Le 13 avril au soir, Zarafa a quitté l’île de Ré. Destination : le Mali. L’AEMA (Association des Etangs et Marais), sa propriétaire depuis début 2013, l’a cédée.
La pelle amphibie est partie en Afrique, vivre de nouvelles aventures.Je me souviens du jour où elle est intervenue pour la première fois, dans le chenal des Rouets, à Ars. C’était en février 2013. Un vrai émerveillement devant les prouesses de l’engin. Comme elle, il n’existait que deux ou trois exemplaires en France.
Elle est arrivée à l’île de Ré pour curer les chenaux, qui avaient besoin d’un bon reprofilage. Avec pour objectif, une meilleure circulation de l’eau dans les marais. La tempête Xynthia avait mis le doigt sur le nécessaire entretien de ces chenaux. Suite à un marché passé avec la Communauté de Communes, dans le cadre du CTMA (Contrat Territorial volet Milieu Aquatique), l’AEMA avait acquis cette pelle amphibie, capable de passer partout, là où les pelles traditionnelles ne pouvaient intervenir.
Pourquoi est-elle partie ?
Benjamin Courtadon, directeur de l’AEMA explique : « Zarafa a nettoyé les deux branches du chenal du Rouet. Puis le chenal de la Groix, dit du Milieu à Saint-clément des Baleines. Et aussi ceux du Roc et des 3 Amis, aux Portes. Elle a permis de retirer la vase du vieux port des Portes.
Nous l’avons utilisée à Rivedoux, pour curer le port, et retirer les cailloux qui gênaient les mouillages. Au Goisil, à La Couarde, par deux fois, nous sommes intervenus pour le curage du chenal. A Loix, elle a assuré une partie du nettoyage des anciens parcs ostréicoles abandonnés, et elle a participé à la pose des balises de navigation. Dans ces endroits précis, le travail est terminé. Là où elle est intervenue, nous n’aurons plus besoin d’elle avant quatre ou cinq ans au minimum ».
L’AEMA l’a nommé Zarafa en raison de son long cou, et l’avait avait fait peindre girafe, afin de bien l’identifier.
Depuis trois ans, j’aimais bien voir Zarafa, jamais loin de nous. Elle était comme une présence rassurante, elle faisait partie des meubles de l’île de Ré.
Cependant business is business. L’AEMA a jugé qu’elle avait parfaitement accompli sa mission, et que désormais elle pouvait partir vers d’autres horizons.
Deux acheteurs sérieux se sont présentés. Les Maliens ont remporté l’affaire. Zarafa devrait être bien utile, car dans le delta du fleuve Niger, il existe des zones de marais. A cet endroit, d’ailleurs, le fleuve charrie des alluvions, qui fertilisent le sol pour la culture du riz.
Les Africains, chargés de son transport, sont venus la voir à l’île de Ré. De longues tractations ont eu lieu entre l’AEMA et l’importateur missionné par les Maliens. Zarafa a été mesurée sur toutes les coutures. Elle est très large : 3,80 mètres lorsque ses chenilles sont déployées.
Pour être acheminée vers le Havre, son port de départ à destination du Mali, il a fallu charger Zarafa sur un long camion.
Pascal Simaillaud, pelleteur à l’AEMA, sait parfaitement bien la conduire. Pour des trajets importants dans l’île de Ré, la pelle amphibie a déjà été déplacée sur un camion-plateau.
Mais le 12 avril la manoeuvre s’est révélée délicate, lorsque il a fallu réduire la largeur de Zarafa au minimum. Ce qui n’était pas prévu dans le contrat.
Pour le transport en bateau, elle ne devait pas excéder 3 mètres… Une mission quasi impossible, surtout quand elle est posée sur le porte-charge.
Pierrick François, directeur adjoint de l’AEMA, se souviendra longtemps des longues et inénarrables tractations au téléphone, le jour où Zarafa a été embarquée.
Une histoire, ni ordinaire, ni simple…
Resserrer les chenilles de la pelle, centimètre par centimètre, en s’appuyant côté par côté sur le godet, a été épique. Et la finition s’est faite au cric, à la main. Replier son long cou, et poser le godet, au milieu d’un étroit passage entre les deux caissons n’a pas été aisé. « Jamais je ne l’ai vue aussi étroite ! » a assuré Pascal, au terme de trois longues heures de patience et de dextérité.
En fin de compte, Zarafa a été rétrécie à 3,23 mètres. Même avec une bonne volonté évidente, pas moyen de faire mieux !
L’aventure ne s’arrête pas là.
Zarafa a attendu deux jours à l’île de Ré, avant de partir par convoi exceptionnel, avec une voiture qui la précédait, dépêchée par le transitaire.
Pour la monter sur le bateau qui l’emmène en Afrique, l’AEMA a prévenu les acquéreurs qu’il allait falloir de nouveau déployer ses chenilles, avant de la mouvoir. Car si les chenilles sont resserrées, elles peuvent se casser en roulant. Cette grosse bête-là est particulière, il faut s’adapter à sa taille, à sa fonction et à ses moeurs. Les Africains disposent du manuel d’utilisation.
Saurons-nous la suite de l’histoire, et l’avenir de cette pelle amphibie ?
Elle a emporté un peu de vase et de terre rétaises, coincées sous ses grosses papattes.
En tout cas, comme un signe, ce jour-là dans le ciel, j’ai cru voir un nuage en forme de case africaine… Juste en face du clocher d’Ars.
Bye bye Zarafa ! Donne-nous de tes nouvelles, dis nous si tu es bien arrivée au Mali, et ce que tu fais !
En vidéo, voici de quoi revivre la dernière épopée rétaise de Zarafa.
Le premier CTMA se termine dans un an. L’AEMA n’a plus de travaux de curage nécessitant la pelle amphibie, durant ce laps de temps. Des travaux de prises d’eau, de protection des berges, de lutte contre les plantes invasives, sont encore à mener. Ils le seront avec les pelles classiques.
La Communauté de Communes réfléchit actuellement sur un deuxième CTMA. « Il n’est pas exclu que nous aurons peut-être besoin de nouveau d’une pelle-amphibie. Zarafa 2, ou sa petite soeur qui serait un modèle plus petit ? A voir » précise Benjamin Courtadon.