Aucune digue en reconstruction sur l’île de Ré n’est semblable à l’autre. Le profil de celle de Loix se dessine peu à peu. Au lieu-dit, le Cul d’Ane, juste derrière le port, une grande partie est terminée, côté estran.
Avec les enrochements et le muret déjà édifié, on peut déjà distinctement percevoir ce que sera cette protection, qui est définie comme de “ premier rang ”.
La digue proprement dite, en béton et enrochements, est longue de 2 300 mètres. Elle démarre au Cul d’Ane et s’allonge jusqu’à la Grande Tonille, non loin de l’anse de plage.
Mais elle ne constitue qu’une partie des ouvrages du système prévu pour la défense des côtes du village. Des merlons, des talus, viendront compléter la défense de premier rang.
Outre son utilité évidente, la digue en enrochements offrira la possibilité d’une très belle balade au grand air.
D’un côté les marais, et de l’autre la Fosse de Loix, avec vue sur Saint-Martin et La Couarde. De quoi concurrencer la future digue de Saint-Clément, en terme d’agrément !
Je vous propose de revenir sur le chantier de ces six derniers mois.Je l’ai suivi par intermittence, au gré de la météo. Parce qu’à Loix, la caractéristique du chantier est de se situer sur un territoire particulièrement meuble, la vase est toute proche. Par temps de pluie ou de vent, ouh… Bottes de chantier, indispensables. Ça glisse, c’est épais, ça colle. Quand ça souffle c’est pas pour du beurre, le casque de chantier s’envole.
Le chantier est bien sûr formellement interdit au public.
Lorsque je me plonge dans les photos de la vieille digue du Cul d’Ane que j’ai prises à la fin du mois d’août dernier jusqu’à aujourd’hui, le lieu a bien changé au fil des mois !
CUL D’ANE, AVANT :
Mi septembre, le parapet de la vieille digue du Cul d’Ane est démoli. Nous ne verrons plus l’ancien perré maçonné et son mur de couronnement vertical, crénelé, en béton armé. Ce n’est pas à cet endroit que la mer tape le plus violemment dans la Fosse de Loix. Le mur était encore solide, mais il était bien abîmé et surtout vulnérable.
Une fois l’ancien mur détruit les enrochements peuvent commencer. Cette phase est très longue. Les pelleteuses creusent d’abord la vase pour terrasser une bêche. Dans cette tranchée sont posés successivement quatre voiles de géotextile, des enrochements de calcaire, des petits cailloux de calcaire qui font office de filtre, et pour finir des enrochements en granit, de 1,10 mètres de haut, pour la carapace.
Les camions font des allers-retours incessants pour acheminer les différents matériaux. Le site de stockage des pierres est éloigné du Cul d’Ane.
Fin novembre, les enrochements prennent bonne tournure. Des cailloux, plein de cailloux, des tonnes de cailloux…
L’assemblage des granits de la carapace se poursuit :
Lorsque trois mois plus tard, je reviens sur le chantier, je m’aperçois que j’ai loupé un épisode. La construction du muret en béton armé a bien progressé. Les derniers coffrages destinés au coulage du béton sont en place.
L’ouvrage est dimensionné à Xynthia + 20 cm, selon les instructions des services de l’Etat, en l’occurrence le Ministère de l’Environnement.
A cet endroit, le niveau de protection est à 4,80 NGF.
15 mars 2017. Les coffrages ont été retirés, le muret apparaît dans sa version définitive. Il reste encore quelques mètres d’enrochements à terminer pour atteindre le haut du muret. Posées en sur-couche, les éclats des roches de granit brillent sous le soleil printanier. On appelle glacis, la façon dont les pierres sont agencées sur le dessus. Je trouve cela très beau. En plus, une impression de sécurité se dégage.
Plus tard, l’arrière sera aménagé. Le chemin d’accès pour les engins, sur lequel les piétons pourront se balader, sera surélevé jusqu’à hauteur du muret.
Chaque mercredi prend place une réunion de chantier. Les équipes font le point sur l’avancement des travaux en cours et à venir. Avec visite détaillée du chantier.
Les prises d’eau sont un élément important du dispositif global. Elles alimentent les marais, situés derrière la digue. Elles existent depuis des siècles, mais on sait qu’elles peuvent constituer un point de faiblesse des ouvrages.
Elles doivent être adaptées au débit de l’eau de mer, qui rentre et/ou qui sort. Chacune doit aussi dimensionnée spécifiquement, selon sa position sur le site.
Les vieilles prises avaient tendance à se boucher, à se remplir de vase et de cailloux, empêchant l’accès des eaux. Certaines étaient même écrasées, sous le poids des années et des passages.
Plusieurs ont été récupérées, vérifiées, nettoyées, relookées. Plusieurs vannes ont été entièrement refaites. De nouvelles buses, de nouveaux clapets, de nouveaux tuyaux, ont été installées.
L’entreprise en charge des prises d’eau, ne peut travailler qu’à marée basse. Ceci complique la tâche. Il faut aller vite et bien, le temps d’intervention est compté avant que la mer ne remonte. Pas facile…
A la Grande Tonille, la portion de digue mesure 650 mètres. Compte tenu des fortes agitations de la mer à cet endroit, la digue est montée à 4,95 m NGF.
Les enrochements sont en diorite. Des cailloux, encore des cailloux, toujours des cailloux. Il y en a des tonnes à approvisionner par camions depuis la zone de stockage, et à mettre en place au moyen d’une pelle.
Caillou par caillou, l’agencement est savant et précis, afin que les pierres se stabilisent entre elles, et bougent le moins possible lorsque la houle viendra immanquablement se casser dessus.
Une fois la semelle du muret construite, l’entreprise Welbond Armatures, de Saint-Herblain (44), est intervenue à la Grande Tonille pour monter les aciers qui constituent l’ossature du muret en béton. Elle a une forme spéciale, avec un retour.
Le 15 mars, les 650 mètres de ferrailles de cette portion de digue sont prêts à recevoir le mortier.
La Grande Tonille est le point d’accès du site, pour atteindre les parcs ostréicoles. Un pas est en construction. Il en existait un précédemment. Il a été déplacé, en concertation avec les ostréiculteurs, les ingénieurs, le Conseil départemental maître d’ouvrage et maître d’oeuvre, la Communauté de Communes et l’Architecte des Bâtiments de France.
Là où il se situait précédemment, au premier tournant de la digue, les professionnels étaient tout de suite dans la vase, le pas ancien n’était pas toujours stable. Le nouvel pas va permettre un accès plus rapide aux parcs à huîtres, et surtout plus sécurisé.
Jusqu’au 24 mars, il est fermé.
Mesures altimétiques, damage en bonne et due forme, dans les jours qui viennent le pas ostréicole va recevoir une couche de béton de finition.
Entre le Cul d’Ane et la Grande Tonille, il y a la Petite Tonille. Elle n’a de petite que son nom de lieu-dit. En fait, c’est la partie la plus longue de la digue : 1 150 mètres.
Pour la repérer, ce n’est pas compliqué. Juste au milieu, côté marais, se situe l’ancienne ferme aquacole. Elle comporte deux tronçons.
Comme au Cul d’Ane, les agitations de la mer y sont faibles, mais le risque de surverse est important. C’est d’ailleurs un endroit où le chemin d’accès depuis la ferme aquacole est particulièrement humide, tout comme le sentier piéton qui longe la digue. Là, on est vraiment entre mer et terre sauvage.
La digue va être élevée à 4,90 m NGF.
Mi-février, le ferrraillage du muret de la petite Tonille a débuté.
Là encore, c’est un travail de patience, à la main. Il faut assembler chaque morceau d’acier, l’un à l’autre, méthodiquement.
Quand il fait beau, comme ce 15 mars, bosser en plein air n’a pas l’air désagréable, ça va… Mais quand les dernières semaines le vent et la pluie ont fait des leurs, les employés du chantier n’ont pas toujours pu travailler tant la météo était mauvaise. Il en reste de beaux souvenirs sur le sol !
Comme l’an passé, les travaux vont devoir s’arrêter pour la partie de la digue proprement dite. Le printemps arrive, place aux oiseaux et à la nidification. Pour autant, même en pleine période de pose de pierres et de bétonnage, quand le bruit est parfois assourdissant et quand le sol tremble un peu lorsque les énormes camions chargés de pierres se déplacent, le chantier n’a pas l’air de les effrayer. Ils sont vraiment placides.
En vidéo, voici un court résumé de six mois de travaux.
La protection du port de Loix est une toute autre histoire. Il est entouré de très vieilles maisons, emblématiques du passé de l’île de Ré. Le moulin à marée est classé monument historique. Des précautions particulières s’imposent.
A l’arrière du port, la physionomie du site, telle que nous la connaissions, est irréversiblement modifiée, sécurité oblige.
Le muret de protection part depuis le Cul d’Ane, il se prolonge jusqu’au coin de la placette du port, appuyé sur des encorochements.
Cette digue devrait contribuer à nous inculquer la culture du risque, en permanence !
Le port est actuellement fermé aux véhicules. Toutefois il subsiste un petit passage pour que les propriétaires de bateaux puissent accéder à la cale. La semelle du mur a été coulée. On voit déjà bien l’emplacement où se situera le batardeau amovible. Il sera positionné en cas d’alerte. Il est plutôt long, il va pratiquement jusqu’au moulin à marées.
D’ici l’été le port sera provisoirement en état, et accessible.
En outre, en septembre, débuteront d’importants travaux de restauration des quais. Leur remise en état était souhaitée depuis bien longtemps par les usagers du port, les riverains et les Loidais d’une façon générale. Le port présente des aspects bombés, parfois dangereux pour les piétons et les vélos.
Cela fait cinq ans que le projet est dans les tuyaux. Le port est départemental, et non pas communal. 250 000 € vont être injectés par le Conseil départemental, en plus des travaux de la digue, pour qu’il retrouve son esthétique originelle. Un comité de réflexion devrait être mis en place afin d’étudier les problèmes de circulation et de parking sur le site.
Pour terminer ce post, je ne peux que m’interroger sur les cartes d’aléas, elles me rendent perplexes.
Comme vous le savez, le PPRN de l’île de Ré (Plan de Prévention des Risques Naturels) est en cours de révision. En février 2017, les services de la Préfecture ont sorti des cartes d’aléas, commune par commune. Avec simulation des aménagements PAPI (Programme d’Actions de Prévention des Inondations), elles intègrent les nouveaux ouvrages de protection.
Dans la version Xynthia + 60 cm, maximale, les ouvrages de Loix y sont surversés de + 20 cm. Les hypothèses de calcul sont donc identiques à celles de 2014.
La version Xynthia + 20 cm, simule aussi les aménagements PAPI.
Et pourtant, à chacune de mes visites sur le chantier, je ne peux que constater que cette digue est concrète et réelle…
A bientôt pour la suite du feuilleton de ces travaux de Loix.
Merci pour ce beau reportage !…
Les lagordais que nous sommes adorent Loix, sa simplicité et sa tranquilité.
Nous espérons seulement que ces travaux gigantesques ne dénatureront pas le paysage.
On peut aussi espérer de nouvelles et roulantes pistes cyclables derrière ces murets de béton… A bientôt (dès les beaux jours) du côté de Loix, à bicyclette…
Merci pour votre commentaire. Nous aimons tous Loix, cette île dans l’île. Rassurez-vous, à voir ce qui a été fait au Boutillon, et ce qui est actuellement fait à Saint-Clément tout est mis en oeuvre pour que les digues s’intègrent dans le paysage. Ce sont avant tout des des protections, mais dans le respect de la nature environnante. Nous sommes en site classé ! Amicalement maryline
Bravo pour ton travail de reportrice sur l’avancement de ces gros ouvrages protecteurs de notre île !
Merci Fanfan ! Xynthia m’a appris de près que ces digues sont là pour nous protéger, et quand je vois l’application et l’implication qui sont mises j’en suis très reconnaissante..