Qui aurait pu imaginer il y a un demi-siècle que les aquarelles et les peintures de Tatave soient un jour exposées au musée ? Né en 1922, Octave Patureau, surnommé Tatave, s’en est allé le 30 novembre 1984. Trente ans après sa mort, trente de ses oeuvres présentées au Musée Ernest Cognacq de Saint-Martin de Ré sont un hommage à l’artiste Rétais.
Tous ceux qui ont côtoyé Tatave sont unanimes : l’homme simple qu’il était, était aimé de tous. Un super mec, comme on dirait aujourd’hui !
Son métier a d’abord été celui de marin, puis pêcheur de homards et ensuite moniteur de voile. Il a contribué à la création de la section locale de la SNSM (Société Nationale de Secours en Mer), il a ensuite activement suivi des cours de secourisme de la protection civile et aussi des cours de spécialiste en réanimation et secours routier. A la retraite, il est devenu conseiller municipal d’Ars, chargé du port, avec pour sujets principaux à gérer, les amodiations, la création de la base nautique et l’envasement du Fier d’Ars. Quant il est décédé, il avait 62 ans.
Pendant ses heures de loisirs il peignait. L’hiver il dessinait des cartes de voeux pour faire rentrer des fonds pour la SNSM. « Il ne vendait pas ses oeuvres, mais les donnait volontiers ou il les troquait contre du matériel de dessin difficile à trouver sur l’île. Chacun voulait son Tatave » raconte un panneau au musée.
L’exposition est à l’image du peintre : intime et chaleureuse. » Le Musée de Saint-Martin n’est propriétaire que de huit oeuvres « a expliqué Julia Dumoulin-Rulié directrice du musée lors du vernissage, hier vendredi 5 décembre. Appel a été fait à la famille de Tatave qui a confié la modeste palette de l’artiste, la célèbre casquette du marin, quelques photos personnelles et plusieurs aquarelles, « pour qu’on ne l’oublie pas ». Ce sont d’émouvants témoignages de la vie simple menée par l’homme.
L’AAMEC (Association des Amis du Musée Ernest Cognacq), présidée par Nanou de Bournonville, s’est également impliquée afin de solliciter les détenteurs de tableaux pour qu’ils prêtent aimablement et temporairement leurs oeuvres.
Allez découvrir l’expo, elle est aussi un formidable témoin de ce qu’était l’île de Ré dans les années 1950-1960 : les Cazavants en bois à la Patache, les maisons fleuries, la cale du port d’Ars, l’entrée du village…
Je me suis replongée dans la revue le Tambour d’Ars, publiée en juillet 1985, quelques mois après son décès.
René Brunet relate : « Lorsque le Cercle Nautique ( le CNAR créé en 1952) ) ouvre son école de voile, Tatave en devient le moniteur, alliant avec un rare bonheur la connaissance des enfants et l’enseignement des techniques. J’avais mis une salle de classe à sa disposition et parfois je venais l’écouter : j’appréciais la précision du professeur et l’art du dessinateur qui, d’un coup de craie, charpentait ou gréait un bateau devant ses élèves attentifs. Nous le revoyons à la barre de l’Ariel, évoluant dans le bassin tel un papa canard au milieu de ses canetons ou les emmenant et ramenant en remorque dans la baie pour les familiariser avec la grande navigation… et le pique-nique du Fier. Image attendrissante qui se répéta bien souvent et qui ressurgit à nos yeux, tant il est vrai qu’il resta longtemps la cheville-ouvrière du club ».
Pierre Goguelin, alors président de l’AIA écrit : « Un homme lucide, simple, modeste et bon, un homme toujours prêt à servir, bien dans la tradition des anciens Arsais, et de surcroît, peintre de talent ».
Louis Suire, artiste-peintre, faisait partie de ses admirateurs : « J’aimais beaucoup sa peinture, il était aquarelliste de talent. Sans être allé à aucune école d’Art, sans avoir pris la moindre leçon, il peignait de grandes aquarelles, très harmonieuses, d’après les paysages de son île de Ré, puisque né à Ars, il en connaissait tous les secrets. Il savait à merveille choisir ses sujets, son dessin était parfait et il avait le sens de l’harmonie des couleurs, avec une grande habileté d’exécution. J’ai vu pas mal d’aquarelles de lui, et j’en ai toujours admiré les qualités. C’était de la bonne peinture de peintre. Il peignait pour le plaisir, sans chercher à se faire connaître. Il n’exposait à peu près nulle part et n’était d’ailleurs connu et apprécié qu’à l’île de Ré, et surtout à Ars où il vivait. Il aimait la nature et cherchait seulement à exprimer la beauté des paysages de son île natale. Cher Tatave, vous nous avez donné une belle leçon. Merci ! ».
Pierre Tardy a été son professeur de dessin au lycée Pierre Loti à Rochefort : « Il était un grand garçon sympathique, arrivé quelques années avant la guerre de 1939, avec les camarades de son âge dans ma classe de dessin. Tiens, un Rétais, et de nom Patureau, nous étions même cousins. Quelques mots échangés en matière de bon accueil et pour mieux nous connaître, et il prit sa place, un peu effacé dans la masse des élèves. Mais il s’en distingua assez vite. « Patureau » comme on l’appelait, était doué et travailleur. Ce fut un grand plaisir pour moi de constater qu’à son sens inné du dessin, à son habileté d’exécution, s’ajoutait une rare sensibilité des valeurs et des couleurs qui agrémentait la rigueur des travaux scolaires. Pour les dessins d’imagination ou d’illustration que je proposais, j’avançais souvent le thème de la mer et des bateaux. C’est là que le talent d’Octave donnait toutes ses possibilités. Il aimait peindre, il rêvait de navires et d’océan. Ses dessins figuraient sur les panneaux d’exposition des meilleurs travaux ; élèves et professeurs venaient admirer les « marines » de Patureau. Son auteur avait 14 ou 15 ans ! Cette transparence de la lumière, cette sincérité de l’image, cette sensibilité à la beauté, qui accompagnaient des formes précises et bien construites dans l’harmonie des couleurs, c’étaient les qualités du peintre qui les exprimait. Elles révélaient déjà celles de l’homme qu’il est devenu. C’est un honneur pour moi que d’avoir pu favoriser l’éclosion et le premier développement du talent d’aquarelliste de celui qui est toujours resté mon ami Tatave ».
Tatave reste dans le coeur des Rétais. Lors des Journées du Patrimoine, en septembre dernier, une exposition lui avait rendu hommage à Ars-en-Ré. 400 visiteurs avaient découvert encore d’autres oeuvres prêtées par des particuliers. Tatave était un peintre prolixe et généreux.
Bonjour Marylin, votre première phrase est historiquement incorrecte. « Qui aurait pu imaginer il y a un demi-siècle que les aquarelles et les peintures de Tatave soient un jour exposées au musée « . En effet, une première exposition au même musée a eu lieu en 2001:
Pâques et été 2001 : Tatave pêcheur de lumière: voir sur http://www.saint-martin-de-re.fr/fr/information/73175/les-anciennes-expositions
Bruno Jean-Bart
Bonjour, merci pour cette précieuse information que j’ai totalement « zappée » ! Désolée… C’est formidable que Tatave que j’admire beaucoup soit ainsi honoré.