Mon clocher noir et blanc est emblématique de l’île de Ré. Je suis bien campée sur ma base, mais le temps a marqué mes pierres, l’eau s’est infiltrée dans mes murs, et a abîmé mon intérieur.
Je suis un monument classé : ma partie la plus ancienne a été construite au 11e siècle, il y a 950 ans.
Je suis l’église Saint-Etienne d’Ars, en rénovation pour quatre ans. Mes travaux ont débuté le 2 novembre 2016.
En 2005, l’intérieur du clocher a été consolidé, les vieilles pierres ont été restaurées, avant qu’il ne soit repeint. Les Casserons se souviennent bien des échafaudages qui montaient jusqu’au coq !
En 2008, la toiture a été entièrement refaite. C’étaient déjà des travaux conséquents.
En mars 2013, de nouveau il a fallu badigeonner le clocher. La peinture précédemment utilisée ne tenait pas correctement.
Mais cela ne suffisait pas, l’église avait grand besoin de se faire une nouvelle jeunesse. A l’intérieur, les murs suintaient, du haut jusqu’à leur base. Derrière l’autel, la lumière extérieure passait au travers des murs jointoyés. Les vitraux étaient abîmés, certains près de tomber.
Le dossier des travaux à exécuter est bien épais…
Il y a cinq ans l’équipe municipale a engagé une réflexion au sujet de cette restauration, à la charge de la commune. La loi de 1905, de séparation des églises et de l’Etat, précise : « L’État, les départements, les communes pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi ».
Une étude préalable a été menée par l’Architecte en chef des monuments historiques.
L’argent étant le nerf de la guerre, l’équipe municipale a dû trouver des subventions. Le coût total des travaux s’élève à 1.143 000 € HT. La DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) en finance 35 %, et le Conseil départemental 20 %. La part communale devrait être de 590 000 €. Elle est financée sur fonds propres, sans emprunt, et étalée sur quatre ans, à raison de 150 000 € par an.
La commune d’Ars est maître d’ouvrage. Mais l’Architecte du patrimoine suit obligatoirement les travaux.
Ils présentent plusieurs phases. Priorité a été donnée aux travaux extérieurs, qui commençaient à devenir urgents.
Suite aux appels d’offres, deux entreprises agréées, ont été retenues. Elles ont débuté le travail de façon concomittante.
Pour la partie bâtiment proprement dite, c’est une entreprise de Dordogne, Les Compagnons Réunis, qui gère les travaux. Elle connaît bien l’édifice, car elle est déjà intervenue lorsque le clocher s’est refait une beauté en 2005. Nous allons les voir sur le chantier, tout au long de ces longs mois.
Et pour la partie étanchéité, l’entreprise Gautier, située à Aytré, a été retenue.
L’église n’était pas équipée de chenaux. De belles gouttières, en cuivre, ont été installées. Désormais, l’eau repartira dans le pluvial de la place.
Si vous avez l’occasion de passer dans le coin, allez voir du côté des chapelles combien c’est magnifique et élégant !
La pluie sort par les gargouilles, mais l’eau s’infiltrait aussi dans les pierres. Au fond des gargouilles, l’étanchéité a été intégralement créée.
Ces derniers mois, nous avons pu voir l’église mise à nu. Le vieux ciment a été retiré.
Profitons-en, nous ne la reverrons plus comme cela… Dommage qu’elle ne puisse rester ainsi, avec ses pierres apparentes. C’est très beau. Mais elles sont tellement anciennes et fragiles, qu’il convient de les protéger.
Les vieux jointoiements ont été retirés, certaines pierres gélivées ont été remplacées. Il faut boucher des trous, reconstituer des accrocs de pierres, colmater des fissures. Les professionnels sur le chantier ont l’habitude de repérer les imperfections. La profane que je suis ne les voit pas immédiatement, mais eux oui !
C’est un travail de minutie, quasi comparable à la confection de dentelle.
Pour laisser respirer la pierre, des produits hydrofuges sont utilisés. Un dégrossi, une sorte de sous-couche d’enduit, est appliqué, avant que les murs ne soient chaulés.
Ensuite l’édifice sera crépi à la chaux. Plusieurs essais de teintes ont été réalisés. Celui-ci a été choisi, ton pierre :
L’escalier d’accès au clocher était aussi bien malade. Il a fallu le rendre étanche, afin que la pluie ne s’y infiltre plus. Il sera recouvert d’une carapace de plomb. Et les marches seront rejointées. Il sera d’autant plus sécurisé, pour les nombreux visiteurs qui montent au clocher.
Ces derniers jours, les Compagnons Réunis se sont attelés à la taille d’un linteau en calcaire. Ce linteau, inexistant jusqu’à lors, sera posé au-dessus de la petite porte, située derrière la sacristie.
Je n’avais jusqu’à présent jamais remarqué cette porte, qui donne sur une courette intérieure. Comme quoi, les travaux de l’église donnent matière à la découvrir, encore et encore.
Si vous voyez des morceaux de tuyau rouge qui débordent à l’arrière de l’édifice, ce n’est pas pour rien. Ils vont servir à injecter un coulis, un mélange chaux + eau, là où il y avait des trous et des fissures, de façon à améliorer la consolidation des murs.
A la fin de ce mois, les archéologues vont rentrer dans le bal. En effet, pour ce genre de travaux une recherche obligatoire doit être menée, à la base de l’édifice, avant que ne débutent les travaux de drainage. Rappelons que jadis un cimetière existait là.
Ces travaux extérieurs s’arrêteront en mai jusqu’à la fin de la période estivale. La phase suivante débutera en septembre. Elle concerne, entre autres, le drainage extérieur, les vitraux de l’église et une partie de l’intérieur du bâtiment.
Oh oui, même si elle est encore bien belle, en la regardant de près, et en levant un peu la tête lorsqu’on est dedans, on s’aperçoit qu’elle en a bien besoin, notre vieille église ! Les peintures s’écaillent, il y a des trous un peu partout, des moisissures apparaissent, le sol se désagrège par endroits.
Il y aura aussi à reprendre le chauffage et l’électricité. Mais ça, c’est encore une autre histoire, pour les phases futures.
Un dernier tour de l’église, avant de terminer ce post. J’aurais l’occasion d’en écrire bien d’autres, car les travaux sont partis pour de longs mois.
Il est à noter qu’à une époque, la place de l’église a été surélevée Quand on se trouve à l’intérieur de l’édifice, on est en dessous du niveau de la route actuelle. Le parvis de l’église a été décaissé en 1995.
J’aime me plonger dans le livre de Pierre Goguelin, Les trois églises d’Ars-en-Ré, dès que je me pose des questions. Il a été édité juillet 2003. Il est une mine d’informations précieuses. Il expose comment l’église actuelle est en fait la somme d’églises successives. Ce livre est malheureusement épuisé, mais peut-être aurez-vous la chance de le trouver chez un bouquiniste ou dans une librairie de livres anciens.
A bientôt pour la suite…