Alerte rouge submersion, bilan exercice à Loix

La nuit du mercredi 27 au jeudi 28 novembre est noire. Pas de lune, pas de lumière. Au loin le grondement de la mer s’entend fortement. A 4h43 la mer est haute, le coefficient de marée est de 98. Ce soir là pas d’alerte météo réelle, même si la veille le vent a soufflé à 120 km/h au Phare des Baleines !

Cependant le village de Loix est sur le pont. Dans l’après-midi du mercredi, fictivement Météo France a prévu une alerte vents violents sur le littoral, avec risque de submersion. Non, ce n’est pas la réalité. Il s’agit d’un exercice destiné à s’entraîner au risque de submersion, quasiment dix ans après la tempête Xynthia.

Tout comme Loix, quatorze autres communes de Charente-Maritime, ont simulé un événement climatique majeur, tel qu’il pourrait de nouveau survenir. Le risque est toujours présent, même si plusieurs ouvrages de défense des côtes ont été re-construits depuis dix ans.

Loix - Exercice submersion - 27 et 28 novembre 2019

L’exercice est l’occasion de faire une piqûre de rappel collective. Il s’agit de tester l’intégralité de la chaîne d’alerte, à entraîner les services en charge de la gestion d’un événement majeur, et à mettre en oeuvre les procédures de protection de la population.

Déjà avant Xynthia, les communes se sont dotées d’un Plan Communal de Sauvegarde (PCS). Une déclinaison locale du plan ORSEC, en quelque sorte. En cas d’alerte, activée par la Préfecture, il est déclenché par le maire. Le PCS propose aux habitants de s’inscrire gratuitement auprès de sa mairie, afin d’être alerté et informé. Soit via des SMS sur téléphone mobile, soit via des messages vocaux sur téléphone fixe, voire par mail.

Loix - Exercice submersion - 27 et 28 novembre 2019

A Loix, quelques jours avant l’exercice, le maire, Lionel Quillet, a adressé une lettre aux habitants afin de ne pas créer un effet trop fort de surprise, voire de panique.

L’exercice est « grandeur nature » : il doit permettre à chacun de se préparer et d’adopter les bons réflexes.

Mercredi 27, jour J. Dès l’alerte orange déclenchée dans l’après-midi les services techniques de Loix déploient les ouvrages, ferment les accès, vidangent les marais, vérifient le matériel, forcent l’éclairage public pour qu’il reste allumé alors qu’habituellement il est coupé à minuit.

L’équipe monte le batardeau qui ferme le port. Au bout de deux bonnes heures, à trois hommes, c’est terminé. Ce batardeau est installé à chaque alerte orange submersion.

Même si l’on sait que pour la circonstance d’aujourd’hui ce n’est qu’un exercice, l’étonnement est là. Le batardeau impressionne, la vigilance s’impose !

Loix - Batardeau - 27 novembre 2019
27 novembre 2019.

En septembre 2018, il avait été procédé à un essai. Des ajustements complémentaires avaient été nécessaires pour que cette protection soit optimale.

  • Loix - Batardeau - 27 novembre 2019
  • Loix - Batardeau - 27 novembre 2019
  • Loix - Batardeau - 27 novembre 2019
  • Loix - Batardeau - 27 novembre 2019

De même l’accès à la piste cyclable derrière le moulin à marées est fermée.

Loix - Batardeau piste cyclable - 27 novembre 2019
27 novembre 2019.

Le scénario s’appuie sur une montée en puissance de l’événement. Et pour aller encore plus loin, une rupture, fictive, des réseaux électriques et de télécommunications est prévue.

Toute la journée, en mairie, beaucoup d’habitants sont passés pour s’informer sur la teneur de l’exercice et le comportement à tenir. Lien de cause à effet : de nouvelles inscriptions aux alertes ont été enregistrées. On teste aussi les talkie walkie récemment acquis, qui vont permettre de communiquer d’un point à l’autre du village.

Les pompiers d’Ars ne participent pas directement. Néanmoins, huit d’entre eux, autour du commandant Dominique Greiller, se rendent sur place pour apporter un soutien moral.

  • Loix - Exercice submersion -27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion -27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion -27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion -27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion -27 novembre 2019

A la tombée de la nuit, à un moment donné, on peut se demander si c’est « pour du faux » ou « pour du vrai ». Sur la route du Grouin, la mer tape énormément, les vagues passent par dessus en projetant des galets et du sable. Ce n’est pas pour rien que l’endroit est appelé La Cognasse ! L’équipe municipale ferme l’accès à la Pointe, en dehors même de l’exercice. Là, nous sommes dans la vraie vie, ce n’est pas du tout fictif…

  • Loix - Le Grouin - Exercice submersion - 27 novembre 2019
  • Loix - Le Grouin - Exercice submersion - 27 novembre 2019

Les référents de quartier sont un rouage essentiel dans le dispositif du PCS de Loix. Ils sont 42 au total à s’être mis à disposition auprès de la mairie, lorsqu’il a été fait appel à un tel bénévolat. Leur nombre paraît important, rapporté à la population du village de 732 habitants.

La nuit de l’exercice, ils sont 30 sont sur le terrain.

Leur motivation est pour le moins évidente : « Parce que j’ai vécu la tempête Xynthia de près ». « Pour m’investir dans la commune ». « Je participe ainsi à l’action du village, et on est tous solidaires dans ces moments là ». « Je suis sauveteur et j’habite à Loix ». « C’est normal ! ».

Loix - Référents de quartier - 27 novembre 2019
27 novembre 2019;

Ils agissent en complémentarité des alertes lancées.

Si Orange, ils vont de maison en maison, vérifient que tout est OK, que les poubelles sont bien rentrées, que tout est mis à l’abri. Si Rouge, ils s’assurent que tout le monde est bien au courant qu’il y a une alerte.

A posteriori, l’exercice a prouvé que leur mission est d’importance pour cette commune.

  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019

A 22 heures, l’alerte rouge, fictive, est déclenchée par les services de la Préfecture. A 5 heures du matin, des surverses, des franchissements des ouvrages, sont prévus aux Herbiers, à la Pierre Blanche, à la Pointe Blanche, au Clénandré, aux digues du Préau, au Grouin, au Pas Malheureux, aux Gaudins et à La Vette. La surcote prévue pourrait être de 1,30 mètres.

Loix - Exercice submersion - Lionel Quillet - 27 novembre 2019

Au téléphone avec la Préfecture, le maire Lionel Quillet, doit prendre une décision : évacuer au non la population. « C’est une responsabilité à prendre. Si nous le faisons, et que, par exemple une personne prend une tuile sur la tête lorsqu’elle sort de chez elle en raison du vent ? Cette décision n’est pas facile, plusieurs heures avant la pleine mer » se questionne t-il.

Au préalable, il faut donc évaluer le risque. La hauteur de la surverse est, entre autres, à prendre en compte. Les services techniques de la Communauté de Communes disposent du logiciel de modélisation « Survey », qui permet de calculer la hauteur d’eau prévisionnelle. Le maire de Loix sera en contact avec eux, tout au long de la nuit.

Décision est prise d’évacuer le quartier Ouest de Loix : de l’Oiselière aux Sailloux, jusqu’à la rue de la Colonie. Le point de ralliement est le celui le plus haut du village : le complexe sportif, au village artisanal.

Loix - Complexe sportif - 27 novembre 2019

Dès l’ordre d’évacuation, la police municipale part faire sonner les cloches de l’église.

  • Loix - Eglise - Exercice submersion - 27 novembre 2019
  • Loix - Eglise - Police municipale - Exercice submersion - 27 novembre 2019

A les entendre tinter à la volée, en pleine nuit, un p’tit moment de doute vous saisit… même si l’on sait que ce n’est qu’un exercice.

Les référents de quartier vont de maison en maison. Une quarantaine d’habitants de Loix jouent le jeu. Ils se dirigent vers le village artisanal, à pied, à vélo ou en voiture. Un monsieur, à mobilité réduite, accompagné de son épouse fait d’ailleurs partie de ceux qui testent le dispositif.

  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Référents quartiers - 27 novembre 2019

La police municipale quadrille le périmètre d’évacuation, en lançant au micro : « Exercice alerte rouge, submersion, exercice alerte rouge, évacuation ».

Loix - Exercice submersion - 27 novembre 2019

A Loix, même si l’objectif prioritaire consiste à porter secours à la population, les chevaux du Haras du Passage font partie de la manoeuvre. Manu Bigarnet les emmène au point de ralliement, avec son van.

Loix - Manu Bigarnet - Exercice submersion - 27 novembre 2019

« Anticiper, c’est déjà se protéger ». C’était le thème retenu par les services de l’Etat pour la campagne d’information. Façon d’enfoncer le clou dans les esprits.

Effectivement, pour l’avoir constaté sur le terrain, certains ne comprennent pas toujours pourquoi il faut évacuer très tôt. En l’occurence, ce soir-là dès 23 heures, alors que la submersion est prévue cinq ou six heures plus tard.

Là, nous sommes en plein hiver, les résidents permanents sont peu nombreux. Mais imaginons qu’un événement climatique majeur arrive en plein été, ce qui est déjà arrivé dans le passé, ah oui, l’anticipation est préférable que ce soit pour la population, ou bien pour ceux qui sont chargés de nous protéger, afin qu’ils s’organisent en conséquence. Ceux qui ont vécu la tempête Xynthia de près, en savent quelque chose. Pour les autres, le message de grande anticipation semble plus difficile à intégrer.

Une fois l’exercice terminé auprès de la population, ce n’est pas pour autant qu’il s’est arrêté là. Il a duré toute la nuit. D’autres événements, destinés aux services communaux, ont été simulés : une inondation par la Cognasse, le toit de la mairie s’envole, plusieurs chutes d’arbres dans les rues, ruptures de canalisations, une personne fait une péritonite, une touriste est sous assistance respiratoire alors que l’électricité est coupée, un refus d’évacuation… La totale quoi, pour tester toutes les éventualités !

A cet effet, les services de l’eau et de l’assainissement, AGUR et SAUR, ont été présents toute la nuit.

Loix - Exercice submersion - 27 novembre 2019

A 4 heures du matin, le PC est transféré au Centre sportif, dans le village artisanal, car le toit de la mairie s’est (fictivement) envolé.

Jeudi 28 novembre, 9 heures. C’est l’heure du débriefing. Les visages de l’équipe de Loix sont marqués par la nuit blanche. Tout comme ceux de l’équipe de la Communauté de Communes, laquelle a également mis en place une cellule de crise à Saint-Martin.

Au total, cette nuit là plus de 300 agents de l’Etat et des collectivités locales de Charente-Maritime ont accepté de participer, à la Préfecture, au SDIS 17, au Département, et dans les quinze communes, et 200 bénévoles.

Le moment d’échange, avec Pierre-Emmanuel Portheret, secrétaire général de la Préfecture, et le colonel Pascal Leprince, directeur départemental du SDIS, est interactif et intéressant. A chaud, il s’agit d’évaluer l’entraînement : les points positifs et ceux sur lesquels il convient de progresser. Etablir un retour d’expérience, comme on dit.

  • Loix - Exercice submersion - Débriefing - 28 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Débriefing - 28 novembre 2019
  • Loix - Exercice submersion - Débriefing - 28 novembre 2019

Globalement le bilan est positif. « Les quinze communes sont déjà bien outillées, elles ont déjà une culture du risque extrêmement précieuse. Elles ont du vécu, chacune avec ses spécificités. Elles ont montré qu’elles sont en capacité de mobiliser très vite leurs moyens d’actions. Les évacuations de population se sont bien passées aussi » a témoigné Pierre-Emmanuel Portheret.

Il reste des points à perfectionner. L’enregistrement des messages d’alertes, envoyés par la Préfecture aux maires, s’est avéré pas très audible et complexe. De même les cartographies et les annuaires doivent être actualisés, harmonisés et mis à jour en permanence. La mise à jour des fichiers est compliquée, le travail est chronophage et de longue haleine pour les communes. D’autant que c’est sur la base du volontariat que les données personnelles des habitants sont fournies aux mairies.

En outre, les réseaux de communication n’ont pas toujours été au top. A l’île de Ré, nous le savons pour parfois en pâtir. L’envoi des SMS reste encore à améliorer. « Au-delà de la Charente-Maritime, une réflexion doit être menée, au niveau national, sur le bon moyen d’alerte auprès de la population : sirène, Sms… Mais rien ne remplace les moyens humains traditionnels, hauts-parleurs, garde-champêtres quant cela est possible » ajoute le secrétaire général de la Préfecture.

Angoulins, Aytré, Charron, Châtelaillon-Plage, Esnandes, Fouras, Ile d’Aix, L’Houmeau, La Brée les Bains, La Jarne, La Rochelle, Loix, Marsilly, Nieul-sur-Mer et Yves, et leurs intercommunalités : Communautés d’agglomération de La Rochelle et Rochefort, Communautés de communes de l’Ile de Ré, d’Oléron et Aunis Atlantique, ont participé.

Un tel exercice aura t-il lieu chaque année dans d’autres communes ? Pas dans l’immédiat. Car cela demande la mise en oeuvre de gros moyens humains et financiers. En amont, l’exercice a été préparé depuis des mois. Le retour d’expérience devrait servir à améliorer la modélisation et la communication entre les services, et avec la population.

« Cet exercice doit nous faire comprendre que la sécurité civile c’est l’affaire de tous, les professionnels qui ont en charge la protection des habitants et la population elle-même. Nous sommes tous acteurs, nous devons progresser tous ensemble » a souligné Pierre-Emmanuel Portheret.

Loix - Affiche alerte vagues-submersion - novembre 2019

« Depuis 1999, les systèmes d’alertes ont beaucoup progressé. Il faut accepter que l’on ne peut pas tout deviner à l’avance, les phénomènes météo peuvent évoluer d’heure en heure. Nous devons nous habituer à la culture du risque » a complété le colonel Pascal Leprince.

43 communes de Charente-Maritime sont situées en zone littorale.

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