La coque est un mollusque bi-valve. Sa chair, au goût particulier, est prisée des pêcheurs à pied et des gourmets. Elle se cache dans des endroits sableux et vaseux, mais pas n’importe où.
Depuis l’année dernière, la Communauté de Communes, via ses Ecogardes, a entrepris un travail d’inventaire, afin d’évaluer la ressource en coques à l’île de Ré.
L’inventaire s’opère sur trois ans. Trois ans, c’est la durée nécessaire pour appréhender l’évolution des gisements naturels. L’état des lieux a débuté en septembre 2015, nous en sommes à la seconde année. L’écotaxe permet de financer le projet, comme pour tous les projets environnementaux de l’île de Ré.
Deux sites côtés par les pêcheurs tout au long de l’année sont analysés : le Fier d’Ars et l’Anse du Fourneau aux Portes. Des points GPS ont été identifiés. Dans le Fier, milieu vaseux, 94 points espacés de 200 mètres. Les points les plus éloignés se trouvent à 500 mètres du rivage.
Aux Portes, milieu sableux, 46 points, espacés de 100 mètres. Les plus éloignés sont situés à un kilomètre du bord, jusqu’au bout du Banc du Bucheron.
Ces mêmes points seront étudiés durant les trois années. Les prélèvements se font à marée descendante ou basse.
L’année dernière trois équipes d’Ecogardes sont restées une dizaine de jours dans le Fier d’Ars. Ils se déplaçaient sur les vases avec leur volumineux matériel de tamisage. Il y avait un vent de folie, le 17 septembre 2015 !
A l’Anse du Fourneau, le 12 octobre 2015, la météo n’était pas non plus clémente. Vent de folie encore. Des conditions difficiles, mais qui font le bonheur des kite-surfeurs au loin !
Pour l’inventaire 2016 dans le Fier, la CDC a fait appel à un aéroglisseur, afin que les Ecogardes se déplacent d’un point GPS à un autre plus rapidement et plus efficacement. Et ainsi accélérer les prélèvements, avec une équipe réduite.
Vous avez peut-être entendu et vu ce drôle d’engin sur l’estran. Un arrêté de la Préfecture a autorisé son accès, et les communes concernées ont été prévenues qu’il y aurait sans doute un peu de bruit pendant trois jours, du 5 au 7 septembre. Ce mode opératoire est impressionnant, et l’engin hyper mobile.
Le 6 septembre 2016, avec le chaud soleil, il y avait beaucoup de monde à la pêche à pied dans le Fier. Certains ont eu la berlue en voyant cette machine amphibie !
A chaque point s’opère donc un prélèvement. Le matériel des Ecogardes se compose de planchettes qu’ils disposent en carré étroit d’1/4 de m2, 50 X 50 cm. Le substrat est extrait au moyen d’une petite pelle, puis il est passé au tamis. Là, il faut ouvrir l’oeil pour tout de suite repérer une minuscule coque. Et tâter délicatement du bout des doigts en ne négligeant pas ce petit bout dur d’un millimètre, qui est en fait un naissain fragile, qu’il faut surtout pas écraser.
« C’est une question d’habitude » affirme Anaïs Barbarin, Chargée de mission Environnement. « Au bout de vingt prélèvements, c’est déjà plus évident ». Les Ecogardes passent une demie-heure en moyenne sur chaque carré.
A chaque station, les coques sont mises en sachet. Rentrés dans leur local au Préau, à La Flotte, les Ecogardes comptent, mesurent, répertorient, échantillonnent…
Chaque coque est mesurée soigneusement au millimètre près, avec le même pied à coulisse qui a servi à l’inventaire des anguilles. Un échantillon, par point de prélèvement, est mis de côté pour permettre l’analyse de la quantité de chair dans les coquillages.
Une fois les relevés effectués, les coques sont relâchées sur l’estran. Elles doivent être drôlement contentes de retrouver leur chez soi !
Les données sont ensuite transmises à VivArmor, association environnementale, basée dans la Réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc, avec laquelle la CDC a signé une convention. Pilote de l’étude, VivArmor analyse la biomasse, la densité des gisements, la situation des naissins et des adultes et fait l’évaluation de la qualité écologique des habitats. Une cartographie des ressources et un diagnostic seront faits à l’issue des trois ans.
Je vous propose de découvrir en vidéo, comment s’opèrent les prélèvements :
Il est hautement probable que ces inventaires débouchent sur des jachères de pêche à pied. Et même si Lionel Quillet, président de la Communauté de Communes, préfère les mots « mise en attente » plutôt que « jachère, qui signifie abandon ».
L’élu affirme : « Nous sommes très attentifs aux prélèvements faits par les professionnels. Cinq sont actuellement accrédités. A raison de 70 kg par jour et par personne, cela fait 350 kg par jour. Si les pêches se font toujours aux mêmes endroits, il faut en mesurer l’impact. Si les gisements le permettent, pourquoi pas ? Mais le cadre doit être bien défini. Nous devrons peut-être faire évoluer les lieux de pêches.
Quant aux pêcheurs à pied, les jours de grande marée, c’est la ruée sur l’estran. Petit à petit, grâce au travail de sensibilisation mené depuis des années par nos Ecogardes, les tailles et les quantités sont mieux respectées. Cependant à chaque fois 5 kg sont prélevés par personne, et quand il y a du monde, c’est beaucoup cumulé, l’estran est sous tension.
Il arrive aussi aux Ecogardes d’être obligés de sévir, avec l’appui des Affaires Maritimes, pour des prélèvements trop importants ou en zones protégées, voire de mettre le holà au braconnage.
D’autres territoires ont mis en place des nurseries protégées. Ce n’est pas encore le cas à l’île de Ré. Mais ça mérite réflexion. On sait qu’il faut laisser le temps aux espèces naturelles pour se reproduire. Un site fermé pendant trois ans, donne des résultats extraordinaires. Plusieurs sites de l’île de Ré ont besoin de se reposer, car la pression de pêche est beaucoup trop importante. Chauveau, à Rivedoux, est d’ailleurs un problème.
Par ailleurs, nous allons aussi faire avancer ce type d’inventaire sur d’autres espèces. C’est un travail de long terme que nous menons ».
Comme pour le comptage des palourdes, l’inventaire s’opère au travers du projet Life +, Pêche de loisir. Ce projet est co-financé par l’Europe, l’Agence des Aires Marines Protégées, le Conservatoire du Littoral et la Communauté d’Agglomération de La Rochelle. Sa durée est de 4 ans (2013-2017). En se portant volontaire pour adhérer au projet Life+, l’île de Ré fait partie des onze territoires- pilotes français de la façade Atlantique.
Les prochains prélèvements de coques auront lieu à l’Anse du Fourneau à la fin du mois de septembre. Ils se feront à pied, mais sans l’aéroglisseur.
Je me suis intéressée de plus près aux moeurs de ce mollusque.
Les Ecogardes m’ont appris que la coque vit à 1 ou 2 cm de profondeur. En hiver elle descend un peu plus bas. Elle se maintient dans le sable grâce à son pied. Sa durée de vie moyenne est de 2 à 4 ans, cela peut même aller jusqu’à 10 ans. Elle doit être sacrément dodue à cet âge, avez-vous déjà pêché une coque de 6 cm ?
Elle atteint sa maturité sexuelle lors de sa 2ème année, elle mesure alors 13 à 16 mm. Elles se reproduisent toute l’année, toutefois les pontes les plus massives se font d’avril à juin. A 3 mois, elle mesure 1 mm. Les deux premières années , elle croît rapidement. Les stries d’accroissement, marquées sur sa coquille, matérialisent les hivers. Sa reproduction dépend des ressources alimentaires, de la densité, de la température hivernale et du parasitisme.
Un petit rappel : la taille minimale de pêche de la coque est de 3 cm, ainsi que l’indique la réglette. Elle a alors 3 ans, elle est de taille adulte. Ce qui explique, de facto, la durée de l’étude sur 3 ans…