preuve que le PLUi est bien d’actualité et que beaucoup s’interrogent. C’est le moment où jamais la population peut faire des remarques quant aux orientations générales pour l’île de Ré.
Trois grands thèmes sont abordés : Conforter la vie à l’année et répondre aux besoins des habitants actuels et futurs. Etablir un équilibre entre développement et protection de l’environnement. Préserver l’identité rétaise et les patrimoines, naturel, paysager et architectural. 94 objectifs et 17 orientations sont présentés.
Mais bien évidemment tout cela doit être conforme à la législation en vigueur.
J’ai retenu un objectif essentiel fixé par le PADD : atteindre 20 000 habitants à l’année. C’est-à-dire + 2000 habitants par rapport à ce que nous sommes aujourd’hui. Est-ce une gageure ?. “ C’est un chiffre stratégique en terme d’administration et d’existence de territoire. Actuellement nous bénéficions d’une exception insulaire ” a expliqué Lionel Quillet, président de la CDC.
En tout cas, de cette volonté découlent bon nombre d’autres paramètres. Notamment l’articulation vie permanente-vie secondaire, l’équilibre de la pyramide des âges, l’offre de locations saisonnières, les logements sociaux, l’accession à la propriété pour les jeunes, le rééquilibrage du nord et du sud de l’île, la vie économique, les zones artisanales, les activités primaires, le maintien des écoles, l’organisation du tourisme, la densification limitée des zones urbanisables.
“ Les affres de île de Ré, c’est qu’on ne peut pas se loger, et bien souvent les loyers sont prohibitifs. Cela impacte directement la vie économique. 1/3 des salariés de l’île de Ré viennent du continent. Le logement est la base de tout ” a déploré Lionel Quillet.
A la clé, de futures mesures devraient être prises pour atteindre ce chiffre de 20 000 habitants permanents.
Début mars les conseils municipaux de chaque commune doivent débattre une ultime fois du PADD. Ainsi le veut la procédure. Un PADD corrigé sortira le 14 mars. Il sera ensuite débattu et entériné au cours du conseil communautaire du 23 mars.
Tout ce qui figure dans le PADD doit se traduire en règlements. Ce sera alors une phase où nous allons vraiment rentrer dans le concret, le précis. Même si le cadre général reste le même, 80 % du territoire rétais reste en espaces naturels et 20 % en espaces urbanisés et urbanisables, les règlements pourront être différents selon les personnalités et spécificités de chaque village. La mise en place des règlements ne sera une phase facile. Elle est directement liée à l’établissement, en amont, du PPRN (Plan de Prévention des Risques Naturels)
Cette révision du PPRN, qui prend en compte la submersion marine et le risque feux, nous en entendons parler depuis plus de quatre ans. Les élus de l’île et la population rétaise ont plusieurs fois manifesté leur mécontentement.
L’Etat a de nouveau transmis des cartes de zonage à chacune des dix communes. Les dix maires sont en actuellement en négociation, chacun séparément, avec les services de la Préfecture de Charente-Maritime. Au final, ce sont bien les maires qui délivrent les permis de construire.
Alors que le PLUi est un document réalisé par la collectivité, le PPRN est une servitude d’Etat, réalisée par l’Etat et appliquée aux communes.
Le Préfet, Eric Jalon vient à l’île de Ré le 6 mars au Bois, et le 8 mars à Ars. Il expliquera les cartes de zonages et les règlements de construction qui devraient s’appliquer.
Les débats risquent encore d’être légion, car la fameuse circulaire ministérielle du 27 juillet 2011 n’a pas varié d’un iota. Elle maximise le risque, en prenant en compte l’événement Xynthia + 60.
Le PPRN s’imposera au PLUi à partir du moment où il aura été validé par l’Etat, après enquête publique. Lors des voeux de la CDC, formulés le 13 janvier, le préfet a dit souhaité que l’enquête publique ait lieu au cours de l’été prochain.
“ Il nous faut l’un et l’autre. Mais pas de PLUi sans PPRN, et pas de PPRN sans PLUi non plus. Les deux sont intimement liés” a souligné Lionel Quillet, le 13 janvier.
“ On ne peut pas prévoir l’équilibre du territoire si certaines communes n’ont plus d’espoir de pouvoir développer leur économie permanente. Avec 60 millions de travaux livrés, réalisés, et en cours de réalisation pour la défense du territoire dans le cadre du PAPI, nous considérons que les risques concernant la sécurité sont mieux garantis qu’avant Xynthia. Le débat est en cours. OK pour être pro-actifs face aux risques naturels et la sécurité, mais pas pour la vitrification ”.
Le dossier est loin d’être clôturé… Et avec ce PLUi et ce PPRN nous sommes tous concernés de près ou de loin.