Dans la matinée du samedi 5 octobre, un mail de la station de la SNSM (Sauveteurs en Mer) de l’île de Ré informe qu’une intervention particulière vient d’être menée : « Les plongeurs de la station ont porté secours au monde aquatique afin de libérer une tortue marine prise dans un filet de pêche ».
L’aventure est arrivée à Hugues Moinard, pêcheur professionnel. Les habitants d’Ars-en-Ré le connaissent bien, son bateau, le P’tit Jules, est basé dans le port du village.
Il raconte : « Je suis parti relever le filet que j’avais posé la veille entre Jard-sur-Mer et la Tranche, au large de la Vendée. A 9 heures, j’arrive sur le site. Dans le filet, je pensais trouver des poissons de surface, des bars et des dorades. J’ai tout de suite vu une grosse masse flottant au ras de l’eau. J’ai pensé à un cadavre humain. C’était une tortue luth !
Ses deux grandes nageoires et sa tête étaient prises dans le filet. Oh la pauvre… J’ai tout de suite essayé de lui dégager la tête, elle se débattait. A chaque fois qu’elle reprenait de l’air en surface, elle soufflait fort. C’était comme un bruit de baleine.
Il fallait que je tente de la soulager. J’ai utilisé le vireur hydraulique qui me sert à sortir les filets de l’eau. D’une main, je tournais la poignée du vireur, de l’autre j’essayais de la libérer du filet. A chaque fois que je lâchais la poignée du vireur, elle redescendait. Elle était lourde, elle devait peser au moins 300 kilos. Elle avait 2 petits poissons collés de chaque côté de sa carapace, elle était toute propre.
Je ne voulais pas couper le filet, car ainsi harnachée elle serait partie et pouvait mourir étouffée. J’ai bataillé au moins 3/4 d’heure. J’ai compris que tout seul je n’y arriverais pas.
J’ai appelé mon ami Denis Chatin, président de la SNSM de l’ile de Ré. Trois plongeurs sont rapidement arrivés sur le lieu. Ça a bien duré 20 minutes pour couper le filet, ce n’était pas simple de tout enlever.
La tortue a donné deux grands coups de nageoires, et nous ne l’avons plus vue. Elle semblait en pleine forme, mais elle devait en avoir marre. Depuis combien de temps était-elle crochetée ici ?
La tortue luth a t-elle été victime de sa gourmandise ? Les méduses constituent un mets que cet animal marin affectionne. Nous avons tous lu des articles à ce sujet. Certaines tortues meurent d’ailleurs pour avoir confondu méduse et plastique… Mais là ce n’est pas le cas.
« Je pense qu’elle a dû être attirée par des méduses qui s’étaient prises dans mon filet, il y en avait deux ou trois encore agrippées. Quand elle se débattait, elle a vomi des poissons qui ressemblaient à des truites de mer, coupées en deux… ».
Le pêcheur continue son récit : « Dès que la SNSM sort, elle prévient le Cross Etel qu’elle s’engage dans une mission. Le Cross m’a appelé. Ils m’ont mis directement en relation avec l’Observatoire Pelagis de La Rochelle. Quand je suis rentré au port, à son tour l’Aquarium de La Rochelle m’a téléphoné. Au deux j’ai raconté mon histoire.
Est-ce la première fois qu’il voit une tortue luth de près ? : « Il y a très très longtemps j’en avais pêché une toute petite, que j’ai rejetée à la mer. Depuis quatre ou cinq ans, les pêcheurs et les plaisanciers en voient de temps en temps ».
La tortue luth est un animal protégé. Il convient de déclarer sa présence à l’Observatoire Pelagis ou à l’Aquarium de La Rochelle.
L’aventure s’est bien achevée pour les protagonistes.
La SNSM a terminé son avis d’intervention par ces mots : « Sans un adieu pour ses sauveteurs elle disparaît dans les profondeurs du Pertuis Breton. Opération sauvetage réussie ! ».
Hugues Moinard est encore tout heureux d’avoir pu la sauver et d’avoir rencontré une telle bête en mer. « Elle était vraiment belle, toute lisse. C’est une histoire de plus dans l’histoire de mes navigations. Et surtout un grand merci à mes copains de la SNSM. Depuis toujours je les appelle les Saint-Bernard de la mer ».
Il y a une semaine, une tortue luth a été aperçue au large des Sables d’Olonne. Le pêcheur se prend à rêver : « C’est peut-être la même… ».