Marc Gadras, forestier des dunes rétaises

Invité le 13 août, lors de l’assemblée générale de l’Association pour la Protection du Patrimoine des Portes-en-Ré (A4P), Marc Gadras a retrouvé pour une matinée l’île qu’il aime tant.

Pendant près de 45 ans ce monsieur a occupé la fonction de forestier de l’île de Ré. Il a sillonné de long en large les espaces boisés, beaucoup de Rétais de sa génération se souviennent de lui.

Marc Gadras - 13 août 2015

L’écouter raconter ses histoires est un moment captivant et charmant.

Marc Gadras est arrivé dans l’île en 1955, il a alors 31 ans. Il habite la cabane des Fontaines, aux Portes-en-Ré, la petite maison située en haut de la dune de la Conche. « Je ne saurais jamais assez remercier la Direction des Eaux et Forêts pour leur gentillesse de m’avoir logé dans cette petite maison des Fontaines pendant 45 ans. Cela m’était très agréable car j’étais sur place pour mon travail. Je disposais d’un petit parking au bas de la dune où je pouvais mettre mon matériel » a-t-il déclaré en préambule de son intervention, qu’il avait soigneusement préparée à l’avance.

Dans les années 50, les dunes de l’île de Ré sont pratiquement nues. Monsieur Gadras père a monté une entreprise agricole et forestière sur le continent, il initie son fils Marc au métier. Une mission de sous-traitance leur est confiée par les Eaux et Forêts : les plantations des dunes et leur entretien. Il leur faut préparer les semis de graines de pins, labourer, planter de jeunes arbres, débroussailler les pare-feux. A l’époque, l’île ne dispose pas d’équipement technique pour ce travail. Marc Gadras se souvient : « Pour rejoindre l’île de Ré j’ai parcouru 135 kilomètres, à la vitesse de 20 km/h avec mon tracteur. Il tirait une remorque portant une charrue spéciale pour ouvrir des sillons larges et profonds, et un semoir à graines que nous avions spécialement fabriqués ». Pour remplir sa mission il est aidé par deux employés des Eaux et Forêts. Le responsable à La Rochelle leur donne les instructions.

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Marc Gadras a planté les cupressus qui montent vers la maison de la dune. C’est à cette époque qu’ont été introduits les pins sylvestres, les pins maritimes et les cupressus en bordure de la route.

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Il est un des premiers à avoir oeuvré concrètement sur le terrain. Il est intarissable quand on le branche sur la protection de la dune : « Il fallait étendre une épaisse couche de branchages, permettant ainsi la protection du sable et aussi la poussée des herbes à sable, les oyats. Au pied de la dune une rangée de piquets soutenaient cinq rangs de fils barbelés. Nous avons créé de petites allées piétonnes d’accès à la plage. Il est très regrettable aujourd’hui que les crédits supprimés favorisent la dégradation de la dune ». Les travaux forestiers s’arrêtaient pendant la période touristique, de juin au 15 septembre.

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D’autres missions lui ont été confiées par les communes rétaises. A Saint-Martin, il s’est occupé de l’entretien des douves, débroussaillage et fauchage. Il y descendait avec son tracteur. Lors de la création du golf aux Portes, il a nivelé les bosses du marais, les a passées au rotovator il a fait les semis des graines, et a roulé le terrain pour bien l’aplanir.  Pour l’EID (Etablissement Interdépartemental pour la Démoustication), il a passé le rotovator sur les anciens marais pour combler le Pas des Vaches, là où l’humidité contribuait à la prolifération des moustiques. Toujours aux Portes, à Lilleau des Niges, avant même la création de la Réserve Naturelle, il a fauché et entretenu les bosses de marais pour en faciliter les accès. Des particuliers lui ont demandé d’intervenir pour préparer les terrains de camping avant l’arrivée des touristes. D’un bout à l’autre, il connaît l’île de Ré par coeur ! 

Il a aussi travaillé pour les Eaux et Forets de Vendée, des Sables d’Olonne jusqu’à Normoutier.

La maison des dunes était son havre de paix et de repos. A l’époque elle comportait deux petites pièces, dont une avec une cheminée au centre. Son toit était à quatre pentes. Il l’a vue recouverte de neige ! Il  y logeait seul, du lundi au samedi, et principalement pendant l’hiver. Le samedi soir il rentrait en 2CV chez lui, rejoindre sa famille, à Chaillevette commune de Charente-Maritime située au bord de la Seudre. De temps en temps, sa famille venait le rejoindre pour passer un week-end au bord de la mer. Le lieu a été en quelque sorte leur résidence secondaire. Yvette sa femme et Maryse sa fille gardent une émotion palpable à l’évocation des souvenirs.

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L’histoire s’est terminée aux alentours de 1998-2000, Marc Gadras ayant dépassé la soixantaine. Après lui l’organisation et l’entretien des dunes ont évolué. Il n’est pas pour autant inactif. Habitué au grand air depuis son enfance, sa fille raconte qu’il est encore quotidiennement sur son tracteur.

Quand la dune rétaise vous gagne ! 

Marc Gadras revient de temps à autre dans l’île de Ré. En septembre 2009, l’A4P lui a proposé d’être présent pour les Journées du Patrimoine, alors que la cabane des Fontaines venait tout juste d’être restaurée. Le 27 juin dernier, pour fêter ses 91 ans, il est une nouvelle fois retourné voir sa petite maison avec sa famille.

Michel Fruchard, qui amine le COREPOR (Collectif pour le recueil du patrimoine oral rétais) et par ailleurs membre de l’A4P, lui a  proposé de l’interviewer pour garder la trace de ses précieux témoignages d’une époque révolue. Ses souvenirs sont précis, il en a plein la tête, il remplit régulièrement des pages de cahiers.

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Alain Bidard, président de l’A4P, l’a chaleureusement remercié de sa venue au nom de l’association et de ses membres.

« Nous avons eu beaucoup de plaisir à échanger avec lui. Il est, à lui tout seul, un patrimoine immatériel » atteste t-il.

 

Un grand merci à la famille Gadras pour m’avoir autorisée à publier plusieurs photos de son album personnel.

 

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