Quel est le sujet qui a le plus alimenté les conversations au cours du dernier week-end, celui de l’Ascension ? Le monde fou, qu’il y avait partout sur l’île de Ré ! » On n’a jamais vu ça !, pas même un 15 août « , sont les mots qui ponctuaient tous les commentaires. Chacun y est allé de sa petite histoire. Les réseaux sociaux regorgent de témoignages.
Il y a ceux qui ont dû patienter très très longtemps pour arriver à leur destination rétaise. Ça a démarré mercredi après-midi, samedi c’était encore et toujours le cas. Ceux qui viennent passer la journée. Ceux qui viennent à la pêche à pied (gros coefficients de marée). Ceux qui ont loué pour une semaine, ou quelques jours. Ceux qui participent à des manifestations sportives, culturelles ou associatives. Ceux qui ont besoin de prendre un bol d’air. Ceux qui travaillent sur l’île et qui habitent sur le continent. Ceux qui viennent car le passage est encore au tarif basse saison à 8 €, le 20 juin il sera à 16 €. Ceux qui viennent en camping-cars, et d’autres à motos. On pourrait énumérer bien d’autres cas de figure. Tous ont une bonne raison de passer le pont.
Les volets des résidences secondaires sont ouverts, les maisons sont remplies à craquer. Les distributeurs de billets sont vidés à la vitesse de l’éclair. Les vélos circulent à quatre de front sur les pistes cyclables. La sirène des pompiers ponctue les journées. Le Dragon, l’hélicoptère du SDIS 17, fait des allers et retours vers l’hôpital de La Rochelle. Un sacré brouhaha pendant quatre jours.
“ J’ai mis 10 heures pour aller de Paris à l’île de Ré. J’ai fait la queue pendant quatre heures pour accéder au pont. A minuit, il y avait encore une file au péage. Mes locataires sont arrivés avec 6 heures de retard. Pendant quatre jours, je me suis planqué dans mon jardin et je n’ai pas bougé en attendant que ça passe ”.
C’est bien beau de rentrer dans l’île de Ré, mais après, il faut en sortir. Et là, nouveau chemin de croix. Il fallait partir samedi après dîner. Le prix à payer : tronquer un jour de week-end. Dimanche, vers midi, re-belote, l’enfer… Sur la route sud, la queue démarre depuis le Morinand, au Bois-Plage. Et l’autre route est bloquée depuis l’entrée de la Flotte. 4 heures quoi !
Avec en plus des travaux de construction d’un rond-point à La Couarde, la cerise est définitivement posée sur le gâteau !
“ Comment je vais faire pour rentrer chez moi à Rivedoux ? C’est la fête des mères, je ne peux pas traverser aller la souhaiter à ma maman qui habite en Charente-Maritime. Je travaille ici, j’ai eu une rude journée depuis 6 heures du matin, et je vais mettre quatre heures pour aller de l’autre côté où j’habite. J’ai eu un mal fou à couper la file de voiture pour traverser la route ”. On a tout entendu.
Record battu depuis la création du pont, titre Le Phare de Ré cette semaine : 64 000 passages ! Rien que pour mercredi : 17 000….
Il paraît que la circulation était tout aussi invraisemblable sur toute la façade Atlantique.
Tout cela est matière à interrogations. Sur le tourisme. Sur l’ambiance générale de la France qui semble avoir un énorme besoin d’air frais, de vacances et de liberté ! Et tout simplement sur le partage du territoire rétais, et de ses aménagements physiques et environnementaux.
Une bonne nouvelle néanmoins mercredi soir 24 mai : le péage de l’île de Ré est déclaré conforme à la Constitution. Ouf ! Qu’est ce que cela serait si le pont était gratuit ?
Preuve est que ce péage ne semble pas réduire l’activité économique de l’île de Ré !
Il y a bien sûr ceux à qui la nouvelle déplaît. Je fais partie de ceux qui résident à l’année à l’île de Ré et qui apprécient le fait que le pont reste payant, à un tarif raisonnable. Et puis ce n’est pas un péage classique.
Payer pour passer le pont de l’île de Ré, c’est payer une écotaxe. La loi de juin 1999 encadre son produit et son utilisation : elle sert à financer des mesures de protection et de gestion des espaces naturels. Pas la reconstruction des digues toutefois.
Son déplafonnement a été à voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale en septembre 2009, en élargissant son utilisation au développement de transports en commun fonctionnant avec des véhicules propres. En avril 2012, le Conseil général et la Communauté de Communes ont mis en place une navette électrique pour traverser le pont pour 1 €. Les vélos et les piétons passent gratuitement le pont. En parallèle une batterie de tarifs a été mise en place, avec toutes sortes d’abonnements. Seuls les résidents permanents ne paient pas d’écotaxe, les résidents secondaires s’acquittent de 2 € à chaque passage. Chaque année les tarifs sont votés par les élus du Conseil départemental.
En mars, le Conseil Constitutionnel avait été saisi par le Conseil d’Etat sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPS) posée par l’Association pour la gratuité du pont de l’île d’Oléron. Autrefois le pont d’Oléron était payant, depuis 25 ans il est gratuit. Le projet de mettre en place un péage-écotaxe a fait l’objet de nombreux débats à Oléron.
C’est quoi une « question prioritaire de constitutionnalité » ? Le site du Conseil constitutionnel indique : “ C’est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État et la Cour de cassation de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative ”.
Les sept Sages du Conseil constitutionnel ont été amenés à examiner deux points concernant le déplafonnement de l’écotaxe : la modulation des tarifs et la liberté d’aller et venir. Ils ont statué.
Si le coeur vous en dit, vous pouvez cliquer sur ce lien, vous trouverez le détail de la délibération du Conseil constitutionnel. Elle se fonde entre autres sur la Constitution, et elle justifie le bien-fondé du respect des quatrième et huitième alinéas de l’article L. 321-11 du code de l’Environnement.
Dans le texte figurent, entre autres les phrases :
“ En prévoyant la modulation du montant du droit départemental de passage en fonction de la « silhouette » des véhicules, les dispositions contestées permettent de prendre en compte, au regard de l’emprise au sol et du gabarit des véhicules, leur impact sur le trafic routier et sur l’environnement ”.
“ En permettant d’accorder des tarifs différents ou la gratuité aux usagers domiciliés ou travaillant dans l’île et à ceux ayant leur domicile dans le département, le législateur a entendu tenir compte de la fréquence particulière à laquelle ces usagers sont susceptibles d’emprunter l’ouvrage d’art, qui les place dans une situation différente de celle des autres usagers. En procédant de même s’agissant des usagers accomplissant une mission de service public, il a souhaité ne pas entraver l’exercice d’une telle mission ”.
“ En instituant le droit départemental de passage afin de limiter le trafic routier et de préserver l’environnement, le législateur a poursuivi un but d’intérêt général ”.
“ Seuls les passagers des véhicules terrestres à moteur sont redevables de l’imposition. Ceux utilisant d’autres moyens de transport pour se rendre sur l’île n’y sont pas soumis. D’autre part, le montant maximum du droit départemental de passage ne peut être regardé comme excessif ”.
“ Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mai 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT ”.