L’adage dit : “ Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ”. Il y a aussi un proverbe qui dit : “ Chacun voit midi à sa porte ”. En tout cas, ces derniers temps, la porte du port de la Flotte a bien fait causer dans les chaumières.
Mercredi 29 mars, 12 heures, la voilà fermée. Le coefficient de marée est de 101.
Jeudi 30 mars, 13 heures, la voilà ouverte. Le coefficient de marée est de 108.
Ah oui, le mécanisme fonctionne ! Tant mieux, voilà une bonne nouvelle. Il faut toutefois souligner que bien avant les manoeuvres de ces derniers jours, la porte a été de nombreuses fois testée pour vérifier son mécanisme.
Pour activer la fermeture et l’ouverture, une zapette jaune. Elle n’a l’air de rien, mais je me suis laissée dire que ce petit boîtier coûte quelques sous. Attention à ne pas la laisser tomber dans le port !
Un double existe, pour le cas où la première ne fonctionnerait pas.
J’ai entendu la question : “ Et si la télécommande n’a plus pile, que fait-on ? ”. La porte peut être manoeuvrée depuis le poste de commande, situé dans un local sécurisé, sur le port.
Une autre question encore : “ Et en cas de panne d’électricité ? ”. Il existe un groupe électrogène de sécurité. Et si rien ne va ? Là, il faut employer les grands moyens. Les cabestans et les cordes sont la solution ultime. Normalement, un peu d’huile de coude est nécessaire, mais toutefois pas comme dans les siècles passés.
Il faut alors quinze minutes pour fermer la porte. Elle peut être actionnée à marée haute ou basse, et par tous temps.
Alors au final qui détient la télécommande ? Ah, c’est une bonne question. Pas si simple d’y répondre. C’est le gestionnaire de l’ouvrage. Derrière tout cela, il s’agit d’endosser la responsabilité des personnes et des biens. Et là, nous rentrons dans le noeud de l’histoire. La porte de La Flotte s’intègre dans le PAPI (Programme d’Actions et de Prévention des Inondations) de l’île de Ré.
Il n’est donc pas donné à tout un chacun le droit d’appuyer sur le bouton. Clic clac, je ferme la porte, clic clac, je ferme la porte. Non, cela ne se passe pas ainsi !
Mercredi 29 mars, Lionel Quillet, président de la CDC, vice-président du conseil départemental, en charge de la Mission digues du Département explique : “ Le Département a pris la maîtrise d’ouvrage, et ce, pour l’ensemble des travaux de défense des côtes de la Charente-Maritime.
Aujourd’hui la porte du port de La Flotte est la propriété de l’entreprise Rouby qui l’a réalisée, sous le couvert du marché passé avec le Département. Le Département a donc actuellement la responsabilité de fermeture. Cette porte se ferme par convention, parfaitement fixée, signée entre l’Etat et le Département, uniquement en cas d’alerte rouge submersion. Pas en alerte rouge vent. Ni en alerte orange. Ni à l’inquiétude, même légitime. C’est l’Etat, en l’occurence la Préfecture, qui déclenche l’alerte rouge submersion, en fonction des prévisions météo. Le Département peut alors fermer la porte, et en parallèle le maire organise son plan communal de sauvegarde ”.
Lors de la tempête Leiv, le 3 février dernier, nous étions en alerte rouge vent violent, mais pas en alerte rouge submersion.
“ L’entreprise Rouby opère des manoeuvres, notamment par grandes marées comme ces jours-ci. Fin avril, elle remettra officiellement la porte au Département. Et fin juin, le Département la remettra au gestionnaire de l »ensemble des digues : la Communauté de Communes. La période transitoire sera alors terminée. Au 1er juillet, la fermeture de porte sera effectuée en matière fonctionnelle par la CDC, dans le cadre d’une convention avec l’Etat, qui sera toujours basée sur une alerte rouge submersion.
Une remarque : nous avons quand même l’intention de travailler avec l’Etat pour donner un peu plus de sécurité à la convention sur le déclenchement de l’alerte. Il peut arriver de nous trouver en alerte orange foncée à 2 heures du matin avec vent grossissant, mais pas encore en alerte rouge submersion. Seul l’Etat a autorité pour déclencher l’alerte, et ensuite seulement l’équipe de la CDC peut actionner la porte. Ce n’est pas une porte à flots. On n’ouvre pas la porte sur décision unilatérale. Il ne faut pas la fermer pour rien ”.
Cette porte sera, par obligation, essayée et contrôlée chaque mois, pour vérifier si de la vase ne s’est pas accumulée au pied, ou s’il n’y pas un obstacle au passage de l’eau. Le risque qu’elle ne ferme pas est faible, nous dit-on. Mais il reste toujours possible.
Il n’y a pas que la porte. Un dispositif complet de sécurité a été conçu, avec parapets et deux batardeaux. Un batardeau se situe à l’entrée du môle Nord, et un autre sur la rampe d’accès, côté promenade, juste devant les maisons.
Une convention devrait être passée entre la CDC et la mairie de la Flotte, pour qu’en cas d’alerte les équipes communales puissent intervenir pour les batardeaux, en sus du plan communal de sauvegarde.
“ La sécurisation de l’ensemble, c’est une chose. Mais le plus important c’est que les personnes se sensibilisent. L’intelligence de la personne est au-dessus de la technique ! ” souligne Lionel Quillet.
Il est à noter que le port de la Flotte est historiquement en creux, en contrebas du village. Son niveau NGF est plutôt bas : 4 mètres NGF. Le nouveau niveau de défense est à 5 mètres NGF, soit à Xynthia + 20.
La porte est donc restée fermée pendant 24 heures. Des tests ont été effectués à marée montante, avec notamment l’étude du comportement de l’eau sur la porte. La fermeture, tout comme l’ouverture, prend quatre petites minutes.
Jeudi 30 mars, le technicien de Rouby et les équipes du Département et de la CDC sont sur place pour l’ouverture à marée descendante.
L’eau ressort par les ventelles, à raison d’ un centimètre à la minute. Son niveau se lit sur une échelle graduée.
Grâce à une rotule, en bas du rail, la porte peut être légèrement basculée à droite au à gauche. Elle peut être plaquée côté port en cas d’alerte, ou côté mer pour chasser l’eau.
En vidéo, je vous propose de découvrir comment la porte anti-submersion s’ouvre et se ferme :
Tout fonctionne correctement. Pour transmettre la porte, les équipes vont devoir encore passer par des process administratifs et techniques, longs et complexes. Et aussi rédiger un mode d’emploi détaillé.
Lors de ces deux jours sur le port de La Flotte, j’ai été surprise par la mousse verte qui recouvre déjà les pierres. La nature reprend vite ses habitudes ! Les nouvelles constructions s’intègrent parfaitement bien, on a l’impression que le port a toujours été ainsi. Comment imaginer qu’en dessous, c’est un véritable meccano…
Le dernier post que j’ai écrit sur les travaux de sécurisation de la commune de La Flotte remonte à juin 2016, au terme de neuf mois de travaux.
Entre cet article et celui-ci, le chantier s’est arrêté pendant l’été pour reprendre à la rentrée 2016. Le génie civil proprement dit est terminé, mais ce n’est pas pour autant que le chantier est abouti. Ajustements et réglages de la porte, finition des parapets de protection et reprise du perré sont à l’ordre du jour.
Comme je n’ai rien publié à ce sujet, voici quelques photos et explications. Histoire de revenir en arrière pour bien comprendre que ce chantier n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Et que nous pouvons remercier vivement les équipes de s’activer à la protection de notre île.
Fin octobre, sur le môle Est, la porte est quasi prête à recevoir un revêtement sur lequel les piétons pourront passer et venir admirer la mer. Je ne me lasse pas de regarder l’intérieur de la porte avec ses poulies. Une incroyable technologie.
Le technicien de l’entreprise Rouby fixe les cabestans au sol. La clé de serrage est à l’image de l’installation, énorme ! Et des essais de cordages sont effectués.
La porte est essayée maintes et maintes fois.
Pendant ce temps, le parapet du môle Nord prend forme. Il y a encore deux ans cette défense supplémentaire n’existait pas. A l’entrée du môle, un batardeau pourra être positionné en cas d’alerte submersion.
Et pour accéder au môle Est, le bas de la montée des marches est pierrée. Les anciens matériaux sont prioritairement réutilisés.
La promenade de la mer, jusqu’à la plage de l’Arnérault, se termine également. On ne dirait pas que cela a été un chantier important de ce côté là.
Le perré, c’est le revêtement en pierres qui protège les berges du port, et qui empêche le talus de s’effondrer. Je ne sais pas de quelle époque date l’antique construction, mais elle ne semble pas dater d’hier. Elle a été bien attaquée par des années de marées.
A l’origine, le perré n’avait pas de fondations. Depuis le port jusqu’à la cale, son pied n’était pas renforcé. Les Anciens avaient simplement monté des pierres qui se soutenaient les unes aux autres. Lors des études en amont des travaux, il a été prévu qu’un nouveau pied soit durablement construit au moyen de parafouilles en palplanches et d’une longrine, une semelle, en béton. Et que les anciennes pierres soient réutilisées, en les complétant si besoin avec de nouvelles pierres. L’entreprise Bonnet est chargée de ces travaux particuliers. C’est elle aussi qui a construit les parapets de pierres.
Mi novembre 2016, mauvaise surprise. Les anciens pavés se dessellent au fur et à mesure de la construction du nouveau pied. Tout le bas du perré s’avère défectueux. Oh la la, gros aléa de chantier, c’est la tuile… Il faut donc remettre l’ensemble au propre sur près de trois mètres de hauteur du perré, et ça prend un temps fou. Pierre après pierre, la consolidation est conséquente.
En plus, il fait un froid de canard. Ceux qui travaillent dans de telles conditions de boue, de vase, de vent, sont vraiment méritants. Ils ont de l’énergie fort heureusement, et ils gardent malgré tout le moral. Et pourtant, il y aurait de quoi être découragé.
Le 30 mars, sur le port, j’ai croisé les responsables de l’équipe Bonnet. Le chantier est terminé pour eux, la livraison a été actée. Mission accomplie.
Voici une autre vidéo, qui vous fait rentrer dans les coulisses du chantier, d’ octobre à décembre 2016 :
Le chantier de La Flotte sera inauguré le 22 juin, en présence de Dominique Bussereau, président du Conseil départemental. En même temps que deux autres chantiers importants, celui de la digue du Boutillon à Ars/La Couarde, et celui de la digue des Doraux à Saint-Clément.
On se souvient qu’il faut en moyenne sept années pour qu’une digue voit le jour, et cinq ans si les procédures sont simplifiées. Un grand merci à tous ceux qui oeuvrent pour cela.