Phoques en visite à l’île de Ré

Depuis une trentaine d’années chaque hiver l’île de Ré voit cinq à sept phoques gris aborder ses rivages. L’hiver dernier n’a pas failli à la tradition : plusieurs ont été observés dans le nord de l’île. Et cet été un phoque a été aperçu par plein de monde, un phénomène inédit à cette saison.

Depuis, discussions et commentaires vont bon train, chacun y va de sa petite histoire. « Ils viennent de Biarritz, ce sont des phoques relâchés » entendons-nous parfois. C’est une fake news… Ils arrivent soit de Bretagne ou soit plus vraisemblablement des îles britanniques, là où se situent les colonies les plus proches de l’île de Ré. Les tempêtes peuvent les faire parfois, on en retrouve même au Pays Basque.

C’est ce qu’a confirmé Jean-Roch Meslin, correspondant local de Pélagis, réseau national d’échouages, que j’ai interrogé afin de comprendre le pourquoi du comment et surtout d’y voir plus clair.

« Un premier est arrivé en décembre 2021. Il devait avoir trois ans. C’était une femelle, elle mesurait 1,90 m. Elle était d’une grande maigreur, elle ne pesait que 65 kg. Elle est morte. Elle vient d’être autopsiée, mais nous n’avons pas encore les résultats de l’analyse » relate t-il.

Un autre bébé phoque, âgé d’environ un mois et demi, est arrivé fin février. Et également un autre phoque. Ils sont vite repartis. Ni vus, ni connus, bye bye ! Où sont-ils allés ? « Soit ils sont remontés vers le nord, soit ils ont changé de secteur… ».

Un autre individu a été capturé par Pélagis du côté du Phare des Baleines car il était en mauvais état. Il a été soigné et relâché à Molène dans le Finistère, une fois sa santé retrouvée.

Et encore un autre jeune phoque gris est arrivé en juin. Il est totalement autonome et il vit seul. Le phoque est un mammifère. La maman allaite son bébé durant une quinzaine de jours. Elle a dû lui dire : File, débrouille toi mon petit ! Tu es assez grand maintenant pour aller chasser tout seul de ton côté.

Un signe distinctif permet d’identifier l’animal et de constater que c’est bien toujours le même. Il a deux « lunettes » noires et trois taches en croix sur le côté de sa gueule.

Il se balade dans le nord de l’île de Ré entre le Pertuis breton et le Pertuis d’Antioche. Il est en pleine forme, il a grandi. Il doit avoir aujourd’hui huit mois. Et c’est un garçon.

Quatre mois donc après son arrivée, il est encore là. L’événement est pour le moins surprenant pendant l’été.

Jean-Baptiste Dumond, photographe animalier résident à l’île de Ré, membre de Ré Nature Environnement et animateur du site Faune sauvage, suit les pérégrinations de cette colonie de phoques depuis leur arrivée. Pour le blog il m’a gentiment confié quelques photos.

Pour ma part je n’ai aperçu le phoque que dernièrement et de très loin. Et je n’ai surtout pas chercher à m’approcher. La seule vue de la photo de ses dents suffit à m’impressionner ! Ouh la la, c’est bien un animal sauvage…

Visiblement l’île de Ré lui plaît. Il ne fait qu’une bouchée des congres, des vieilles et des crabes dont il raffole. Il adore aussi jouer avec les algues.

Au moment où la mer est entre deux, entre marée haute et basse, il revient vers le rivage.

Jean-Roch explique : « L’animal se thermorégule à 37°. Lorsqu’il a passé sept ou huit heures dans l’eau il a froid, il a besoin de se reposer. C’est là qu’il se rapproche de la plage où il se pose. Il peut aussi s’installer sur un rocher pour se réchauffer au soleil. C’est ainsi qu’il se requinque afin de redevenir performant pour la pêche.

Il reste en général deux ou trois heures. Mais l’eau n’est jamais loin, elle est sa sécurité. Son pelage devient blanc lorsqu’il sèche. Il ne faut en aucun cas s’approcher de lui. Il faut le laisser tranquille. Sinon il retourne se réfugier dans l’eau et au lieu de se reposer il se fatigue« .

Certains veulent le voir de près et le prendre en photo. Surtout pas ! On ne connaît pas les réactions du phoque.

C’est vrai qu’à le voir nager, le voir se prélasser ou bien se contorsionner, on voit bien que la mer lui appartient.

Tout l’été, et même encore maintenant, Jean-Roch Meslin, Jean-Baptiste Dumond et Patricia Caillaud de Ré Nature Environnement, ont effectué des rondes à marée descendante pour faire oeuvre de pédagogie auprès du public. Munis de jumelles, ils expliquent les us et coutumes du phoque afin de sensibiliser les uns et les autres sur le nécessaire partage de la mer avec les baigneurs et promeneurs.

« Souvent les gens sont surpris de voir le phoque et ils s’en s’approchent par manque de connaissances. Globalement tout le monde comprend lorsque nous expliquons. Mais il reste quelques 10 % de récalcitrants qui ne veulent pas écouter. Ils prennent des risques pour eux et ils font prendre des risques à l’animal » rajoute Jean-Roch.

Plusieurs panneaux ont été posés dans différents points du nord de l’île de Ré puisque l’animal va et vient. Il est là où on ne l’attend pas.

Le phoque gris est une espèce protégée. Les panneaux indiquent qu’on doit respecter une distance de 100 mètres. Qu’il est interdit de donner de la nourriture. Et qu’il ne faut en aucun cas le toucher.

La loi va encore plus loin. Un arrêté ministériel, en date du 1er juillet 2011, punit de 150 000 € et de trois années de prison celui qui l’enfreint ! Ah oui, rien que ça tout de même…

Un autre souci : les chiens sur la plage. Le phoque et le chien sont des animaux curieux qui peuvent avoir envie de jouer. Un coup de patte ou un coup de croc du phoque peut faire gros bobo. « Il faut absolument tenir les chiens en laisse » prévient Jean-Roch.

Tout cela relève donc de la co-habitation et de la bonne intelligence entre les humains et la vie sauvage des animaux de la mer.

Quand ce phoque repartira-t-il ? « Impossible de le savoir. Il aime l’eau à 15°. La température de la mer va baisser dans les mois qui viennent. Il peut repartir du jour au lendemain, vers son lieu de naissance ou ailleurs. Cet été il a eu l’air de s’habituer à la présence humaine. Mais le fait qu’il soit curieux n’est pas obligatoirement une bonne chose pour lui, il ne faut pas lui donner l’impression qu’il va jouer » rajoute Jean-Roch.

Prudence donc à tous… Et belles observations, le cas échéant, mais de loin…

Merci Jean-Baptiste, tes photos sont formidablement parlantes !

Voici le numéro à joindre en cas de rencontre avec un mammifère marin (phoque, baleine, dauphin, orque…) : Pélagis : 05 46 44 99 10