Horse-trek dans la cordillère australienne

S’évader dans la lecture, ça fait un bien immense. Surtout lorsque l’histoire qui vous est racontée est inouïe, vécue en Australie, par une fan de l’île de Ré.

L’aventure est celle d’Alienor, une des quatre filles du couple que forment Dominique et Anne-Henri Le Gouvello. La famille de Dominique vient dans l’île de Ré depuis avant guerre. Aliénor, la troisième de la fratrie, était de ses propres dires « enfant la plus rebelle ».

Ces filles ont connu l’île de Ré dès leur naissance, l’une est allée à l’école communale des Portes. Toutes ont appris à monter à cheval à l’écurie Nicot dès leur plus jeune âge. Et elles ont été biberonnées à l’eau de mer.

A deux mains, Aliénor et Dominique, ont écrit un livre, sorti au printemps dernier. Il est ainsi préfacé : « Je dédie ce livre à ma mère, sans qui il n’aurait pas vu le jour ».

A 26 heures d’avion de chez nous, et neuf heures de décalage horaire, difficile d’interviewer Aliénor. Dominique a gentiment accepté de répondre à quelques questions pour le blog.

Ce trek apparaît être un défi ? Votre fille a t-elle le tempérament d’une baroudeuse ? « Elle a choisi de se confronter à un des treks les plus difficiles du monde : le Bicentennial National Trail. A l’Est, il longe la grande chaîne de montagnes de la cordillère australienne. Il est long de 5 330 km. Elle était seule, accompagnée de trois brumbies, des chevaux sauvages dressés au préalable par elle, avec l’aide de la Guy Fawkes Heritage Horse Association qui les défend. Il ne faut pas oublier que ce pays est un continent. Elle a traversé trois Etats : le Victoria, la Nouvelle Galles du Sud et le Queensland. Pour ce dernier sa superficie est supérieure à celle de la France« .

  • Carte Australie
  • Carte Trek Alienor Le Gouvello
5330 kilomètres, la distance est équivalente à Paris-Dakar ou Paris-Téhéran ! 

Combien de temps faut-il prévoir pour ce genre d’équipée ? « Après dix huit mois de préparation, elle a cheminé, parfois à cheval et souvent à pied, pendant plus d’un an. Elle est partie en novembre 2015, elle est arrivée en juillet 2017. Elle a parcouru l’inverse du trek habituel, en commençant par le Sud, à Healesville près de Melbourne, pour remonter vers le Nord jusqu’à Cooktown, dans le Queensland ».

Aliénor explique dans le livre comment elle a procédé pour donner sa position dans un milieu souvent hostile, difficile toujours : "Sans aucun mode de communication classique, je pars avec un dispositif d'urgence qui comprend un spot tracker, relié à un satellite, qui me permet de fournir chaque jour ma position. Il comporte trois boutons : 1 : je suis saine et sauve - 2 : j'ai besoin d'aide dans les 48 heures - 3 : je suis en danger de mort, envoyez un hélicoptère".

Avez-vous eu peur pour elle ? : « Oh oui ! Depuis Les Portes-en-Ré, je la suivais sur une immense carte, accrochée au mur. Nous avions des nouvelles quotidiennement. Même si elle cherchait à me ménager, à plusieurs reprises je me suis beaucoup inquiétée. Sur sa page Facebook elle a, par inadvertance, publié une photo de ses jambes attaquées par des staphylocoques. Mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai pensé qu’elle était en danger. Quelques semaines auparavant elle avait contracté la ross fiever, dûe à un moustique pire que celui de la dengue, qui paralyse les articulations. Fort heureusement elle n’a jamais eu à déclencher l’hélicoptère, elle s’en est toujours sortie grâce à une énergie farouche. Obligée de faire un séjour à l’hôpital, elle n’a pas voulu y rester, contre l’avis des médecins qui lui ont ordonné d’arrêter le trek. Elle a continué en enveloppant ses jambes dans des sacs plastique ».

Photos Trek Alienor Le Gouvello

Quel âge avait-elle alors ? : « Tout juste 30 ans. Elle vit en Australie depuis une dizaine d’années. Elle s’est longtemps occupée d’enfants aborigènes dans les communautés du désert, en tant que travailleur social ».

Qu’est-ce que ce trail ? :  » Ce n’est pas une promenade de santé ! Il a été conçu, dans les années 1970, pour le passage du bétail. A sa création, l’objectif était aussi de donner une idée de la vie des premiers pionniers. Il progresse à travers d’espaces très escarpés, notamment ce qu’on appelle les Alpes australiennes. Il traverse aussi le bush, dans de très hautes herbes parfois, pour terminer par des forêts tropicales extraordinaires. Les endroits sont terriblement isolés. Une difficulté supplémentaire pour elle, ne pas disposer d’eau ni de fourrage pour ses compagnons animaux, ça l’obsédait complètement ».

Photos Trek Alienor Le Gouvello

Sont-ils nombreux à avoir relever un tel défi ? : « A ce jour, seulement 37 personnes l’ont réussi de bout en bout. Avant Aliénor, une seule femme. Elle est d’ailleurs venue à sa rencontre pour témoigner de l’entraide dont elle avait elle-même bénéficié ».

Comment est née l’idée du livre ? « Alienor disposait de 10 000 photos. La plupart ont été prises par Cat Vinton, photographe professionnelle, qui l’a suivie à pied pendant un long moment du périple. Plutôt qu’un ouvrage de photos, l’éditeur Arthaud a préféré qu’elle confie le récit de son aventure sur papier ».

Comment après coup, a t-elle pu se remémorer précisément ces longs mois passés à cheval ? « Grâce à une géniale application, fournie par un Américain, toutes les photos ont pu être identifiées par jour et par latitude. Je suis allée en Australie pour recueillir son témoignage. Je suis restée trois mois sur place, afin de retranscrire ses mots au plus juste. Elle a restitué son aventure facilement, notamment les anecdotes les plus marquantes ».

Photo mariage Alienor Le Gouvello

Nous avons envie de connaître la suite. A la fin du livre, elle raconte sa rencontre avec Mitch, qui vit au coeur du bush dans une immense ferme. Lorsque nous apprenons qu’elle se marie et qu’un bébé va naître, nous respirons un peu après toutes les aventures terribles qu’elle a vécues. Raphaël a aujourd’hui 7 mois, Aliénor l’a déjà tenu assis sur un cheval !

Un couple d’amis portingalais a lu le livre. Ils ont vécu onze ans et demi en Australie. Ils ont retrouvé l’ambiance familière : « Les paysages sont très bien décrits. Nous n’avons jamais entendu parler de ce trek, mais les endroits où elle est passée nous en rappellent d’autres, très rudes. Elle a vécu une sacré aventure, elle est courageuse ! Le livre est captivant, très bien écrit. Lorsqu’elle parle de l’eau et du fourrage dont elle a besoin pour ses animaux nous sommes avec elle ».

Le livre est vendu dans les librairies et sur internet. Et bien évidemment à la Presse des Portes-en-Ré. Il coûte 21,50 €.

Alienor aurait bien aimé faire des dédicaces à l’île de Ré. Mais le voyage est long pour rentrer en France : 16 500 km.

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