« Quand j’étais enfant, mon rêve était d’être ostréicultrice et d’avoir un musée. Voilà, c’est fait ! » révèle Brigitte Berthelot avec un large sourire.
Dans une pièce attenante à leur établissement ostréicole, situé sur la route départementale avant d’arriver à Ars, Brigitte et Tony Bertholot viennent d’aménager un véritable musée personnel, dédié à l’île de Ré.
La porte d’entrée est une ancienne cabine de bains, une de celle qui existait sur la plage de la Couarde au début du XXe siècle. Les mots « Exposition – L’île de ré d’antan » donnent le ton.
Une fois la porte poussée, on ne peut qu’être émerveillé. Immédiatement vous vous retrouvez basculé un siècle en arrière, dans l’univers quotidien des Rétais. Et c’est dense !
« Depuis l’âge de 8 ans, j’emmagasine, je chine, je récupère, je garde tout et j’entasse dans le grenier » raconte Brigitte. Mes parents ont été très contents lorsque nous les avons débarrassés de tout cela ».
Passer une heure dans ce lieu, c’est ne pas savoir où poser les yeux. C’est oublier le temps. Il y a tant et tant à découvrir. Chaque objet a une histoire : là où il a été chiné, qui en a fait don, quelle était son utilité.
« Sachant que nous aimons cela, on nous appelle. Les familles, les amis, les voisins nous donnent et nous apportent. Nous n’achetons pratiquement rien, nous récupérons ces menus objets. Ils sont des témoignages » raconte Tony.
Jadis pour désigner ces vieilles choses, en patois charentais, on disait « des acries ». Que beaucoup ont jeté ou fait brûler lors des successions ou de moments compulsifs de nettoyage de maisons.
Brigitte et Tony vous font partager leur plaisir. Les bottines à boutons proviennent d’une échoppe d’un cordonnier du Bois-Plage qui exerçait au début du siècle dernier. Elles sont magnifiques de conservation. Le poivre est importé des îles. Les marmites et ustensiles de cuisine, posés sur la cuisinière à bois-charbon, peuvent raconter tout ce qui a fait le régal des convives. La poudre Nivea talcait les fesses des bébés.
Le coq, aujourd’hui empaillé, a dû énerver quelques Couardais par ses cocoricos intempestifs. Mais il a bercé la jeunesse de Brigitte, annonçant peut-être le désormais célèbre coq Maurice de l’île d’Oléron.
Il y a des jeux, pour petits et grands : billes d’argile, croquet, joujoux mécaniques, petite dinette, petit piano, jeux de cartes…
Des détails certes, mais tellement vivants. On pense fort en les découvrant à la phrase du poète : « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? ».
Le coin « hygiène » regroupe des rasoirs, des blaireaux, de vieilles boîtes de pastilles, des pistolets pour uriner, des pots de chambre. Des objets, que bien d’entre nous ont déjà vus dans l’enfance, dont ne faisions guère de cas.
Le bureau du grand père est rempli de papiers de toutes sortes. Des correspondances des Armées. Des bons d’emprunt émis à la Libération. Des actes notariés rédigés à la plume, sans faute d’orthographe, ni tache d’encre. Des bons d’alimentation utilisés pendant la guerre de 39-45. Des bons de pain de la coopérative de la Couarde, lorsqu’on achetait son pain pour le mois. Des morceaux de partitions de musique de l’Harmonie de La Couarde, à partir de celle, entière, du conducteur, le chef d’orchestre. A l’époque chaque musicien recopiait personnellement sa partie, avant de la poser au bout de son clairon.
Au delà de l’objet lui même, c’est l’histoire de l’île de Ré qui se dévoile.
Que serait une telle exposition sans la présence des mariés rétais ? Le voile et le bonnet de la dame sont délicats et fragiles. Ils datent d’au moins des années 30. Ils sont ceux de Lucie Brin, la dernière à s’être mariée à La Couarde dans de tels habits.
Autour des murs de la pièce, les collections d’engins agricoles et d’outils artisanaux des activités primaires ont été positionnées. Les reconnaîtront ceux qui avaient suivi les visites guidées hebdomadaires que Tony et Brigitte Berthelot ont organisées ces vingt dernières années. Toutefois les collections se sont enrichies, le couple ayant exhumé bien d’autres objets mis soigneusement à l’abri, jour après jour.
« Tony, qui n’est pas pourtant pas né ici, s’est pris au jeu, il est plus Rétais que moi maintenant ! » s’amuse Brigitte.
Pour la vigne, des robinets à fûts, des basses en bois pour transporter les raisins à dos d’âne, des bouelles pour bîner le sol. Et même une étrange machine à arracher les ceps du sol. On imagine l’énergie nécessaire pour l’actionner, mètre après mètre, dans les vignobles, les sabots pleins de boue collante !
Tony raconte qu’il a fait venir d’anciens agriculteurs de différents villages de l’île de Ré pour compléter ses informations sur les outils. « Entre Ars et La Couarde, les noms n’étaient pas les mêmes ! ».
Le menuisier fabriquait les tonneaux. Les manches des outils étaient alors en bois.
La panoplie des outils du sel a été offerte par le dernier agriculteur de La Couarde qui utilisait encore le cheval pour travailler dans ses champs. C’est lui aussi qui a fait don du parapluie, près du couple de mariés.
Et bien évidemment, cela va de soi, est présenté le métier d’ostréiculteur, celui que les époux Berthelot exercent à l’Huîtrière de Ré.
Une autre partie de la salle est consacrée a du matériel agricole, parfois inédit : batteuse, moulin à céréales, tamis à grains, écraseuse. Il n’en existe que peu, ou plus du tout, de tels à l’île de Ré. Ça prenait de la place, beaucoup ont fini à la déchèterie lorsque les machines modernes à carburant les ont remplacé au milieu du siècle dernier.
Tous les objets sont excellent état. Méthodiquement, Brigitte les nettoie lorsqu’ils leur sont donnés. « Je me suis régalée à faire ce musée de la vie d’autrefois, et je n’ai pas fini. Il nous en reste encore beaucoup, notre pièce est trop petite ! assure-t-elle.
Au centre de la pièce, des vitrines. Tony en a recouvert les intérieurs avec de vieux dessus de lit. Elles présentent tout un tas de petites choses, plus raffinées les unes que les autres. Telle une étonnante collection d’habits de poupées, inspirée des costumes de l’impératrice Eugénie des années 1900. Une bible recouverte d’ivoire. Des chapeaux de cérémonie, des coiffes, des bijoux, un porte-cigarette… Et tout le matériel de la parfaite petite couturière, avec même les affichettes du Bon Marché, dont s’inspiraient les modistes.
« Notre musée n’est que du plaisir pour nous. Nous ne cherchons aucune valeur pécuniaire. Notre but c’est de conserver la mémoire matérielle. C’est aussi la démonstration que l’on peut utiliser les choses très longtemps. A l’époque on les faisait durer en les réparant. Bien différemment d’aujourd’hui et de la sur-consommation, même si les mentalités commencent à changer » souligne le couple.
Leur musée ne se visite que sur demande, et encore de façon parcimonieuse. « Nous ne souhaitons pas que des cars entiers se déversent ici. Nous ne répondons positivement qu’à de petits groupes très intéressés par la vie locale d’autrefois ».
Néanmoins lors des Journées du patrimoine, samedi 21 et dimanche 22 septembre, leur collection particulière sera exceptionnellement ouverte. De 10 h à midi. Et de 16 h à 18 h.
Bonne visite à ceux qui auront la chance de plonger dans cette formidable expo sur l’histoire rétaise.
Contact : 06 49 07 02 19.