PPRL, diagnostics et carte d’aléas

Le futur PPRL (Plan de Prévention des Risques Littoraux) anime toujours les débats, et d’autant plus avec les phénomènes météorologiques constatés et vécus ces dernières semaines partout en France. Fureur de la mer, déchaînement de la houle, dunes implacablement attaquées, digues en mauvais état, nous confirment bien l’importance du propos.

Vendredi soir, 31 janvier,  Lionel Quillet, président de la CDC (Communauté de Communes), a tenu une réunion publique. La dernière avait eu lieu en novembre 2013.

A quelle sauce l’île de Ré va t-elle être mangée ? Allons-nous enfin sortir du tunnel et voir enfin aboutir la carte des aléas préfigurant le PPRL ?  Que l’on soit particulier, artisan ou professionnel travaillant sur l’île, de quoi sera fait demain? Beaucoup ont hâte de savoir.

650 personnes se sont déplacées dans la salle des sports d’Ars-en-Ré, en espérant découvrir la fameuse carte à partir de laquelle les permis de construire ou d’aménager devraient être délivrés dans le futur. Non, ce ne sera pas pour tout de suite, il va falloir encore s’armer de patience, voire courber l’échine pour certains, et attendre encore cinq mois…

Défendre ou non l’île de Ré ?

Le choix politique est clairement oui, là où il y a intérêt économique ou intérêt de vie permanente et d’habitations. L’île a toujours été défendue, les premiers éléments administratifs concernant les levées et les mises en terre pour protéger l’île de Ré datent de 1053. Il a été rappelé que la France est la deuxième façade maritime d’Europe et un des pays où il y a le plus de fleuves.

A l’île de Ré, allons-nous vers la levée d’un nouvel impôt digues ?

Une loi vient tout juste d’être votée, le 27 janvier 2014 : l’Etat donne la possibilité aux collectivités,  les inter-communalités entre autres, de lever un impôt, dit impôt digues, au titre de la défense et des risques liés aux inondations et à la submersion. Son montant maximum peut être de 40 euros par personne dans les zones concernées. « Cela veut dire que l’Etat a totalement entériné ainsi que les parlementaires que la défense du territoire appartient aux collectivités. Comme l’Etat risque un jour de ne plus financer, c’est à la collectivité de trouver des solutions financières »  assure Lionel Quillet.

Petit aparté personnel : Je suis prête à payer un tel impôt si ça peut servir à construire des protections pour l’île de Ré, mais à condition d’avoir la garantie que les sommes soient bien utilisées à ces fins là. Rappelons-nous la vignette automobile qui devait aider les personnes âgées et qui a servi à bien d’autres choses… Et vous, êtes-vous prêts pour payer un impôt digues ?

Actuellement 31 millions € de travaux ont déjà été réalisés dans l’île de Ré. Ce montant intègre la reconstruction en cours de la digue du Boutillon pour 10 millions €. 45 millions € sont prévus pour les travaux intégrés dans les PAPI (Programmes d’Actions de Prévention contre les Inondations), leur financement est d’ores et déjà validé.

Montant des travaux de digues à l'île de Ré

 

Au total la défense de l’île de Ré est évaluée à 100 millions €. 

Quand la carte va -t-elle sortir ? En principe le 30 juin 2014.

L’Etat, en l’occurrence le chef de cabinet du ministre de l’Environnement, a demandé à Lionel Quillet que la carte des aléas qui devait sortir ces jours-ci, élaborée avec l’appui des experts mandatés par la CDC, ne soit pas présentée actuellement. L’île de Ré doit être force de propositions, et l’Etat validera ensuite. Aujourd’hui mardi 4 février, Lionel Quillet a de nouveau rendez-vous au ministère de l’Environnement.

En attendant peu ou pas de permis de construire ou d’aménager sortent. 113 ont été refusés, 13 ont été débloqués ces dernières semaines au cas le cas, 17 vont être représentés. Il en reste ,  donc une centaine en attente, la plupart dans le canton nord de l’île. La CDC devait instruire les permis de construire à partir du 1er avril 2014, il a été décidé avec l’Etat de repousser cette date au 30 juin, lorsque le PPRL sera établi et validé.

Nous voilà maintenant rentrés dans une période de négociation collective, avec sans doute, pas mal d’allers et retours pour que la CDC et l’Etat se mettent d’accord sur une carte commune, préfigurant le futur PPRL. Ne nous leurrons pas, même si le dossier a l’air de se débloquer par rapport à la situation tendue vécue l’été dernier, tout ne va pas se résoudre d’un coup de baguette magique. Il y a quand même un grand chemin à parcourir entre la méthode forfaitaire de défaillance de tous les ouvrages, base de la réflexion de l’Etat à partir de la circulaire nationale du 27 juillet 2011, et la méthode prônée par la CDC. Déjà faut-il se mettre d’accord sur la méthode !

Restons optimistes et confiants, l’Etat a l’air d’intégrer les remarques rétaises. Un compte rendu du cabinet du ministre de la réunion du 16 janvier dernier a d’ailleurs été présenté pour confirmer les dires : « Les échanges ont porté sur les attentes et demandes de la communauté de communes sur les modalités techniques, la concertation du calendrier d’élaboration de la carte d’aléas du PPRL, et sur les refus opposés aux demandes de permis de construire et l’impact sur le territoire. Il a été également évoqué les dommages aux dunes et digues causés par la tempête de mi-janvier.

Le directeur de cabinet a souligné son souhait de voir se poursuivre le dialogue entre les services de l’Etat et les collectivités, dans un esprit qui permettra d’échanger sur les dossiers et d’examiner les diagnostics et éléments techniques que souhaite apporter la communauté de communes concernant la carte d’aléas.

Il rappelle aussi qu’un ré-examen des permis de construire a été effectué en décembre qui a permis de donner une suite favorable à plusieurs demandes.

Les participants de la réunion conviennent qu’il est préférable d’éviter la diffusion de cartes qui ne seraient pas cohérentes et qui ne pourraient qu’entraîner la confusion. Il est souhaitable de prendre le temps d’examiner les études-diagnostics des digues établies par la CDC. Le ministère s’engage à ré-examiner quelques demandes de permis de construire, sans préjuger du résultat de ce ré-examen à ce stade.

Les services de l’Etat suspendent la publication de la carte d’aléas dans l’attente de l’examen par les services du ministère des résultats des études conduites par la communauté de communes pour une prise en compte éventuelle dans l’établissement de la darte des aléas, élaborée par la Direction départementale des Territoires et de la Mer.

Une nouvelle réunion est prévue le 4 février prochain pour faire le point sur les diagnostics ci-dessus et élaborer dans la mesure du possible un calendrier de travail avec l’objectif d’aboutir à une carte d’aléas établie par l’Etat et partagée par les collectivités d’ici à la fin de l’été 2014 ».

Depuis plusieurs mois, des experts travaillent avec la CDC. Un énorme boulot…


Didier Rihouey, président du cabinet Casagec Ingiénérie, présente la méthodologie mise en place pour construire un dossier complet et établir un diagnostic fiable. Les ingénieurs sont sur le terrain pour faire des relevés et aussi derrière leurs ordinateurs. Pour un profane comme moi, comprendre leurs équations est un peu complexe car tout cela est très technique. Toutefois, ces bases de travail sont nécessaires pour étayer la réflexion et bâtir un scénario de  défaillance des ouvrages qui fera référence. Il est en outre prévu de mettre en place un observatoire pendant trois ans, pour une bonne évaluation du suivi.

Jentsje Wouter Van der Meer expose des éléments généraux de la défense de l’île et montre quelques  exemples concrets. Une partie de son intervention est consacrée au diagnostic des ouvrages, comment les dégâts et les brèches s’opèrent par l’attaque des vagues ou par des franchissements. Tout cela bien sûr mis en équations mathématiques, intégrant le débit de subverse, l’angle de la pente, la hauteur de la crête, la hauteur des vagues, déferlantes ou non déferlantes, des équations complexes d’expert !

Les formules mathématiques sont basées sur des tests. J’ai bien aimé les petits films qu’il a présentés, dont certains m’ont rappelé l’effet et le bruit des grosses vagues sur les palplanches de protection de la digue du Boutillon actuellement en construction.

Pour chacun des sites de l’île, mesurés par Casagec tous les cent mètres, une fiche a été établie. En voici quelques unes, avec à chaque fois le diagnostic et la recommandation apportée pour l’ouvrage. Il y a quelques surprises dans les solutions proposées, notamment pour la digue des Doreaux à Saint-Clément des Baleines.

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Au passage,  notons qu’aux Pays-Bas, tous les cinq ans, l’ensemble des digues sont testées pour connaître précisément leur état. Les défaillances sont actuellement réparées pour un montant d’un millard € pour les cinq prochaines années, sachant que tous  Hollandais, solidairement, paient un impôt spécial pour cela.

Et  pour les dunes rétaises, qu’en est-il, en particulier pour celles de La Conche ?

Il semblerait qu’à cet endroit, nous sommes revenus au trait de côte de 1900. Entre 1905 et 1950 la dune s’est re-engraissée de sable, là où les blockhaus ont été construits pendant la guerre mondiale. « L’enrochement n’est pas la panacée. Vu la largeur du cordon dunaire, c’est une solution d’urgence qui permet de stabiliser le trait de côte. On met actuellement des enrochements pour sauver les derniers bouts de dunes » reconnaît le président de la CDC. L’Etat a donné son autorisation,  orale pour le moment , pour les travaux d’urgence d’enrochements entrepris dans l’urgence,  en se basant sur le fait que désormais la dune vaut digue. Ces travaux sont d’ailleurs intitulés travaux de digues et d’endiguements de protection des personnes.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Il n’y a plus qu’à attendre la suite des événements.

Calendrier PPRL - 31 janvier 2014

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