Un chenal, des chenaux. Le mot vient du latin, canalis, qui signifie canal. Lorsque vous vous baladez sur les chemins des marais, salants ou pas, avez-vous remarqué ces voies d’eau, creusées jadis par l’homme, et qui serpentent en contrebas des bosses de marais ?
Le chenal de La Fabrique, à Ars-en-Ré, est un de ces passages resserrés. Depuis le bord de la piste cyclable du centre du village jusqu’au Fier, il est long de plus de 600 mètres. Il est dit chenal d‘écourt. Son rôle : évacuer l’eau.
Il longe une vingtaine d’exploitations, dont le lycée agricole. Non seulement il est utile aux sauniers qui gèrent leurs sites de production de sel, mais il peut aussi s’avérer utile à tous. En cas d’inondation dans le village d’Ars, c’est grâce à lui que l’eau pourra repartir vers la mer.
Depuis la tempête Xynthia de février 2010, nous avons bien saisi l’importance de ces ouvrages hydrauliques, en terme de sécurité.
Début décembre 2017, des travaux ont débuté afin de restaurer ce chenal. Ils ont été réalisés par l’AEMA (Association des Etangs et Marais). Ce chantier, financé par l’Ecotaxe coûte 40 000 €.
Un chantier en milieu maritime est toujours humide et boueux… Mais avec la météo peu clémente de ces dernières semaines, nous ne pouvons que saluer le travail des équipes dans de telles conditions. Un pont de travail provisoire a même dû être installé pour que les engins puissent librement circuler.
Un mois et demi plus tard, la restauration du chenal est quasi terminée. 337 mètres de berges ont été confortés.
Il ne restait plus grand chose des vieilles berges, elles étaient totalement érodées. De la terre et du bri (de l’argile) ont été apportés pour façonner les côtés du chenal. En accord avec la Commission des Sites, les matériaux naturels ont été recueillis sur les bosses de marais avoisinants.
Des pieux de châtaignier, d’une hauteur de 4,50 m, ont été fichés sur les bords du chenal. Ils retiennent la terre et évitent que la berge ne glisse par la suite. 400 pieux ont été posés, tous les 70 cm. Il y a aussi 150 m2 de planches pour assurer la consolidation. Un rien !
De nouveaux tuyaux apparaissent dans les bas de berges. Des empierrements ont été réalisés afin que l’eau, en sortant, ne creuse pas la base du merlon. Ah, l’eau est très claire…
Le clapet de sortie du chenal, vers la mer, a été également restauré de chaque côté.
Quand on chemine le long de ces marais, on ne peut que penser à l’inter-dépendance des lieux et de leurs propriétaires. Tout se tient, l’eau n’a pas de frontière.
Ici, c’est un véritable travail de fourmi, d’une grand complexité, qui demande un doigté certain pour mettre tout le monde d’accord. Un vrai challenge lorsqu’on sait les personnalités et les personnages qui co-existent sur de tels lieux. Sans compter la complexité des dossiers administratifs, montés en concertation avec la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement).
Hervé Rault, technicien à la Communauté de Communes suit pas à pas le chantier.
Les chemins d’accès aux marais ont été aplanis. Au cas où…, les engins peuvent facilement accéder au site, ce qui n’était pas le cas auparavant. D’ici l’été, la végétation va repousser d’elle même d’ici l’été.
Sur le terrain, Francis Gousseau, directeur des services techniques de la CDC, et Jean-François Beynaud, nouveau président de l’AEMA, constatent l’intérêt du chantier : “ Il est utile pour tous les acteurs économiques du marais. Ici il y a de la vie. Ces travaux sont caractéristiques de ce que l’on peut faire ensemble dans le cadre d’un Contrat Territorial Volet Milieux Aquatiques (CTVMA) ”.
Avec la restauration du chenal de La Fabrique, le premier CTVMA s’achève donc. Le programme d’actions aura duré cinq ans. Son objectif : préserver les marais de l’île de Ré, la biodiversité y est particulièrement riche, assurer leur entretien et leur restauration. En amont des travaux, des états des lieux ont été préalablement menés, notamment l’inventaire de la flore et l’inventaire des anguilles.
Les travaux ont essentiellement consisté à nettoyer les chenaux, à retirer les encombres, à curer les berges, à les conforter, à modifier certains circuits d’eau, à arracher des plantes envahissantes tel le baccharis, et à mettre en place des ouvrages pour les anguilles.
En février 2013, la pelle amphibie, Zarafa, est intervenue dans le Chenal des Rouets à Ars-en-Ré.
Fin 2013, le chenal de la Groix à Saint-Clément des Baleines, a été restauré.
En 2015, c’était le tour du chenal du Roc aux Portes-en-Ré.
Le premier CTVMA avait mis du temps avant de voir le jour. Le projet a été initié en 2007. En 2010, il a été relancé. Un contrat a été signé en octobre 2012, entre la Communauté de Communes, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne et le Conservatoire du Littoral. Au terme des cinq années, le montant total des travaux s’élève à 2,5 millions €. 70 % sont pris en charge par la CDC, via l’Ecotaxe intercommunale, 26 % par l’Agence de l’Eau et 4 % par le Conservatoire du Littoral.
En 2018 un second CTVMA va être lancé. Les équipes de la CDC estiment qu’encore un tiers de travaux restent à mener, afin d’aboutir le projet global de restauration des zones humides de l’île de Ré. En 2019, nous devrions donc voir d’autres interventions.
Ces dernières années, des comités de marais ont été créés. De La Couarde jusqu’aux Portes, le paysage a changé. La zone est de nouveau bien irriguée. Tout n’est pas terminé, mais de nouveaux sauniers s’installent, de nouvelles activités économiques démarrent. Et les marais, dits de loisirs, font aussi revivre ces lieux emblématiques de l’île de Ré. Ça bouge…, ça évolue…