Une exposition sur les corbillards du siècle dernier, voire même du siècle d’avant, voilà une idée osée et pour le moins surprenante !
Dans la salle des colonnes de l’ancien hôpital Saint-Honoré de Saint-Martin, d’antiques corbillards de l’île de Ré sont présentés. Une véritable collection.
Avec une pointe d’impertinence, voire d’humour (noir), l’exposition est intitulée : Voyager autrement. Elle a été montée par le Service Patrimoine de la Communauté de Communes, dans le cadre du programme de cet automne, qui s’articule du thème « Du premier cri au dernier souffle ».
A priori, cette expo pourrait paraître lugubre, certains pourraient même dire glauque. Etonnamment, pas du tout. Elle est même élégante et classieuse. Elle nous plonge dans un passé, finalement pas si lointain. Demandez aux aînés, ils ont tous une histoire , ou un souvenir, à raconter au sujet de ces corbillards qui accompagnaient les Rétais vers leur dernière demeure.
Huit corbillards ont été conservés par les communes. Elles les ont prêté pour l’expo. « Lorsque nous leur avons présenté l’idée, portée par le thème de la santé et de la mort que nous avons choisi cette année, elles ont immédiatement répondu positivement. Ces corbillards étaient stockés dans un coin des ateliers municipaux. Nous avons fait appel à La Verdinière pour les transporter « relate Stéphanie Le Lay, responsable Patrimoine à la CDC.
Poussons les grilles de l’ancien hôpital de Saint-Martin, et découvrons-les, dépoussiérés et nettoyés à fond. Ils sont tous uniques, aucun ne ressemble à l’autre.
Il ne manque que ceux de Loix et des Portes, aujourd’hui disparus.
Saint-Clément des Baleines. Ces dernières années il est sorti pour le décès de Suzanne Massé, c’était en 2015. Devant l’église, il était comme un carrosse imposant et émotionnel.
Les rideaux sont impeccables.
Rivedoux. Le corbillard est très simple, c’est une caisse métallique rectangulaire. Il est le plus récent de l’île, car avant que Rivedoux n’acquiert son indépendance, en 1928, il fallait venir celui du bourg de Sainte-Marie.
Saint-Martin. Tous ces corbillards étaient tirés à la main. Sauf à Saint-Martin, et au Bois, où les chevaux le tractaient. On imagine le cocher jugé sur son siège.
Chaque fourgon mortuaire est explicité sur un carton. C’est ainsi qu’on apprend que la capitale de l’île en disposait de deux : « Un autre était réservé l’administration pénitentiaire de la citadelle ».
Celui exposé a été acquis en 1875 par la Société de Bienfaisance des Arts et Métiers. En 1968, il a été sorti pour le tournage d’un film avec Jean Richard : Maigret en vacances.
La Flotte. Des cordons blancs, dits de poêle, placés aux angles, étaient tenus par des proches du défunt pour l’accompagner.
Ars. Un croix amovible est attachée sur le tissu violet. Selon que le défunt est laïque ou religieux, elle peut être retirée.
Il est assez amusant de comparer les roues. Soit ce sont des roues de charrettes, soit ce sont des pneus sans doute récupérés sur des voiturettes, ou brouettes ?
Sainte-Marie. Le carton indique que le corbillard a été utilisé pour la première fois le 12 septembre 1857. Il fallait au moins trois porteurs pour le tracter.
La Couarde. A la demande d’une famille rétaise, il est sorti pour la dernière fois en 2000. Il est muni de pneus.
Le Bois-Plage. A chaque angle, le corbillard est orné de coquets plumets noirs à chaque angle. Comme à Saint-Martin, il pouvait être tracté par la force animale.
Sur un des panneaux de l’expo il est précisé : « Sous l’Empire, les pompes funèbres s’organisent. Le décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804), fondateur de nos cimetières modernes, impose notamment de transporter les corps selon le « mode le plus convenable ». Le texte confie également aux Fabriques ou consistoires, associations paroissiales, l’organisation des enterrements et ouvre la liberté de culte, le droit à la dépense et l’hommage personnalisé au défunt ».
Et par ailleurs : « L’acquisition d’un corbillard était financée par la Fabrique ou par la Société de Secours mutuels de la commune, grâce à des dons ou des cotisations de la part des habitants ».
Les corbillards de l’île de Ré ne sont pas datés, mais leur décorum est déjà une indication de l’époque.
L’exposition ouvre demain, 21 octobre. Elle dure jusqu’au 3 novembre. Eh oui, c’est bientôt la Toussaint et nous allons aussi honorer les morts. Elle se tient dans la salle des colonnes de l’ancien hôpital Saint-Honoré de Saint-Martin de Ré. L’entrée est gratuite. Elle est ouverte tous les jours de 14 h à 17 heures.
En la visitant, il vous viendra peut-être à l’esprit un des couplets de la chanson de Brassens.
Et bravo aux trois dames du service Patrimoine de la Communauté de Communes, Stéphanie, Agathe et Hélène, pour avoir rassemblé cette collection incomparable de carrosses noirs.